Par : Belkacem Ahcène-Djaballah
Dernièrement, la direction de l’Education d’une wilaya du Centre du pays a suspendu , à titre conservatoire, la directrice d’un lycée suite à la distribution d’un document “inacceptable et non conformes aux textes et règlements”.
Elle avait diffusé, nous dit-on, une fiche de renseignements, largement relayée sur les réseaux sociaux qui n’en ratent pas une, comportant un volet dans lequel l’élève devait cocher une case relative à la situation sociale de sa famille : “riche”, “pauvre” ou “moyenne”. Des expressions jugées par la hiérarchie (et certains animateurs de réseaux sociaux) « inacceptables et non conformes aux textes et règlements”. Sans pour autant fournir au lecteur le contenu des dits règlements et encore moins donner la parole à la pauvre dame afin qu’elle explique sa démarche. Tout en nous faisant accroire que, dans l’Algérie d’aujourd’hui, il n’y a pas des familles riches ou des familles pauvres ou des familles « moyennes ». Il n’y a que des « familles » !
Dernièrement, un ministre (il ne l’est plus aujourd’hui et il doit être « appelé à une autre fonction »), en visite dans un grand hôpital de la Capitale a (aurait) dit qu’il fallait le « détruire » car désormais ingérable… pensant certainement à l’architecture pavillonnaire de l’établissement qui, objectivement, n’est plus adaptée. Il aurait dû dire « réaménager »…
Tout le monde se souvient de ce tout jeune ministre de la Jeunesse et des Sports qui, emporté par l’ambiance d’un meeting politique, avait enjoint à « tous ceux qui n’étaient pas contents », de « partir » du pays . Où ? il ne l’avait pas précisé . En fin de compte, c’est lui qui est « parti ». On se souvient aussi de ce ministre (décembre 2019) qui avait, devant les membres du Conseil de la nation, traité les acteurs du Hirak d’ « homosexuels » ….
Autre exemple de plume malhabile ou volontairement méchante, celle de journalistes qui utilisent à tort et à travers le terme de « limogé » lorsqu’il n’y a que « fin de fonctions » ou mise à la retraite d’un responsable.
Ce ne sont là que quelques exemples de langues ou plumes qui ont « fourché », émettant des mots jugés inappropriés lors de situations tout de même assez délicates, car en lien avec la gestion politique ; chez nous, bien plus qu’ailleurs, tout étant politisé. Car les exemples ne manquent pas, entraînant bien souvent des « retours de manivelle » aux conséquences douloureuses et irrécupérables … avec une réprimande ou un blâme au minimum, la mise à l’écart temporaire généralement et au maximum le limogeage pur et simple. Pour la presse, il y a la désaffection du public pour le titre ou le journaliste lui-même.
Pour moi, le problème n’est pas là, le phénomène étant visible un peu partout à travers le monde. Globalement dû à l’inexpérience pour certains, à la non-maîtrise du discours tenu pour d’autres, au désir de « plaire » à la hiérarchie, au mépris ou à l’ignorance des auditoires présents ou autres pour la plupart… Un peu plus ici, un peu moins là-bas ! La question est de savoir -malgré les exemples à ne pas suivre car, pour la plupart rendus publics (aujourd’hui plus qu’hier avec les réseaux sociaux)- le pourquoi de la persistance d’expressions (mots et phrases) inappropriées, parfois presque insultantes. Impertinence ? Bravade ? Inconscience ? Vengeance non-dite ? Engagement non contrôlé ? Flou des textes règlementaires et des instructions parfois se contredisant ? Incompétence (due à une absence de formation dans le genre) en matière de discours et de communication publique ? De tout un peu, un peu de tout, mais certainement pas mal d’ « hubris »… cette sensation (ou cette réalité ) de « Pouvoir » qui fait, en tout cas momentanément, tout oublier : ceux d’en face, ceux d’en haut, ceux d’en-bas, ceux qui nous aiment, ceux qui nous haïssent, ceux qui lisent, ceux qui ne font qu’entendre. Une maladie qui nous a, tous, plus ou moins « bouffé » les méninges et a dévoyé nos comportements sociaux… Plus dure est alors la chute !Toujours plus rapide que l’ascension. Mais qui y pense ?