A l’orée de ma neuvième décennie de vie, et après avoir entendu des « vertes et des pas mûres » lors d’une vie professionnelle tout de même assez chargée, on se retrouve brutalement à nouveau exposés à des vocabulaires que l’on croyait définitivement remisés aux placards de la culture.
Les années 60-70 et même 80 , surtout durant les deux premières, avaient abreuvé notre éducation politique de termes assez acceptables (et relativement acceptés par les encore jeunes que nous étions, travailleurs ….toujours engagés ….et souvent militants ) : socialisme, impérialisme, néocolonialisme…..puis justice sociale, responsabilité….En matière de culture, le maître-mot de l’époque était « invasion culturelle ».
C’est, je crois, le seul terme qui n’a pas évolué…..bien que mourant à petit feu en raison du virus Ntic lequel avait écrasé les radios, les télévisions et les films sans frontières…. la presse écrite et le livre étant les moins dangereux en raison de l’ illettrisme quasi-généralisé et, surtout, des contrôles sévères aux frontières et dans les bureaux des Palais.
Invasion culturelle ? El Ghazou el thaqafi ! Le grand mot qui, depuis le règne du virus Internet est devenu bien gros. Trop gros pour être compris et encore moins accepté par nos jeunes, sinon par ceux qui y ont toujours cru en raison de leur nationalisme identitaire exacerbé. C’est ainsi que j’ai lu, dans la presse, que lors d’une cérémonie célébrant Yennayer (un terme classé il y a quelques décennies d’« envahisseur culturel !» , et ceux qui le prononçaient étaient passibles de sanctions), une responsable de l’exécutif a ressorti le terme du placard du Palais , mettant en garde « les masses » contre sa menace.
A dire vrai, il n’existe aujourd’hui d’invasion culturelle que dans les esprits de ceux qui oublient que toute invasion « culturelle » n’est possible qu’à cause de la faiblesse ou de l’inexistence de culture(s) nationales (s) , régionale(s) et locales(s) multiples et diversifiées ou, encore à l’absence d’initiatives osées, laissant ainsi la voie libre aux « récupérateurs » extérieurs à l’affût de tout vide ou lacune (à l’exemple de la nouvelle chaîne TiVi5 Monde destinée entre autres aux jeunes des pays maghrébins ,depuis le vendredi 28 janvier , une “chaîne jeunesse” ciblant les 4-14 ans ,disponible 24h/24, 7jours sur 7, en clair et gratuite sur le satellite ARABSAT Badr et couvrant 30 pays d’Afrique ). Tout y passe, cela allant du couscous au caftan en passant par le malouf , les langues, le raï, Ibn Khaldoun et Saint Augustin . ……C’est un peu -beaucoup- notre cas .Surtout que durant la même période, d’autres déclarations d’autres parties toutes aussi compétentes et légitimes ne font que se plaindre de la « marginalisation » du patrimoine , de sa « désociabilisation » et de l’ « insensibilisation » sur l’importance des choses dans de nombreux domaines, de l’ignorance des associations de la société civile s’occupant du patrimoine et du passé, etc …..Un problème de coordination et d’action certes, mais surtout un problème d’ouverture d’esprit , même le plus retors, de libération des initiatives , même les plus contestables et de liberté des expressions, même les plus farfelues. Les seules sources de lumière !
Par : Belkacem Ahcene-Djaballah