Désavoué par son collègue des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur la relation franco-algérienne, et embarrassé par les magistrats sur la question de l’expulsion ratée de l’influenceur algérien, Doualemn, Bruno Retailleau ne veut visiblement toujours pas que les tensions s’apaisent
Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est revenu, hier, de nouveau, sur la détention provisoire d’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et les relations entre Alger et Paris. Invité du Grand Rendez-vous Europe 1/Cnews/Les Echos, Retailleau a affirmé avoir de «moins en moins» d’informations sur son «ami». Selon ses dires, l’ «Algérie a foulé aux pieds le droit international», considérant que « Sansal est aussi le représentant de la francophonie ». «Boualem est âgé et il est malade.
C’est un scandale qui ait été arrêté et qu’il soit détenu. Je déplore que la France ait eu aussi peu de réactions. Je suis la bête noire, ma tête est mise à prix, au sens figuré, dans les Unes d’un certain nombre de journaux liés au régime. Qui m’a défendu ? Jean-Pierre Chevènement… Nous devons défendre Boualem comme une cause humanitaire», a-t-il dit au micro du Grand Rendez-vous. Et d’ajouter : «Je n’en peux plus parce que ça n’avance pas. On ne peut pas se dire le pays représentant les droits de l’Homme et finalement laisser faire. C’est intolérable. Boualem est aussi le représentant de la francophonie».
Il a, en outre, déploré dimanche que « la France ait eu aussi peu de réaction » pour obtenir de l’Algérie la libération de Boualem Sansal, placé en détention provisoire pour des faits prévus par les lois algériennes. Il est poursuivi en vertu du code pénal algérien après les propos qu’il a tenus au sujet des frontières ouest du pays. A la fois graves et fausses, ces propos constituent, aux yeux de la loi, une atteinte à l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions. Lors du Grand Rendez-vous Europe 1/CNews/Les Echos, il a aussi plaidé pour la mise en place d’un « rapport de force » avec l’Algérie. « On ne peut pas se dire le pays représentant des droits de l’homme et laisser faire.
C’est insupportable », a-t-il ajouté. Boualem Sansal est poursuivi en vertu d’un article du code pénal algérien qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».
Des titres de la presse française ont fait remarquer que Bruno Retailleau, sans citer le Quai d’Orsay, a remis en cause la stratégie actuelle consistant à œuvrer discrètement et par des moyens diplomatiques pour tenter de libérer l’écrivain franco-algérien. Une tentative qui n’a pas abouti et qui ne risque pas de l’être, puisque, du côté des autorités algériennes, Sansal est citoyen algérien et tombe automatiquement sous le coup des lois du pays. Encore plus, les poursuites judiciaires lancées contre lui relèvent des attributions légales et légitimes d’une institution de souveraineté, à savoir le ministère de la Justice.
Le « Minsitre de la haine »
« Je déplore que la France ait eu aussi peu de réaction (…). Je suis la bête noire (en Algérie), ma tête est mise à prix en Une de journaux (pro-pouvoir algérien)», s’est par ailleurs plaint Retailleau qui est considéré par de très nombreux algériens et de français d’origine algérienne comme étant le « Ministre de la haine » pour ses propos violents contre l’Algérie et ses idées ouvertement d’extrême droite . « On doit transformer fondamentalement notre relation avec l’Algérie (…), il faut poser un rapport de force », a-t-il encore ressassé, en réclamant de nouveau la remise en cause de l’accord de 1968 et le rétablissement des visas pour les diplomates algériens.
Proposant de « sortir » du face-à-face France/Algérie, Retailleau va plus loin. Il a dit souhaiter que les chefs d’État européens ne signent pas un accord avec l’Algérie, actuellement en cours de discussion, « tant que Boualem Sansal ne sera pas libéré ».
En posant cette condition dans la redéfinition de l’accord d’association avec l’UE, Retailleau confirme ainsi que la « carte Sansal » constitue un argument de négociation d’accords commerciaux qui étaient largement favorables aux entreprises européennes, notamment françaises. L’affaire Sansal n’a, en effet, certainement pas encore livré tous ses secrets, comme l’a fait savoir à l’Opinion le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
L’Algérie a, faut-il le rappeler, réclamé fin janvier une révision de son accord d’association avec l’UE afin qu’il repose sur le « principe du gagnant-gagnant ». Sur un autre registre, le ministre français de l’Intérieur a affirmé, hier, son soutien au maire d’extrême droite de Béziers Robert Ménard, poursuivi pour avoir refusé de célébrer le mariage d’une française et d’un algérien visé par une OQTF.
Il a, aussi, réclamer voir adopter une loi visant à «interdire un mariage» quand l’un des époux est en situation irrégulière, confirmant sa haine maladive et viscérale pour les émigrés en général et l’Algérie en particulier. «On sait très bien que par la voie du mariage, on peut ensuite régulariser», a-t-il souligné lors de l’émission Grand rendez-vous.
Rappelons que le ministre de l’Intérieur français, nommé à ce poste le 21 septembre 2024, ne rate aucune occasion pour déverser son fiel contre l’Algérie au point de susciter des réactions de réprobation de la part même de personnalités politiques françaises de divers bords. Invité le mois passé sur le plateau de BFM TV, il a ainsi souhaité la fin de l’accord franco-algérien de 1968.
«Il faut le remettre sur la table», a-t-il dit, tout en dénonçant, selon lui, «l’agressivité» d’Alger vis-à-vis de Paris. Répétant à satiété que la France avait été «humiliée», lorsque l’Algérie a refusé l’entrée sur son territoire d’un influenceur algérien expulsé de France, Retailleau ne voit aucun inconvénient à faire dans le mélange des genres.
Ségolène Royal, ancienne ministre et conseillère de François Mitterrand, s’en est d’ailleurs dernièrement offusquée, s’interrogeant sur le rôle que s’est attribué Retailleau dans la gestion du dossier des relations algéro-françaises. «Il est ministre des Affaires étrangères ? Quand on a soutenu la loi inqualifiable sur ‘‘les bienfaits de la colonisation’’, est-on légitime pour menacer l’Algérie, afin de faire oublier le fiasco d’une expulsion claironnée avant d’être réalisée ?» s’est-elle interrogée sur son compte X.
Par : Akram Ouadah