Par : M. B.
Le procureur de la République près le tribunal d’Annaba, lors du procès tenu hier, du jeune R. B., plus connu sur les réseaux sociaux sous le pseudo de « Rayfa », a requis 5 ans de prison ferme pour « discours de haine comprenant un appel à la violence » conformément aux articles 32 et 39 de la loi sur la lutte contre la discrimination et le discours de haine, alors que la ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH), qui s’est constituée partie civile dans cette affaire, a réclamé une réparation symbolique d’un (01) dinar. Le verdict devrait être prononcé le 13 septembre 2021. Le procureur a, par ailleurs requis une peine d’un an de prison contre le même individu, dans le cadre d’une deuxième affaire où il a été poursuivi pour « incitation à commettre un vol » et « atteinte à l’ordre public », conformément aux articles 41, 350 et 442 du code pénal. Le verdict dans cette affaire devra lui aussi attendre le 13 septembre prochain.
Pour rappel, le concerné a été convoqué suite à une plainte déposée à son encontre par le bureau local de la ligue algérienne des droits de l’Homme à Annaba suite à la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo appelant à « rayer la Kabylie de la carte de l’Algérie ».
Suite à une plainte déposée par la LADH, le jeune « Tiktokeur », qui a appelé dans une vidéo à « rayer la Kabylie de la carte de l’Algérie », a été arrêté dimanche 22 août, par les services de la police judiciaire de la Sûreté de wilaya d’Annaba. Les enquêteurs ont, en examinant les publications du surnommé « Rayfa », découvert une autre vidéo où il « menaçait » le président de la République à revenir à la délinquance si la décision de réouverture des plages n’était pas rapidement prise. Un deuxième dossier a, alors, été préparé par les enquêteurs de la PJ. Après une garde à vue de 24 heures, l’homme a été présenté par-devant le procureur de la République, puis traduit devant le tribunal en comparution immédiate. Le juge avait reporté le procès d’une semaine, tout en plaçant l’accusé en détention préventive dans le premier dossier où il risque, selon l’article 32 de la loi sur la lutte contre la discrimination et le discours de haine, une peine de 3 à 7 ans de prison ferme.
Lors du procès, une dizaine d’avocats se sont portés bénévoles pour défendre ce justiciable de 32 ans. Me Mohamed Tahar Benmousli a même fait le déplacement depuis Boumerdès pour plaider en faveur de « Rayfa ». 8 autres avocats d’Annaba, avec Me Mourad Latef en chef de file, ont pris bénévolement la défense de celui qui se présente comme étant un « repris de justice ».
Un plaidoyer jugé « scandaleux »
Les internautes ont été scandalisés par les propos que l’avocat de Boumerdès a tenus lors de sa plaidoirie. Des propos jugés « scandaleux », voire « fasciste » par beaucoup d’internautes. Pour soutenir les propos tenus par son client lors d’une seconde vidéo, publiée sur TikTok, l’avocat est allé jusqu’à dire que la quasi-totalité des habitants de Tizi-Ouzou et de Béjaïa sont des extrémistes et que les patriotes nationalistes sont une minorité dans cette région. Une minorité, qui selon lui, n’arrive pas à élever la voix contre les « idéologies séparatistes de la majorité des habitants de cette région ». « Il y a les Moudjahidine, les fils de Chahid et certaines autres catégories courageuses qui osent dire tout haut ce qu’ils pensent. Ils n’ont pas eu peur de la France coloniale et ils n’ont pas peur aujourd’hui des extrémistes », a encore expliqué l’avocat.
Les autres avocats ont préféré affirmé qu’aucun préjudice n’a été subi par qui que ce soit, ou encore de montrer que leur client n’a pas les capacités intellectuelles et culturelles suffisantes qui lui permettent de s’exprimer correctement, ou même d’avoir la même vision qu’un intellectuel. Selon bon nombre d’entre eux, il a certes commis une grande erreur, mais son intention n’était aucunement d’inciter à la violence à travers un discours haineux.
Un juge « à la hauteur »
Le juge a, quant à lui, été de l’avis des avocats des deux parties, « à la hauteur ». Faisant preuve de calme, de patience, de sagesse et surtout d’impartialité, le juge a donné une véritable leçon à l’accusé.
Le juge a, tout d’abord, demandé à l’accusé si lui-même était convaincu de la vidéo qu’il avait postée ou s’il avait des regrets. « Ce pays a été libéré du colonialisme par des hommes, ce n’est pas pour que des individus viennent tenter d’ébranler l’unité nationale. Le message n’est pas uniquement pour toi ; il est aussi destiné à toute personne qui aurait la prétention de vouloir attenter à l’unité nationale », a lancé le juge à l’adresse du Tiktokeur. « Ta vidéo ne peut être tolérée. Imagine que d’autres de Tizi-Ouzou aient réagi avec la même violence que toi ! Que serait-il advenu ? Nous vivons suffisamment de crises, sans que l’on vienne en rajouter » a encore ajouté le président de l’audience, avant de demander « d’où as-tu sorti cette réplique de ‘‘ramenez-nous vos braves !‘’ ? Du film ‘‘Errissala’’ ? ».
Le juge a, par la suite, expliqué que cette réplique avait été utilisée par les mécréants qui combattaient le prophète (saws) lors de la bataille de Bard. « C’est Ataba Ibn Rabia qui a utilisé cette expression contre l’armée du prophète et des musulmans. L’utilisateur de cette formule a, d’ailleurs, été tué avec son frère et son fils par les braves des musulmans », a expliqué le magistrat.