Je me suis négligé comme un grand nombre de mes concitoyens, j’ai oublié que le corps a besoin d’entretien ! Le temps jouait contre moi, la graisse s’entassait de jour en jour ! Qu’attendez-vous d’une personne qui ne fait que manger, boire sans aucune activité physique ? Mon corps se déformait devant mes yeux et avec mon argent au point de devenir insupportable pour moi même ! Je me détestais ! Je n’étais pas fier de moi même ! Pas beau à voir ! Je détestais me regarder dans la glace, je savais que ce n’était pas normal mais je faisais semblant de me convaincre que je n’étais pas aussi obèse !
Je détestais acheter des pantalons surtout ! C’était une pénible épreuve et un véritable casse-tête !
Mon argent m’a déformé ! Je n’étais pas comme ça, mais c’est mon argent qui m’a permis de manger et de boire n’importe quoi et qui a fait de moi une personne obèse et surtout pas belle à voir !
J’étais au courant que je suivais le mauvais chemin et j’attendais à chaque fois d’attraper des maladies chroniques, mais j’étais inerte et je ne faisais rien… je continuais sur mon chemin de l’autodestruction…
Lorsque j’ai atteint 120 kilos, je me suis dit, où je vais comme ça ? Je haïssais de savoir combien je pesais ! Je maudissais acheter des habits !
Je lisais beaucoup et je savais que l’obésité est un facteur aggravant à toutes les maladies…mais je fermais les yeux sur mon cas ! Je prenais mal les critiques des proches concernant mon look désagréable, désagréable il faut bien le dire !
Le premier choc
Une fois je discutais avec un ami médecin politisé, on parlait d’Algérie, d’Aokas … je parlais comme d’habitude avec une rage et une hargne et je me montrais déçu par la situation dans laquelle se trouve l’Algérie en général et Aokas en particulier. Mon ami a observé un temps de silence inhabituel, j’ai compris qu’il voulait dire quelque chose qui lui tenait à cœur « Hafit je t’aime bien mais aujourd’hui je vais te dire ce que je pense de toi sérieusement. Tu parles bien et t’es loin d’être un abruti pour savoir que l’obésité est un facteur aggravant de plusieurs maladies et même une source de plusieurs autres. Est-ce que tu le regardes dans le miroir ? Tu veux changer l’Algérie alors que tu te détruis quotidiennement ! Ton combat n’a pas de sens ? Comment vouloir du bien à Aokas alors que tu ne le refuse à ta propre personne ? T’es moche ! Je n’aime pas de voir comme ça ! Commence par changer toi-même avant de vouloir changer Aokas et l’Algérie. Tu n’es pas crédible et personne ne t’écoutera ! » dit-il avec une très grande amertume et frustration
Quoi réponde à ce constat sans appel ? Mon ami médecin n’a pas mâché ses mots, des mots qui me reviennent à chaque fois et taraudaient mon esprit …
L’obésité est un manque de civisme
Pour mon ami médecin, l’obésité dans mon cas qui est causée par l’excès de calories et de la sédentarité est tout simplement un manque de civisme. « Tu n’es pas civilisé ! Tu ne sais pas manger ! T’as aucune hygiène de vie » criait-t-il
Des paroles qui furent comme un électrochoc pour moi ! Finalement, c’est bien d’être parfois direct et cru ! Ce n’est pas bien de caresser la bête toujours dans le sens du poil !
Les paroles qui m’empêchaient de dormir !
Mon ami médecin a réussi à me toucher profondément ! Il est arrivé à me pousser à me rendre à l’évidence et accepter la situation désastreuse dans laquelle j’étais. J’attendais depuis le jour où j’entamerai ma propre révolution, la révolution sur mon corps et mon âme … avant de penser à changer le monde, je dois changer moi même !
Le hirak est passé par là…
La révolution populaire de février 2019 m’a fait oublier pour la énième fois mon obésité, et je me suis consacré comme la plus grande majorité des Algériennes et des Algériens à cette révolution unique dans le monde.
La Covid-19, une halte salutaire
La pandémie de la Covid-19 a mis fin aux marches du hirak, à toutes les activités culturelles et politiques. La situation sanitaire l’oblige ! Le confinement instauré ! C’était une occasion pour moi même de revenir aux mots poignants de mon ami médecin !
10 août 2019, ma première randonnée
Des amis ont réussi à me convaincre finalement à prendre part à ma première randonnée, historique pour moi et c’était le 10 août 2019 à Assif Neqeb, dans la région de Tamridjet, dans la wilaya de Bejaia avec le groupe de randonneurs « Les marcheurs d’Aokas ». J’ai beaucoup souffert, je manquais énormément de souffle et de souplesse ! Le parcours était de 14 kilomètres mais qui semblait être une éternité pour moi !
08 février 2020, le départ non-stop des randonnées
J’ai observé une longue halte avant d’être convaincu une autre fois par d’autres amis à prendre part à ma deuxième randonnée, cette fois-ci avec un autre groupe appelé « Les randonneurs du Sahel » et c’était le samedi 08 février 2020 sur les hauteurs des communes de Boukhelifa et de Tichy ! Le parcours était de 27 km. J’ai décidé d’être régulier et de ne pas rater les rendez-vous et c’est de cette manière que je suis devenu un randonneur assidu et l’aventure continue jusqu’à présent et j’espère qu’elle le sera pour très longtemps encore
« Les Bavares », « Les Cimes Babors »,… l’aventure se poursuit…
Les groupes de randonneurs grandissent et donnent naissance à d’autres groupes, après une excellente expérience avec « Les randonneurs du Sahel », j’ai fait un bref passage par un groupe nouvellement lancé dénommé « Les Bavarés » (les habitants des Babors » avant de me stabiliser avec « Les Cimes des Babors ».
Est-ce que je vais rester avec « Les Cimes des Babors », la réponse ne m’intéresse pas, ce qui m’intéresse est d’être toujours randonneur quelle que soit l’appellation du groupe, le plus important est de marcher, de se faire plaisir et d’être entouré de bonnes personnes
Découvrir son pays
Les randonnées m’ont permis de découvrir plusieurs contrées de notre pays ! Des contrées que je n’aurais pas vues sans les randonnées ! J’ai sillonné plusieurs contrées des Babors, Bibans, Djurdjura, El Hodna et j’ai tissé des liens avec des citoyens de plusieurs localités d’Algérie. Les randonnées sont magiques et je ne me lasserai jamais à inviter toutes les Algériennes et tous les Algériennes à marcher, marcher,… et marcher comme l’ont fait les autres avec ma modeste personne
L’obésité, un mauvais souvenir !
Après tant d’efforts, mon corps s’est métamorphosé dans le bon sens (rires) et j’ai réussi à dire adieu au poids à trois chiffres ! Je me sens léger, agile et plein de vie.
J’ai changé plusieurs fois ma garde-robe
Je compte lancer une association pour lutter contre l’obésité et je pense que c’est de mon devoir de le faire…moi qui suis revenu de loin, même de très loin…
Par : Hafit Zaouche
Randonneur