Par : Bouchra Naamane
Hantée par le spectre de la quatrième vague du coronavirus, la population de la wilaya d’Annaba ainsi que son personnel médical remettent en exergue leurs inquiétudes liées à la situation jugée « chaotique » et « catastrophique » dans laquelle se trouve la majorité des infrastructures sanitaires de la wilaya.
C’est notamment la question de l’humanisation des hôpitaux qui se pose avec acuité à Annaba. Nul n’ignore que les conditions de la prise en charge des patients vont de mal en pis. Les souvenirs amers ayant marqué, à jamais, les citoyens au cours de la troisième vague du coronavirus font que ces derniers expriment une profonde méfiance à l’égard des infrastructures sanitaires de la wilaya.
L’image des citoyens en détresse, plantés dans les urgences de l’hôpital Ibn Sina ou celui du Dr Dorban, pendant des heures, sans aucune assistance médicale, n’est plus une exception. Hormis les garanties assurées par les autorités médicales quant à la disponibilité de l’oxygène, la situation si chaotique et catastrophique au sein de nos hôpitaux n’a pas bougé d’un iota depuis la fin de la troisième vague du coronavirus.
Il semblerait que la saturation compliquée qu’ont connue les services consacrés à la prise en charge des patients atteints de covid19 pendant la troisième vague n’a pas servi de leçon pour les autorités locales ou centrales. Aucune mesure n’avait été annoncée dans le sens d’améliorer la capacité d’accueil des hôpitaux depuis la fin de la dernière vague. Pourtant, il y a de cela 8 jours, le ministre de la santé Abderahmane Benbouzid a appelé les directeurs des hôpitaux à fournir un nombre suffisant de lits de réanimation tout en relevant “la possibilité de recourir à des lits ordinaires de réanimation en cas de disponibilité des quantités suffisantes d’oxygène dans le souci d’éviter le manque enregistré dans les hôpitaux durant la 3e vague”. Il est d’une grande importance de rappeler que les problèmes ayant poussé les personnels médicaux à enchaîner les mouvements de protestation au cours de la 3ème vague de la pandémie demeurent toujours présents. Il s’agit notamment du manque d’effectifs, l’absence de la sécurité au sein des hôpitaux, essentiellement au niveau des urgences, mais aussi la pénurie flagrante de moyens matériels pouvant assurer une prise en charge digne d’un être humain. Ce sont d’ailleurs les mêmes raisons ayant poussé le professeur Foued Khalloufi, ex chef de service de pneumologie à déposer sa démission en pleine crise sanitaire après avoir frappé à toutes les portes pour améliorer un tant soit peu la situation.
Une atteinte à la dignité humaine
Il suffit de faire une courte tournée au centre hospitalo-universitaire Ibn Rochd et des différents hôpitaux qui y relèvent pour constater le chaos général qui y règne. La majorité des patients –ceux qui ont en les moyens du moins- se retrouvent contraints d’avoir recours au secteur privé pour passer leurs examens médicaux indispensables dans la procédure de diagnostic. Pour cause, les équipements médicaux dont dispose la grande majorité des établissements sanitaires à Annaba sont soit obsolètes, soit insuffisants pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus nombreuse.
C’est notamment le cas pour les moyens basiques qui manquent le plus au sein de nos hôpitaux. À titre d’exemple, l’hygiène laisse à désirer au niveau d’une grande majorité des services médicaux et même chirurgicaux. En dépit de tous les appels lancés par le personnel pour « investir davantage » dans les produits désinfectants pour éviter aux malades et aux soignants de contracter différents types de maladies, l’hygiène n’est nullement ou pas suffisamment assurée. Ce qui suscite une énorme inquiétude parmi les patients et les personnels médicaux et paramédicaux. « Ce sont des conditions inhumaines tant du point de vue des patients que du personnel. Comment peut-on exercer dans un climat de saleté, de manque de sécurité et d’absence de moyens. Imaginez qu’au mois de décembre le système de chauffage n’est toujours pas opérationnel dans certains services médicaux » déplore un médecin spécialiste de l’hôpital Ibn Rochd. L’entretien des hôpitaux figure également dans la liste des pires problèmes dont souffre la population. Il y a de cela quelques semaines, le service de l’endocrinologie qui relève de l’hôpital Ibn Sina a subi une forte inondation provoquée par les importantes précipitations qu’a connues la wilaya d’Annaba durant le mois de novembre. Nos sources au sein de l’hôpital ont affirmé avoir vécu la pire semaine de leur vie professionnelle à cause de cet incident. « L’ascenseur est tombé est panne pendant plus de 4 jours. Les malades très affaiblis, étant dans le besoin de passer des examens cliniques, étaient contraints de descendre et monter les escaliers jusqu’au troisième étage. Aucune solution provisoire n’a été assurée, aucune considération à la souffrance des malades. Nous avons crié haut et fort pour que ce problème soit réglé rapidement, mais en vain, les responsables de l’hôpital ont pris tout leur temps pour venir en aide à ces patients » témoigne un médecin de ce service.