Par : A.Ighil
« Je travaille dans une entreprise au cœur de tous les scandales », c’est ce que nous a affirmé un sidérurgiste d’un ton exaspéré. Et d’ajouter qu’il est grand temps que justice soit faite et que les coupables doivent rendre des comptes. En effet, depuis plusieurs années, le complexe Sider El Hadjar a largement fait parler de lui, entre marchés non conformes, vols, détournements et sabotage. L’entreprise est touchée par plusieurs scandales. À la suite de quoi, plusieurs enquêtes ont été enclenchées par les services de sécurité mais de nombreux sidérurgistes désespèrent sur l’issue de ses recherches et la condamnation des mis en cause qui ont dilapidé les biens d’une entreprise vouée à la faillite par certains économistes. L’enquête sur sept affaires, déclenchée en 2018, à la suite d’une perquisition au siège de la direction générale ordonnée par le procureur de la République, près le tribunal d’Annaba par les limiers de la Gendarmerie nationale, ayant trait à des marchés au profit d’entreprises avant la réception des travaux qui auraient été conclus en toute opacité. D’importants contrats douteux accordés de gré à gré sans recourir au code des marchés publics et des arrangements portant atteinte à l’économie nationale. Le préjudice serait estimé à plusieurs milliards. Des auditions des mis en cause ont été entamées et l’enquête, toujours en cours, n’a pas encore livré ses conclusions.
3 millions de dollars d’équipements chinois non conformes
Alors qu’en 2019, un autre scandale éclata ayant trait à l’importation de six poches tonneaux, destinées au transport par voie ferrée de la fonte liquide depuis le haut fourneau vers les autres unités de transformation. Elles se sont avérées non conformes par rapport aux équipements du complexe Sider El Hadjar. Un marché conclu en 2016 pour une valeur de trois millions de dollars avec une société chinois spécialisée dans la fabrication de machines lourdes. Dans un premier temps, une équipe d’ingénieurs de Sider El Hadjar a été envoyée en Chine pour un constat des nouveaux équipements qui remplaceront les vieilles poches tonneaux. De prime abord, la visite a été concluante et les deux parties, algérienne et chinoise, se sont mis d’accord pour les installer. En janvier 2017, les poches tonneaux chinoises ont été expédiées depuis l’usine DHHI en plusieurs lots au niveau du complexe de Sider El Hadjar par des ingénieurs chinois. L’installation s’est faite en l’absence des Algériens. L’opération a pris plusieurs mois mais les essais n’étaient pas concluants pour des raisons « sécuritaires » et « techniques ». Mais, en réalité la hauteur des poches chinoises ne convient pas avec la distance de versement au niveau des unités de transformations ACO1 et ACO2. Mais également, la dimension des roues n’est pas compatible avec le rail menant aux ateliers de transformation malgré certaines modifications, les six poches tonneaux chinoises de trois millions de dollars sont actuellement hors d’usage et exposées à une dégradation certaine. Non seulement, le laisser-aller et les malversations sont le pain quotidien du complexe Sider El Hadjar, mais aussi les vols à répétition et les actes de sabotage. Il y a quelques mois, plusieurs cadres dirigeants ont été convoqués par la brigade de recherches et d’investigations de la Gendarmerie nationale, pour la disparition de chaussures de sécurité du magasin général des stocks. C’est à la suite d’une demande d’audit du nouveau responsable des MGX que le pot aux roses a été découvert lors d’un inventaire physique. La disparition de ces équipements a été confirmée après plusieurs opérations de comptage. La valeur de ces objets volés est estimée à plusieurs millions de dinars. Alors qu’en 2020, un vol qui a été qualifié ensuite de sabotage par certains et qui a défrayé toutes les chroniques a été celui de 3 kilomètres de câbles électriques à haute tension dont le préjudice financier était estimé à 100 millions de dinars. Cet acte a forcé l’arrêt d’une unité névralgique, celle de la préparation matières et agglomérés (PMA) et cela pendant une vingtaine de jours.
Des cadres suspectés de faux et non dénonciation de faux diplômés
Le wali d’Annaba, Djamel Eddine Berrimi, a jeté le pavé dans la mare en dénonçant dans une correspondance datée du 17 février 2021 et adressée au ministre de l’Industrie l’informant de l’existence au complexe Sider El Hadjar d’une affaire de faux et usage de faux et non dénonciation et abus d’utilisation de la fonction et accord d’indus privilèges dans les dossiers des demandeurs d’emploi à l’entreprise. L’auteur a révélé qu’il existait des manipulations et falsifications dans les dossiers des demandeurs qui les ont accompagnés de faux certificats de travail. Le wali a précisé qu’il existait une complicité de la part de cadres et responsables influents de l’entreprise en question sachant que ces mis en cause exercent leurs fonctions le plus normalement du monde et que l’administration de l’entreprise est au courant que les diplômes étaient falsifiés, selon la confirmation des directeurs des différents centres de formation et qu’aucune enquête n’a été ouverte. En conclusion, le wali tient à affirmer que des investigations sont en cours, menées par les services de sécurité. Un autre scandale qui s’ajoute aux autres énumérés plus haut. Un complexe sidérurgique qui faisait la fierté du pays a été longtemps géré par des dirigeants qui ont fait preuve d’incompétence. Une entreprise qui a été un énorme gouffre financier. À plusieurs reprises, l’Etat a fait appel au trésor public et aux banques pour renflouer les caisses de Sider El Hadjar, on se retrouve avec une usine agonisante pour crise de trésorerie. Un complexe qui n’a plus les moyens financiers pour alimenter sa principale installation, à savoir le HF2, en coke. Une cargaison de 50.000 tonnes qui couvre à peine 40 jours d’autonomie vaut deux milliards de dinars. Alors que 400.000 tonnes de coke sont la consommation annuelle du complexe. Une usine qui emploie 6.200 travailleurs dont il faudrait garantir les salaires, estimés mensuellement à 660 millions de dinars soit huit milliards de dinars annuellement.
Deux cadres relevés de leurs fonctions
De sources bien informées, nous avons appris que deux cadres gestionnaires du complexe SIDER ont été relevés de leurs fonctions pour différentes raisons. Ainsi, cette nouvelle a étonné de nombreux travailleurs sidérurgistes qui ne s’attendaient pas le moins du monde à de telles décisions inattendues. A signaler que les deux cadres relevés ont été auditionnés le mois d’avril dernier par les éléments de la Gendarmerie nationale. La première décision a concerné le responsable de la Sécurité, à savoir B. M, poursuivi pour une passation de marché douteuse avec un trou de 3.000 milliards de centimes qui se sont évaporés dans la nature. La seconde responsable, chargée des ressources humaines a également fait l’objet d’une poursuite en justice et a été au préalable auditionnée par la Gendarmerie nationale. Cette responsable en charge des personnels a été poursuivie également pour des irrégularités constatées dans la gestion de son département, en plus de la mauvaise gestion de certains dossiers dont celui de la permanisation. Nous reviendrons sur ce dossier avec plus de détails lors de nos prochaines éditions.
Par : Amar Ait Bara