Par : Mustapha Bendjama
Une journaliste, le rédacteur en chef, le directeur responsable de la publication et le directeur gérant du quotidien régional Akhbar Chark sont sous le coup de poursuites judiciaires au niveau du tribunal correctionnel d’Annaba, suite à un article paru sur l’édition du 3 février 2022. L’article faisait état d’une transitaire poursuivie en justice pour arnaque et escroquerie. La rédactrice de l’article affirme être en possession de toutes les preuves et documents prouvant la véracité de chacun des mots publiés sur ledit papier.
Cependant, la transitaire a décidé de déposer plainte pour diffamation. Ce qui est son droit. Une procédure en citation directe a été introduite par devant le juge instructeur, près le tribunal correctionnel d’Annaba par la transitaire, dont l’agrément aurait, selon notre consœur, été gelé. Celle-ci a donc décidé de porter plainte contre la journaliste, auteure de l’article, le directeur responsable de la publication, mais aussi le rédacteur en chef et le directeur gérant de la société éditrice du quotidien. Ceci peut se comprendre, dans la mesure où la transitaire n’est pas supposée connaitre sur le bout des doigts l’ensemble des lois de la République. Mais la situation est tout autre pour ce qui est du magistrat en charge du dossier.
L’Algérie a, depuis plusieurs années, procédé à la dépénalisation du délit de presse, qui relève aujourd’hui d’une loi organique relative au secteur de l’Information. Les délits de presse sont donc régis par la loi organique 12-05. En matière d’hiérarchisation des lois, comme tout bon juriste ou personne ayant un minimum de savoir en matière de procédure judiciaire le sait, les lois organiques priment sur les lois ordinaires.
Dans son article 115, la loi organique 12-05 stipule que « tout écrit ou illustration publié par une publication périodique ou organe de presse électronique engage la responsabilité du directeur responsable de la publication ou du directeur de l’organe de presse électronique, ainsi que celle de l’auteur de l’écrit ou de l’illustration ». Autrement dit et, en des termes plus clairs, seuls l’auteur de l’article et le directeur de la publication peuvent être poursuivis pour ledit écrit. Cela veut dire que les poursuites engagées contre Slimane Reffes, le rédacteur en chef d’Akhbar Chark et Ali Hami, le directeur gérant de la société éditrice du quotidien arabophone, sont illégales.
Mais, Slimane Reffes et Ali Hami ont tout de même reçu une citation à comparaitre en tant qu’accusés, en compagnie de Rym Dellalou et Rezkallah Zine, respectivement journaliste et directeur responsable de la publication lors du procès prévu le 17 avril 2022.
Comment un magistrat, censé appliquer les lois de la République peut-il transgresser les lois ? Le magistrat ignore-t-il l’existence d’une loi organique régissant le secteur de la communication ou bien a-t-il délibérément décidé de transgresser celle-ci ? Dans les deux cas de figure, les faits sont graves. Il s’agit d’une grave dérive à l’encontre de la presse et des lois de la République. Depuis plusieurs mois maintenant, les poursuites à l’encontre de journalistes fusent. On assiste à une tentative de museler la presse, à limiter sa liberté et, par la même occasion, à priver les Algériennes et Algériens de leur droit constitutionnel à l’information.
L’ensemble de l’équipe du journal Le Provincial exprime son entière solidarité à son confrère Akhbar Chark et au personnel poursuivi en justice.