Par : Bouchra Naamane
Plusieurs familles de harraga, portés disparus depuis près de 14 ans, ont reçu « par erreur » des convocations de la part des services sécuritaires algériens afin qu’ils se présentent au tribunal de première instance d’El-Kef en Tunisie, où une audience était prévue pour le 15 avril 2022. Près d’une quarantaine de personnes ont fait le déplacement.
Une fois sur les lieux, les familles, accompagnées de leurs avocats, ont été notifiés que les autorités tunisiennes n’ont jamais programmé d’audiences à ces jeunes harragas. Il s’agit, selon la même source, de convocations adressées dans le cadre d’une enquête entamée par les autorités tunisiennes dont le but est d’identifier les raisons qui poussent ces familles à croire que leurs enfants sont emprisonnés en Tunisie. Pourtant, les convocations adressées à ces familles de la part des services sécuritaires algériennes, dont nous détenons une copie, précisent clairement qu’il s’agit de convocations pour une audience où leurs fils sont les accusés. Ces mêmes convocations précisent que lesdits harraga portés disparus ont bel et bien été arrêtés par les Garde-côtes tunisiens. « Nous vous notifions que votre fils, le dénommé Bey Abdelhamid a été arrêté par les Garde-côtes de Tunisie, pour émigration clandestine à partir de la plage de Sidi Salem à Annaba. Il (le harrag porté disparu, NDLR) sera présenté par-devant le tribunal de première instance d’El-Kef en Tunisie à la date du 15 avril 2022 », peut-on lire sur la convocation délivrée le 11 avril 2022 par le commissaire du 2ème arrondissement de la Sûreté urbaine de Baraki (Alger).
Portées par la colère et la déception et surtout le désespoir, ces familles se sont adressées au consul d’Algérie en Tunisie. Ce dernier avait clairement précisé qu’il s’agit d’une faute commise par les autorités algériennes et que cette dernière assume l’entière responsabilité de ce qui s’est passé. En effet, et d’après ce que nous avons pu comprendre des déclarations du premier responsable du consulat algérien, ainsi que la mère d’un harrag qui était présente lors de la réunion tenue avec les familles, le tribunal d’El Kef a adressé une correspondance au Consulat algérien en Tunisie portant sur la convocation des familles qui prétendent savoir que leurs enfants sont emprisonnés en Tunisie pour une audience. Il ne s’agit donc pas d’un procès, mais d’une audience d’audition des familles des harraga disparus, dans le cadre d’une instruction judiciaire, dont le but n’est pas encore clair. C’est d’ailleurs l’information qui a été confirmée par le consul qui a affirmé avoir reçu la correspondance de la part du tribunal tunisien. Le diplomate avait envoyé cette correspondance au ministère des Affaires étrangères, accompagnée d’une liste des coordonnés des familles des harraga qu’il a pu collecter après avoir reçu la correspondance. « C’est la première fois que nous recevons une convocation ou un quelconque écrit de la part des autorités algériennes, et voilà le résultat, nous sommes encore plus perdus qu’avant. J’ai déjà assisté à une audition en Tunisie en 2019. A l’époque, les autorités tunisiennes ont pris langue avec les autorités algériennes pour assister à ces audiences. Mais les responsables n’ont pas bougé le petit doigt. C’est grâce à mes contacts en Tunisie que j’ai pu savoir que la brigade de recherche et d’investigation programme des audiences d’audition » témoigne Mme Nadia Chemami qui a perdu contact avec son fils, il y a de cela 14 ans. La maman étant certaine que son fils se trouve dans une prison tunisienne, elle nous raconte que ce dernier a pu lui passer un coup de fil 13 jours après sa disparition. C’était avec son numéro de téléphone à lui, un numéro de l’opérateur Nedjma. La maman a donc, reçu un appel international de son fils qui lui a confirmé qu’il a été arrêté par les Garde-côtes tunisiens à Tabarka. S’agit-il donc réellement d’une erreur commise par les autorités algériennes ? C’est en tout cas la question que se posent des dizaines de familles de harragas portés disparus.
Il est important de préciser, dans le même contexte, qu’une dizaine de familles ont assisté, quelques jours avant le début du mois sacré à des audiences d’audition menées par la brigade de recherche et d’investigation tunisienne. Les familles des harragas ont pu recevoir ces audiences grâce au bureau local de la ligue algérienne de la défense des droits de l’homme à Annaba. Le président du bureau d’Annaba M. jennan Mahmoud nous a affirmé que le bureau de la ligue en Tunisie a reçu une demande de la aprt des autorités tunisiennes portant sur la convocation des familles qui croient savoir que leurs proches disparus se trouvent en tunisie. La ligue a donc commencé par contacter 8 familles qui ont assisté à ces audiences en attendant la facilitation des déplacements vers la Tunisie.