Par : Bouchra Naamane
La famille de la presse locale est invitée aujourd’hui à une cérémonie en l’honneur de ses membres, à l’occasion de la journée nationale de la presse au niveau de l’hôtel Sabri. Un évènement qui sera présidé, comme à l’accoutumée, par le chef de l’exécutif local.
Ce dernier a profité de l’occasion pour féliciter les acquis de la liberté de la presse et d’expression en Algérie. L’Algérie, rappelle-t-on, occupe la 146ème place sur 180 pays dans l’édition 2021 du classement mondial de la liberté de la presse. Ayant toujours l’habitude de faire entendre la voix des habitants de la wilaya aujourd’hui, c’est au tour de la ‘’famille de la presse’’ de révéler un tant soit peu les épreuves auxquelles elle est confrontée.
Avec les conditions de travail de plus en plus difficiles, les revendications de la famille de la presse sont souvent jetées aux oubliettes. Ajouter à cela, les menaces judiciaires à l’encontre des journalistes qui se multiplient à n’en plus finir, ce métier noble se transforme en un champ de bataille. C’est notamment le cas d’une minorité de journalistes, refusant de céder à la médiocrité et la désinformation. En effet, le troisième jour qui suivra la cérémonie présidée par le wali d’Annaba, ce dernier devrait assister à un procès contre notre rédacteur en chef, M. Mustapha Bendjama, souvent connu pour être le « journaliste le plus poursuivi en Algérie ». Le chef de l’exécutif local reproche à M. Bendjama le fait d’avoir révélé et dénoncé la tenue d’un mariage à la salle Tassili au début de la crise sanitaire alors que la loi avait strictement interdit la célébration des mariages dans le cadre de la série de mesures préventives contre la pandémie de la covid19. Le wali d’Annaba avait pourtant promis à notre confrère, lors d’une rencontre au siège de la wilaya, de retirer sa plainte or, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Ces harcèlements judiciaires ne sont pas l’apanage de M. Bendjama. Notre confrère du quotidien arabophone « Essarih » Mohamed Lamine Moussaoui fait, quant à lui, l’objet d’une peine de deux mois de prison avec sursis. La justice lui reproche d’avoir participé à un rassemblement non armé, lors d’une manifestation anti-élections, quelques jours avant la présidentielle du 12 décembre 2019. Une accusation dont notre confrère s’est largement défendu. Le jeune journaliste avait toujours assuré que sa présence sur les lieux avait pour raison de couvrir le mouvement d’autant qu’il était, lors de son arrestation, en possession d’un ordre de mission délivré par l’entreprise médiatique dont il fait partie.
Nos confrères du quotidien arabophone « Akhbar Echarq », n’ont pas été épargnés des harcèlements judiciaires. Rien que durant la dernière vague de la pandémie du coronavirus, la wilaya d’Annaba avait publié un communiqué de presse accusant le journal de désinformation et menaçant d’une poursuite judiciaire . Le chef de l’exécutif reprochait à nos confrères d’avoir publié un article dénonçant les multiples contraintes que rencontre le personnel médical en pleine crise sanitaire, mais surtout la pénurie d’oxygène ayant paralysé les services conçus pour la prise en charge des patients atteints de la covid19.
Une pétition aux oubliettes
Les contraintes auxquelles fait face la famille de la presse ne se limitent malheureusement pas aux harcèlements judiciaires ou bien à la difficulté d’avoir accès aux informations dans un climat marqué par l’opacité et la bureaucratie. En effet, nul n’ignore qu’une grande majorité des acteurs de la presse font face à une situation financière peu enviable. C’était notamment le cas de notre confrère Mohamed Fadla, décédé le 25 novembre 2020, après un long combat contre le cancer. Au-delà de sa maladie, le défunt avait passé les derniers mois de sa vie à lutter contre la bureaucratie qui règne au niveau de l’OPGI d’Annaba. Souffrant d’une situation financière très délicate, Mohamed ouvrait naturellement droit à un logement social vu qu’il remplissait tous les critères requis par la réglementation en vigueur. Le journaliste était ainsi titulaire d’une décision d’attribution de logement social, signé par l’ex-wali d’Annaba. A sa grande déception, Mohamed avait été notifié, quelques jours après la mutation de ce responsable, qu’il devait se procurer une nouvelle décision d’octroi de la part du nouveau chef de l’exécutif.
Quelques jours après sa mort, 57 journalistes de la wilaya d’Annaba ont déposé une pétition auprès du wali d’Annaba pour le solliciter afin d’accorder un logement à la famille du défunt dont le sort était cruellement flou. Cette pétition est restée, au grand malheur de la famille de la presse, sans suite.