Par : Fatima Zahra Bouledroua
A l’instar de tous les pays membres des Nations Unis, l’Algérie a célébré cette semaine la journée mondiale du tourisme qui correspond au 27 septembre de chaque année. Deux secteurs ont marqué l’évènement à Annaba. La direction du tourisme et de l’artisanat ainsi que la direction de la culture et des arts ont tracé un programme riche en activités pour célébrer une journée mondiale, dont le slogan semble n’avoir pas été saisi par les organisateurs. « Le tourisme pour une croissance inclusive » n’a pas trouvé de guide à Bône la Coquette.
L’exposition organisée par la direction du tourisme depuis dimanche dernier au centre des loisirs scientifiques, CLS Annaba, se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Produits du terroir, artisanat, ferronnerie, pépinières remplissent les stands d’exposition, une sacrée impression de « Déjà-vu » nous guette dès l’entrée ! L’agence nationale de développement du tourisme y expose le plan de développement de la région d’Oued Bagrat. L’on y découvre des résidences touristiques, aqua parc, chalets, restaurants, placettes de détentes et de loisirs, hôtels, auberges, village de vacances…Une capacité de 5.750 lits est prévue pour ce projet. Les agences de voyages qui participent promeuvent le tourisme local, tout en exposant des flyers de la Omra et Hadj. Interviewé par Le Provincial, un agent commercial d’une agence participante explique « Les destinations de l’Ouest sont très prisées par les Annabis, notamment Oran et Tlemcen, ça marche bien pour nous ». « On attend l’ouverture des frontières aériennes pour reprendre le tourisme religieux, les voyages pour les lieux saints sont bien plus lucratifs que le tourisme local. On essayera de concilier les deux » ajoute-t-il. Un stand plus loin, le représentant de la CNAC, Caisse nationale d’assurance chômage, explique que les porteurs de projets à caractère touristique optent pour la création d’agence touristique, « ils ne proposent jamais de nouvelles idées » note-t-il. A qui incombe ce manque de créativité ?
Par ailleurs, les manifestations culturelles organisées par le secteur de la Culture ont eu un large écho. Sur les réseaux sociaux, tout comme sur terrain, le public a été conquis. Et pour cause, l’implication de plusieurs associations et bénévoles. Force est de constater l’implication et l’engagement de ces derniers. Simultanément sur Facebook et sur terrain, ils tentent de redorer le blason d’Annaba en général et de la Vieille Ville en particulier. Les initiatives citoyennes pour atteindre cet objectif ne se comptent plus. Une bonne synergie est créée depuis quelques années déjà entre la société civile et la direction de la culture et des arts de la wilaya d’Annaba, le musée d’Hippone, la bibliothèque principale Barkat Slimane et la cinémathèque d’Annaba. Une dynamique de travail en réseaux est bien présente, et les résultats sont palpables. Tout le monde s’est mobilisé pour fêter la journée du 27 Septembre où l’on note des activités étalées sur toute la semaine pour promouvoir le tourisme culturel et mettre en exergue les atouts de la charmante ville sur les plans historique et religieux.
Slogan utopique pour une journée sans public
Par ailleurs, à l’hôtel Sabri, la direction du tourisme a célébré le 27 Septembre dans une salle presque vide. Trois conférences de qualité y étaient programmées. Professeur Mahieddine Boumendjel a mis l’accent sur la différence entre écotourisme et tourisme vert, il explique que les potentialités de la ville d’Annaba et de ses environs doivent être exploitées dans l’écotourisme dans le but de parvenir à stopper la surexploitation des ressources naturelles, leur destruction et la pollution des espaces naturels. Une présentation de qualité qui donne une feuille de route claire et pertinente pour l’application de ce mode de tourisme. Une présentation qui vient pointer du doigt les enjeux et défis à relever, quant à l’implication des différents acteurs et secteurs dans la mise en place, la conscientisation et le développement de ce type de tourisme nécessitant moyens et formations. Le professeur en économie Belguarsa est revenu sur le slogan de la journée, il explique que la croissance inclusive implique les secteurs, agricole, industriel, financier et le secteur des services. Le tourisme faisant partie du secteur des services est tributaire de la mise en place d’un processus de « Conscientisation touristique » qui va cultiver par la suite une culture touristique dont nous avons besoin. De ce fait, plans de développement, infrastructures touristiques et autre moyens ne seront jamais suffisants sans une réelle volonté pour enclencher un débat autour de cette culture touristique et des pratiques qu’elle implique.
Le processus de conscientisation et de construction d’une culture touristique devrait impliquer tous les acteurs du secteur, les autorités publiques, les décideurs et le citoyen lambda.
Selon le théoricien Hollingshead, la culture touristique comprend les expériences, les réflexes, les manières de faire, de défaire que les sociétés d’accueil développent à force d’interagir avec les touristes et de s’exposer au regard de l’autre. Elle reflète selon le chercheur Franklin les impacts, effets et dynamiques du tourisme en tant que phénomène culturel structuré et structurant. Autant dire que le tourisme constitue un système qui, d’une part, s’organise en fonction d’autres systèmes politiques, économiques et sociaux et qui, d’autre part, organise et met en ordre le monde en interagissant avec ces systèmes. Voilà une définition qui explique clairement que nous sommes loin de débattre autour du « tourisme pour une croissance inclusive ». Nous sommes au stade de la prise de conscience de la diversification de l’économie, et par conséquent de l’importance de construire une culture touristique. Quant au tourisme culturel, on se demande pourquoi les acteurs culturels n’avaient pas été invités à cette journée d’étude et au débat ? Pourquoi les organisateurs avaient-ils opté pour garder un slogan qui ne trouve pas son application dans notre pays ? Pourquoi n’avaient-ils pas choisi une thématique plus précise et réaliste ? Pourquoi n’avaient-ils pas débattu autour du tourisme culturel puisque le secteur de la Culture a prêté main forte pour célébrer cette journée ?
La célébration de la journée mondiale du tourisme accueillie cette année par la Côte d’ivoire met en lumière la capacité du tourisme à favoriser le développement inclusif, son rôle dans la promotion des opportunités qu’il offre à des millions de personne dans le monde. Il vise à regarder au-delà du marketing du tourisme de masse pour créer une valeur partagée. Il a pour objectif d’encourager la création d’une identité et d’un sens des lieux en collaboration avec la communauté, répond au besoin d’authenticité des touristes et à l’amélioration des espaces de vie pour les résidents.
Tourisme- Culture à quand la réconciliation ?
La culture propose au tourisme une offre spécifique, durable et valeureuse et variée. Festivals, sites historiques, musées, gastronomie, sites religieux pour pratiquer sa religion, elle balaye tout patrimoine matériel et immatériel que recèle l’endroit visité. Elle offre également au tourisme un personnel de qualité, guides culturels, artistes, par exemple, le tout, pour assurer des soirées et des journées inoubliables aux touristes pour rentabiliser leur investissement. Elle procure au site touristique notoriété et authenticité, ce qui garantit des visiteurs, et assure par conséquent, des retombées économiques au secteur du Tourisme.
Les habitants de la Vieille Ville, pour ne citer que cet exemple, ouvrent leur maisons aux visiteurs pour y découvrir des trésors cachés et revaloriser le patrimoine, les bénévoles s’organisent pour nettoyer, convaincre, animer les visites guidées. Les responsables du secteur de la Culture collaborent en organisant des évènements au niveau de cet endroit mythique. Mais qu’offre le secteur du Tourisme à la Vieille Ville et à Annaba en général ? Prix d’hébergements exorbitants, qualité des services qui laissent à désirer, des circuits touristiques inexploités, technologie mise en marge…Il y a là l’urgence d’une implémentation d’une gouvernance locale décentralisée avec la mise en place de mécanismes de participation citoyenne favorisant créativité et innovation sociale.
Au milieu de cette effervescence, se distingue une activité encore une fois culturelle, ciblée et porteuse de sens. Un atelier de formation pour les agences de voyages sera organisé samedi prochain au niveau du musée d’Hippone, le directeur du site antique et musée d’Hippone explique qu’il est urgent de sensibiliser et de former les agences de voyages aux différents circuits touristiques possibles pour attirer les visiteurs après l’ouverture des frontières et la reprise du tourisme religieux. Pour que le tourisme local ne soit pas un effet de mode éphémère boosté par la pandémie de la Covid-19.
On dirait une thèse de doctorat destinée à un jury…On pourrait parler du tourisme de manière beaucoup plus simple et à la portée de la majorité des lecteurs…
La journée mondiale du tourisme en Algérie ça ressemble à la peinture à la va vite des trottoirs à l’occasion de la visite des officiels ou si vous voulez à une séance de maquillage de quelque chose de pas beau à voir et qu’on essaye de camoufler…
En Algérie, nous n’avons pas (encore) la culture, la mentalité, l’éducation,…pour un tourisme aux « normes » internationales…
L’infrastructure, les moyens matériels,…sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour développer le tourisme en Algérie…