Par : R. C.
A l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, célébrée le 10 octobre de chaque année, l’association des psychiatres d’Annaba a organisé ce dimanche une journée d’étude dans le cadre de la campagne de sensibilisation contre le suicide lancée la veille. Cette journée organisée au niveau de l’auditorium de la faculté des sciences médicales de l’université Badji Mokhtar Annaba, a vu la participation d’un grand nombre d’acteurs essentiels dans la lutte et la prévention contre ce fléau mondial qui brasse chaque année plus de 800.000 âmes à travers la planète, et qui n’épargne malheureusement pas notre pays. Parmi les acteurs présents et, en plus des membres de l’association des psychiatres d’Annaba, figuraient des médecins de la Protection civile et d’autres médecins des différentes spécialités qui sont confrontés dans leur quotidien à la prise en charge de personnes suicidaires ou à des tentatives de suicide, des acteurs de la société civile, des étudiants ainsi que le président du tribunal d’Annaba, Allaoua Maazouzi.
Le but étant, selon la présidente de l’association des psychiatres d’Annaba, le Pr. Messaouda Bensaida, de conjuguer les efforts de tout un chacun afin de lutter efficacement contre ce phénomène sous-estimé en Algérie à cause de l’absence de statistiques, mais aussi à cause du tabou qui entoure cette question.
De son côté, le président du tribunal d’Annaba a mis l’accent sur le rôle central que jouent les médecins et, plus particulièrement les psychiatres en tant que partenaires du système judiciaire en Algérie et ce, à travers des expertises, sans lesquelles la justice ne pourrait être rendue.
La communication du Dr Narjes Imane Houadef a porté sur les mécanismes et le processus suicidaire, où elle a expliqué que toutes les 40 secondes une personne met fin à ses jours. Elle a rappelé que depuis le début de la crise de la Covid-19, les consultations psychiatriques avaient été réduites et ce, malgré les études qui montrent que la pandémie a augmenté le sentiment d’anxiété et les dépressions. Le Dr Houadef a estimé que des mécanismes doivent être trouvés afin de pallier cette lacune.
La spécialiste a, d’ailleurs, appelé à la création d’un registre national du suicide, afin de permettre un meilleur suivi du phénomène, mais aussi et surtout une meilleure prise en charge. En Algérie, entre 400 et 500 suicides sont enregistrés annuellement, mais ce chiffre reste, selon le Pr Bensaida et le Dr Houadef, très loin de la réalité, compte tenu de l’absence de statistiques, mais surtout de la réticence des familles des victimes à déclarer les suicides. Cette pratique contraire aux préceptes de l’Islam relève encore du tabou dans les sociétés musulmanes. La prise en charge des suicidaires et des troubles mentaux suscite stigmatisation et tabou, révèle le docteur Houadef, ce qui dissuade beaucoup de « patients » de se faire prendre en charge par un spécialiste, ou même de demander de l’aide.
Le suicide est, ainsi, la 2e cause de mortalité chez les 15-29 ans, et la 14e cause de mortalité chez les humains en général. Les femmes font plus de tentatives de suicide que les hommes, indique une étude citée par la même spécialiste. Mais, près de 2 suicides aboutis sur 3 sont menés par des hommes, qui privilégient des moyens plus radicaux et extrêmes pour la concrétisation de leur macabre projet, explique encore la psychiatre.
Pour sa part, la communication du Dr Alia Mokhtari était beaucoup plus technique. Celle-ci était orientée sur l’évaluation du risque suicidaire en soins primaires. Pour faire simple, l’étude du Dr Mokhtari révélait des failles et des lacunes dans la prise en charge des suicidaires. Le médecin généraliste étant celui que toute personne consulte, il est essentiel qu’il soit mis à contribution dans la prise en charge des suicidaires, explique l’étude de la psychiatre. Cette étude révèle par exemple que la majorité des médecins primaires (généralistes) ne savent pas diagnostiquer un suicidaire lorsqu’il les consulte. Pourtant, les études montrent, selon le Dr. Mokhtari que 20 à 40% des suicidés avaient consulté un médecin généraliste moins d’une semaine avant le passage à l’acte, et plus de 70% en avaient consulté un, moins d’un mois avant de mettre un terme à leurs jours. La spécialiste estime qu’il faudrait mettre sur pied un plan national anti-suicide où les médecins primaires auraient un rôle clé à jouer, afin de réduire sensiblement ce fléau.
Toujours dans le cadre de cette campagne de sensibilisation, une journée sportive ouverte au grand public est prévue, ce vendredi à 14h00 au niveau de la salle omnisports Pont blanc, avec des compétions de football et de basketball au menu.