Par : M. Rahmani
A Annaba, la culture de la tomate industrielle, qui a connu un essor sans précédent ces 2 dernières décennies, risque d’enregistrer cette année un recul et une régression dont les conséquences seront catastrophiques pour la filière qui est aujourd’hui confrontée à de multiples difficultés.
En effet, selon le président du conseil interprofessionnel multifilière de la tomate industrielle de la wilaya, il faut s’attendre cette année à une forte baisse de la production de ce fruit, non pas du fait de la réduction des superficies affectées à cette culture mais plutôt pour des problèmes d’irrigation et de fortes chaleurs. « Nos fellahs, affirme-t-il à la radio locale, n’ont eu droit qu’à 2 séances d’irrigation par semaine, ce qui reste très insuffisant pour la croissance et le développement des plants de tomate dont le rendement s’en trouve très réduit. La récolte de cette année s’est avérée très en deçà des attentes et les dépenses consenties par les agriculteurs pour cette culture ne peuvent de ce fait être couvertes. Cela a abouti à des déficits énormes pour les fellahs qui ne peuvent plus faire face.»
Il faut dire que ce problème de l’irrigation avait déjà été soulevé en mai 2021 lors de la rencontre régionale tenue à Annaba et regroupant des représentants de Conseils professionnels de la filière ainsi que des producteurs et des transformateurs venus de dix wilayas de l’Est. Cette rencontre avait permis d’évoquer la question de l’insuffisance du volume des eaux destinées à l’irrigation signalée au niveau de l’extension des surfaces agricoles irriguées via le système du goutte à goutte mais, apparemment rien n’a été fait depuis et la situation a empiré et les résultats enregistrés cette année le prouvent.
A cela, le Président du Conseil interprofessionnel ajoute la cherté des intrants agricoles qui ont connu cette année une forte augmentation que les agriculteurs ont dû supporter en recourant à des crédits qu’ils ne peuvent hélas honorer, car les prix fixés ne dépassent pas les 16 DA le kilo livré aux unités de transformation. « Il faudrait un rendement de 800 quintaux à l’hectare pour se sortir d’affaire, or, cette année avec les augmentations desdits entrants et la réduction des quantités d’eau destinées à l’irrigation, il n’est pas possible d’avoir un rendement pareil.» A-t-il précisé.
Ainsi, la stratégie élaborée par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural visant une autosuffisance alimentaire par la relance des cultures stratégiques et les récoltes industrielles prévue par le quinquennat 2020/2024 est plutôt compromise du fait de problèmes aussi bien endogènes qu’exogènes. La filière de la tomate industrielle est d’une part étouffée par les prix des intrants, devenus prohibitifs et, d’autre part par des problèmes d’irrigation qui, auparavant ne se posaient pas.
Selon des ingénieurs agronomes, la production de la tomate industrielle pourrait baisser cette année de près de 40 % à Annaba, ce qui aura certainement un impact très négatif sur la filière dont les dettes auprès des banques sont très élevées.
Rappelons que la filière de la tomate industrielle est concentrée principalement à l’Est, qui recèle 83 % de la production nationale dont la production pour la saison 2019/2020 a dépassé les 19 millions de tonnes, soit une augmentation de l’ordre de 17% comparativement à la saison précédente. Le taux de production exploité pour la transformation durant la même saison s’élève à 47% de la production globale réalisée. Cela a permis de réduire le volume des importations de ce produit qui est passée de 53.000 tonnes en 2018 à 160 tonnes en 2020.
Cette performance enregistrée par la filière tomate industrielle, ce capital expérience, ce savoir-faire peuvent disparaître par la faute de problèmes qui, somme toute, ne sont pas aussi difficiles à régler. Le ministère de tutelle devrait s’intéresser de près à la situation car il y va de la sécurité alimentaire du pays.