Par : M. Rahmani
Annaba, pompeusement appelée « La Coquette » par ses habitants ne mérite plus, hélas, ce titre car c’est un véritable massacre qu’elle a subi ces dernières années en matière d’urbanisme. La ville est complètement défigurée avec ces nouveaux immeubles parfois dépassant les 15 étages. Des belles villas qui s’étalaient sur ses boulevards et avenues et qui lui donnaient cette beauté et cette belle image qu’on lui connaissait, il n’en reste que quelques-unes, des rescapées de ce massacre à grande échelle. Ces dernières sont elles aussi sur la sellette et peuvent subir le même sort du jour au lendemain.
En effet, des promoteurs immobiliers ont découvert ce filon et font tout pour acquérir ces villas pour ensuite les démolir et ériger à la place des immeubles grand standing et revendre des logements à des prix indécents aux nouveaux riches qui se bousculent pour acquérir ce type de logements en plein centre-ville ou du côté de la mer.
C’est donc une sorte d’OPA qui a été lancée pour l’achat de ces villas dont la plupart sont mal entretenues, des biens dans l’indivision que les héritiers alléchés par les prix proposés par les promoteurs veulent vendre. Cela fait le bonheur de ces promoteurs qui y voient des affaires juteuses, car quel que soit le prix payé, ils sont sûrs d’engranger de gros bénéfices. Des promoteurs qui font peu cas des règles urbanistiques et encore moins de l’esthétique de la ville d’Annaba qui a, aujourd’hui, perdu de son charme et n’a plus son aura d’antan.
Ainsi, plusieurs villas ont été démolies au grand dam des habitants de la ville qui voient dans cette pratique qu’ils condamnent une atteinte flagrante à leur ville qui est ainsi abandonnée à ces voraces qui ne pensent qu’à se remplir les poches.
Les exemples sont légion, nous en citerons quelques-uns qui illustrent bien cette forfaiture et ce massacre où le béton a supplanté la beauté et dégradé le cadre de vie.
Le premier est celui de la villa Salvatore Colli, au boulevard Fellah Rachid, (ex-Saint Cloud) un bijou d’architecture construit en 1850 et qui n’est plus aujourd’hui, malgré les protestations des riverains en ce mois de mars 2018 où les bulldozers étaient entrés en action pour en « découdre » avec ce monument historique assimilé à « une vieille bâtisse menaçant ruine et représentant un danger pour les riverains et les passants ». A la vérité ladite villa avait été acquise auprès des héritiers pour une bouchée de pain et à la place se dresse aujourd’hui un immeuble de plus d’une douzaine d’étages.
Les villas et constructions à proximité, toutes ne comportant qu’un seul étage, sont ainsi « écrasées » par cet immeuble face à la mer et qui empêche l’ensoleillement de certaines bâtisses sans respect aucun pour les normes urbanistiques (prospect, densité, coefficient d’emprise au sol, coefficient d’occupation du sol et autres)
Sur le boulevard du 1er Novembre, vitrine de la ville d’Annaba, ce sont 2 autres villas qui ont été détruites et à la place se dressent des immeubles de 6 et 8 étages. A la rue Bouzered idem, là aussi ce sont des immeubles de 8 et 17 étages qui ont été construits au milieu d’habitations, toutes en R+1 ; une aberration réalisée du temps de l’ex-wali qui avait institué ce qui était connu sous le nom de « commission des hauteurs », un moyen comme un autre de passer outre le POS.
Sur l’avenue Mostefa Benboulaid, juste à l’extrémité longeant la mer, une autre villa a été complètement démolie et à la place se dressera bientôt un immeuble grand standing. C’est la tendance aujourd’hui, à Annaba et ça continue.
Récemment, le ministère de l’Intérieur s’est intéressé de près à ces promotions immobilières qui ont connu un développement sans précédent et une prolifération telle qu’elle a engendré un tissu urbain trop densifié. Une surpopulation qui ne peut plus être prise en charge par les équipements publics prévus pour une certaine densité et qui, du jour au lendemain, trouve le nombre d’habitants multiplié par 10, voire plus.
Cette prolifération des promotions immobilières est désormais dans la ligne de mire du ministère de l’Intérieur qui a pris les choses en main pour arrêter cette saignée dans les villes du pays. Ainsi, le département de Kamel Beldjoud a instruit les walis dans le sens d’un suivi de ce phénomène et de procéder à des remontées d’informations de sorte à identifier le nombre de ces villas vendues et transformées en résidences collectives aux fins de prendre les mesures qui s’imposent.