Par : Bouchra Naamane
Un nombre considérable de jeunes citoyens, habitants de la Vieille Ville, pères de familles, enfants et acteurs de la société civile ont repris la campagne de nettoyage et de réhabilitation lancée, il y a de cela quelques années, sous le slogan « Les enfants de la place d’Armes la nettoie ». La campagne ayant pour but de mettre en exergue la valeur architecturale, patrimoniale et humaine de la Vieille Ville a été reprise, vers la fin de la semaine dernière.

Les initiateurs de cette démarche ont choisi leur propre manière pour répondre à la série des questions qu’avait soulevées une partie de la population et qui ont été provoquées par une campagne de propagande lancée dernièrement, dont le but semble, pour la majorité des habitants de la Place d’Armes, clair. La Vieille Ville est-elle un quartier infâme représentant un fardeau pour la population de la ville et ses autorités locales ? Mérite-t-elle réellement d’être quasiment éradiquée, comme le soutiennent certaines parties compte tenu du danger qu’elle fait peser sur la sécurité des citoyens ?

Insécurité et maux sociaux ?
« Non, la Vieille ville est loin d’être un lieu de débauche, un lieu prédominé par la saleté et le banditisme comme le prétendent certains individus dont le seul but est de mener une campagne de propagande imposant des faux préjugés et d’images stéréotypées. La Vieille Ville est le cœur battant de la ville d’Annaba, elle porte en elle notre histoire, nos souvenirs d’enfance, notre identité et notre manière de voir le monde. Nous refusons catégoriquement de croiser les bras et laisser des malfrats et des pages Facebook administrées par des opportunistes salir l’image de notre patrimoine » répond un participant à cette campagne. Cette dernière a touché une grande majorité des petites ruelles de la Vieille Ville, à savoir la rue Negra Mohamed, El Houata, El Moufajâa, Dar Essyouda, la rue Josephine et celle menant à la mosquée d’El Bey. La canicule qu’a connue la wilaya d’Annaba n’a pas empêché les acteurs de cette initiative d’investir le terrain pour donner une nouvelle impulsion à ce lieu, tant négligé par les autorités locales. Dès l’aube et jusqu’à des heures tardives de la nuit, ces citoyens, soucieux du sort de la Vieille Ville, ont choisi de rafraichir la mémoire des lieux en apportant une touche créative aux petites ruelles dont les murs ont été repeints en bleu et blanc. Ils ont également travaillé sur la réhabilitation des voiries qui ont été, pendant des années, dans un état d’abandon total, un état qui fait preuve de l’incapacité des responsables à prendre la moindre décision permettant de sauver un tant soit peu ce qui reste de ce trésor livré à lui-même. Deux jours après avoir diffusé les résultats de cette campagne sur les réseaux sociaux, la Vieille Ville a pu déjà attirer deux groupes de touristes, dont le premier est originaire de l’Inde et le deuxième venu de la ville d’Oran.
Un jeune faisant partie des initiateurs de cette campagne nous raconte : « J’ai été contacté par une touriste qui m’avait confié qu’elle n’a jamais eu le courage de visiter la Vieille Ville d’Annaba, compte tenu des propos que certains individus tiennent quant au manque de sécurité, harcèlement et agression qui peuvent lui être infligés. Une fois sur les lieux, je lui ai demandé de marcher toute seule dans les petites ruelles. Personne ne l’a dérangée, elle a pu se promener en toute sécurité sans qu’aucune menace ne la guette. C’est ainsi qu’on essaie de changer la manière avec laquelle les gens voient cet endroit ».

Pourquoi maintenant ?
La Vieille Ville d’Annaba a fait objet d’une véritable campagne de dénigrement qui a été menée essentiellement par certaines pages Facebook ayant une grande audience. En effet, une fois que le sujet de la réalisation du prestigieux centre commercial en face de l’hôtel Sheraton-Annaba a refait surface, une vertigineuse polémique a été déclenchée sur les réseaux sociaux. Moults débats ont été menés entre ceux qui insistent sur la nécessité d’implanter le projet sur une autre assiette foncière et y voit une destruction programmée de l’histoire et le passé d’une cité millénaire et ceux qui craignent que ce débat mène à l’annulation catégorique du projet. Et, au moment où le débat se concentre sur le Shopping-Mall, certains sont allés jusqu’à appeler à l’éradication de la Vieille Ville sous prétexte que cette dernière renferme toutes sortes de maux sociaux, de banditisme, prostitution, agressions et criminalité en tous genres. De multiples publications ont été diffusées quotidiennement dont le but est de salir l’image de la Vieille Ville et de normaliser son éradication. C’est justement pour mettre fin à ces mauvaises intentions que la campagne a été relancée. Il est d’une grande importance de rappeler que cette campagne a été lancée la toute première fois, il y a de cela trois ans. Ses habitants ont voulu à l’époque faire passer un message bien clair est précis « Les enfants de la place d’Armes la nettoie » et ce, pour faire comprendre que les habitants de la Vieille Ville n’attendent plus rien des autorités locales.