Par : Fatima Zohra Bouledroua
La direction de la culture et des arts de la wilaya de Annaba a rendu public sur sa page Facebook, le programme des activités du secteur de la Culture jusqu’au début du mois de novembre. Une sorte d’agenda affiché sous l’appellation « Programme de la rentrée culturelle 2022-2023 ». A la première vue du document, une question nous interpelle : Quelle place occupe le citoyen dans l’élaboration de cette programmation ?
Ce qui est appelé cette fois-ci « Rentrée culturelle » succède chronologiquement à la manifestation « Soirées de Annaba pour la culture et les arts » qui avait englobé les activités du secteur de la Culture et celles programmées par la mairie de Annaba durant la saison estivale.
On a regroupé sous ces appellations des programmes établis séparément par les établissements affiliés au ministère de la Culture, auxquels on a rajouté fièrement un festival national programmé par le ministère lui-même.
Une manière de consolider sous un même document un ensemble d’activités qui, même si séparées donnent une valeur ajoutée à la ville, mais une fois regroupées n’affichent ni objectif ni vision du secteur.
Des prises de décisions qui ne font pas participer le citoyen annabi, dans un monde où la participation citoyenne est à la base de la gouvernance locale.
La majorité des évènements annoncés pour la rentée existaient déjà à Annaba. Il s’agit, en guise d’exemples, du festival national du théâtre féminin, des différentes activités de la bibliothèque principale Barkat Slimane, ou même les soirées artistiques estivales organisées par la municipalité d’Annaba. Du déjà-vu sauf pour une ou deux nouvelles manifestations.
Ce qui est actuellement nouveau est le fait de rassembler sous une même appellation le programme des dites institutions, donnant l’impression au lecteur et aux hauts responsables que le secteur de la Culture à Annaba est géré d’une manière intégrée et qu’un nouveau souffle lui est insufflé.
Une idée fausse, du moment que ce programme n’affiche ni stratégie, ni innovation, bien au contraire. Il tend à altérer la mémoire de la ville en évitant, par moment, de mentionner ce qui a déjà été accompli auparavant et la manifestation « Auteurs dans la mémoire de la ville d’Annaba » en est l’exemple concret. Aucune mention de l’édition de 2019 n’a été faite.
Nous pouvons noter également les nombreuses fois où la bibliothèque principale Barkat Slimane n’a pas été citée en tant qu’organisatrice, mais seulement en tant que lieu abritant l’évènement. « Le secteur de la Culture organise » devient la phrase clé utilisée par la direction de la culture.
En ce moment où le monde entier prône la décentralisation dans la prise de décisions, la mention « Le secteur de la Culture organise » à Annaba devient le fourre-tout.
Par ailleurs, le grand absent de cette « rentrée culturelle » est le citoyen !
Et pourtant !
La floraison de nombreuses associations et groupes culturels à Annaba augure de lendemains heureux dans une ville où la vie culturelle au sens non administrée, se confondait outrageusement avec les diverses activités proposées par le secteur privé et d’autres acteurs culturels.
Le café-théâtre, la mise en scène créée par l’artiste Fethi Nouri, devenu acteur principal de la vie culturelle locale, est complètement ignoré par les responsables. Les activités d’associations et groupes culturels ne figurent pas dans le programme publié. La « rentrée culturelle » selon le programme affiché écarte celui qui produit la culture et n’intègre pas dans son agenda les espaces et institutions qu’il fréquente et où il s’exprime. Aucun nouveau projet d’infrastructure n’est annoncé dans une ville qui manque affreusement de cinémas et salles de spectacles.
L’accompagnement et l’appui de la société civile (associations culturelles) et des artistes et hommes de culture n’est donc pas au programme.
Une « Rentrée culturelle » sans ses acteurs réels n’est qu’illusion. Ça restera des concepts théoriques appartenant à une langue de bois dont l’aspect opérationnelle ne verra jamais le jour.
A l’ère du tout numérique, des ‘’officiels’’ semblent faire de la résistance, privilégiant un narcissisme administratif à une ouverture d’esprit ou une flexibilité dans le mode de gestion de la ‘’chose’’ culturelle, comme ils se plaisent à la qualifier.
Faut-il rappeler à ces responsables, au niveau national et local, que leur mission première est d’accompagner ces hommes et ces femmes qui veulent redonner à la culture la place qui est la sienne, à un secteur vital qui ne saurait être confiné et étouffé par des porteurs de cachets ronds et des griffes, censés accorder une légitimité alors qu’ils ne portent qu’une légalité administrative.
L’émancipation et l’épanouissement d’une société se nourrissent du fruit de son élite, ses talents et ce, dans la diversité des richesses dont peuvent se prévaloir, sans rougir, ses enfants.
S’opposer à cette dynamique irréversible ferait du locataire du secteur de la Culture à tous les niveaux, ‘’l’homme qu’il faut au palace qui lui faut », ni plus ni moins.