Le club culturel du théâtre régional Azzedine Medjoubi « Fi diafat masrah Bouna » a organisé, avant-hier mardi 14 mars, sa deuxième conférence-débat sous le thème « formation artistique dans les arts du spectacle : réalité et perspectives », animée par Brahim Noual, critique de théâtre et professeur à l’Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l’audiovisuel (ISMAS).
Une conférence dense en informations et riche d’enseignements a été présentée par Brahim Noual. Devant un public curieux et attentif, le conférencier a expliqué comment on peut aller vers un modèle de formation artistique efficace ! Il a évoqué, en premier lieu, l’histoire et le rôle des institutions de formation artistique telles que le centre régional des arts dramatiques et les conservatoires. Il note : « Les conservatoires existaient dans toutes les grandes villes du pays. Azzedine Medjoubi et Ariouet ont fait le conservatoire ». « Comme en France, en Belgique ou dans d’autres pays, il existe des conservatoires régionaux et des conservatoires nationaux. C’est une institution qui doit exister dans toutes les villes et au Sahara aussi » ajoute-t-il.
Tout le long de son intervention, il cite les grands noms du théâtre algérien qui ont eu un rôle important dans la formation artistique, à l’institut ou ailleurs. Il évoque de ce fait, entre autres : Agoumi, Alloula, Kaki, Rouiched, Lamiri, Yahia Ben Mabrouk, Ziani Chrif Ayad, Marir, Djellid, Laid Kabouche, Ben Aissa, Mustapha Kateb, Sonia…
Il explique la relation des uns avec les autres et les liens créés entre eux grâce à la formation artistique. Lien intergénérationnel ou passage de flambeau, la formation artistique est le socle qu’il faut repenser et renforcer.
Un modèle de formation artistique à proposer
Brahim Noual pose les jalons pour l’élaboration d’une stratégie de formation artistique en Algérie. Il cite des éléments pouvant construire un modèle pratique.
D’abord, une volonté de l’État est au fondement de son modèle. Le baccalauréat artistique lancé cette année, et les modifications dans les manuels scolaires qui vont suivre, sont des exemples cités par le conférencier en guise d’indicateurs pour illustrer ce point. « Actuellement, il existe un projet culturel. Il faut avoir une vision, l’outil de prospective permettra sa concrétisation. » note-t-il. Il évoque la culture comme étant un levier du développement durable dans sa dimension sociale, sociétale et économique. Une stratégie bien élaborée touchant à tous les arts intégrant les métiers est aussi à envisager, selon monsieur Noual.
Un deuxième point a été relevé par l’intervenant. Il évoque les valeurs permettant tout type d’action dans ce domaine. « Sérieux et éthique. Il n’y a pas de formation dépourvue de valeurs ». dit-t-il.
Brahim Noual exprime son inquiétude par rapport aux espaces : « Nous avons besoin d’espaces de formations, pas nécessairement des formations académiques». Il note le manque d’établissements de formation et l’absence de passerelles entre la formation professionnelle et académique, notamment dans le théâtre.
Il en profite pour expliquer l’importance de la formation académique pour un artiste. Elle permet au sortant de se munir d’une base méthodologique pour pouvoir créer, accomplir son travail comme il se doit et résoudre les problèmes y afférents avec efficacité. Cependant, une formation académique dispensée en trois années ne peut produire des artistes complets. « Lorsque Sonia, Djamel Marir et Laid Kabouche ont obtenu leurs diplômes de l’institut, ils ont trouvé de grands artistes pour les accompagner et les former à l’instar de Agoumi, Mustapha Kateb , Larmiri, Alloula. », martèle-t-il.
Par ailleurs, le conférencier met les points sur les « I ». Il fait savoir que les ateliers organisés lors des festivals culturels ne représentent qu’un espace de prise de conscience et une sensibilisation à l’art. Les attestations délivrées ne sont en aucun cas synonyme de formation. Il faut par conséquent entreprendre avec une logique de cycle de formation pour qu’un artiste puisse avoir les bases solides pour exercer son métier. Et là encore, il évoque l’exemple du dramaturge, feu Ahmed Benaissa, qui a opté pour les cycles de formation et avait obtenu de bons résultats.
De plus, il propose la formation à distance, aujourd’hui possible grâce à la technologie, ce qui renforcera la formation continue. Il déclare à ce sujet : « Il faut créer des passerelles pour permettre aux artistes ayant une expérience de terrain de profiter des formations académiques ». Il rappelle le modèle de l’ex-Union soviétique où les artistes bénéficiant d’une formation continue de sept années ont un niveau supérieur à ceux qui ont obtenu le diplôme académique en 4 années.
Deux autres points supplémentaires sont mis en avant par le conférencier. L’accompagnement et le suivi pourraient remédier aux problèmes usuels existant entre les artistes diplômés et non diplômés, anciens et nouveaux…etc.
Partenariat
Brahim Noual est revenu sur l’importance des partenariats dans le domaine de la formation. Il a exprimé sa satisfaction par rapport à la convention cadre de coopération, signée tout récemment lors de la quinzième édition du festival national culturel du théâtre professionnel, entre le théâtre régional Azzedine Medjoubi et l’ISMAS. « C’est une bonne initiative, elle va permettre des échanges dans le cadre de formations sur trois niveaux », note-t-il. Il précise : « Trois enseignants de l’ISMAS ont été désignés pour venir à Annaba former les apprenants. Ensuite, ces jeunes se déplaceront à l’ISMAS, et, un spectacle sera monté en guise de dernière étape pour effectuer une tournée ». C’est une manière de former les comédiens et apprenants dans tous les autres métiers du spectacle : Costumier, marionnettiste, chorégraphe, gestionnaire… Il note et insiste sur l’importance pour un artiste d’être « assistant ». « Assister un metteur en scène par exemple est la meilleure façon d’apprendre » rajoute-t-il.
Qui est Brahim Noual ?
Il est important de rappeler que Brahim Noual est né en l956, il a fait des études en animation culturelle à l’Institut national d’arts dramatiques et chorégraphiques Bordj El Kiffane, puis, des études approfondies en théâtrologie en ex-Union soviétique entre l98l à l987 et un master en fine arts. Son parcours professionnel est riche en expérience : de I987 à nos jours il est professeur d’histoire de théâtre, théorie du drame, critique théâtral, management culturel, il a occupé le poste de chef de département arts du spectacle à ISMAS. Il a été animateur culturel spécialiste de théâtre au centre culturel de la wilaya d’Alger sous l’autorité de Mustapha Kateb de 1987 à 1989. Chef de service de la culture à la wilaya d’Alger. Conseiller, puis chef de département actions cultuelles à l’établissement art et culture de la wilaya d’Alger.
Le club culturel comme espace d’échange
L’enseignante universitaire modératrice de cette deuxième rencontre culturelle du club, n’a pas omis de rappeler les objectifs de ce dernier. Elle précise que le club a été créé pour permettre des échanges entre artistes et amoureux de la culture, c’est aussi le lieu où l’on évoque, dans le respect, les problèmes liés à l’art, aux artistes et au théâtre tout en permettant ces belles rencontres entre anciens et jeunes artistes.
Le mois de Mars rappellera à toutes et à tous l’assassinat du grand Alloula. La conférence a été l’occasion de lui rendre hommage et de dire au public présent combien ce dramaturge avait contribué ingénieusement et généreusement à la formation artistique.
Par : Fatima Zohra Bouledroua