Par : PRP Mustapha B.
Le Provincial poursuit sa série d’interviews avec des candidats aux prochaines élections législatives prévues pour le 12 juin 2021. Dans cet entretien, Pr Nourredine Kouadria, Mouhafed du FLN, ex-maire d’Annaba et actuel professeur en économie de développement à l’université Badji Mokhtar et à l’École Supérieure des Sciences de Gestion (ESSG) d’Annaba et candidat aux députations, répond à nos questions à propos du programme de la liste n° 7, les ambitions des candidats et le devenir du parti.
Pourquoi voter FLN et quelle sera la valeur-ajoutée de ses députés -s’ils sont élus- pour les citoyens d’Annaba ?
Voter FLN, je pense qu’à ce stade-là, c’est une grande responsabilité pour chaque citoyen qui dispose d’un regard étalé dans le temps et qui considère sa vision dans un contexte historique. Le FLN a encore une mission à terminer, beaucoup de gens n’arrivent pas à comprendre ça. Il y a beaucoup de forces qui agissent aujourd’hui sur l’Algérie, pour éliminer le FLN et ouvrir le champ à d’autres dimensions politiques qui sortent des valeurs de la proclamation du 1er Novembre 1954 ; or, la proclamation du 1er novembre 1954 a été et restera toujours au profit du peuple. C’est une proclamation qui considère que la première étape, c’était de libérer le pays, la deuxième étape c’est de bâtir un Etat social, c’est-à-dire un Etat qui soit au service du peuple et non au service de catégories. Or, aujourd’hui la mondialisation a tendance à éliminer tout ce qui touche à l’intérêt général pour le reconjuguer et le reconvertir en des intérêts particuliers. Le FLN a une mission dans ce sens-là, puisqu’il a dans ses textes fondamentaux, la construction d’un Etat social. Il doit poursuivre dans cette mission jusqu’à la rendre irréversible. Aujourd’hui, nous sommes devant des défis qui peuvent remettre en cause l’ensemble des principes pour lesquels la révolution algérienne est née et a abouti à la libération du pays. Donc, nous avons une mission politique, économique et surtout sociale.
Et sur le plan local…
Notre liste n’est qu’un prolongement des idées que je viens de développer, pour dire que nous allons être ici, les protecteurs. Nous allons être ceux qui vont veiller à ce que ce programme de construction de l’Etat social soit une réalité sur le terrain. Par exemple, la dimension du logement ; nous sommes en train de réfléchir à comment reconfigurer l’approche de l’Etat en matière de l’offre du logement, tout en la préservant dans un contexte d’accessibilité au citoyen le plus vulnérable. Donc c’est dans ce sens-là. Comme les ressources diminuent, nous devons réfléchir à une nouvelle approche des aides et du rôle de l’Etat dans l’offre du logement. Il y a beaucoup d’autres exemples : l’enseignement, la santé, beaucoup de dimensions sur lesquelles nous sommes intransigeants. Nous considérons toutes les propositions qui viennent des autres partis, sur ces dimensions sociales à condition qu’elles ne remettent pas en cause les principes eux-mêmes, qui peuvent remettre en cause à leur tour la proclamation du premier novembre. Donc, notre référence c’est la fidélité et l’engagement (à la proclamation du 1er Novembre 1954, NDLR).
Vous dites que le FLN avait une mission sur deux phases : libérer et bâtir. En 59 ans, le FLN n’a pas eu le temps de bâtir ?
C’est faux. C’est faux ! Le FLN a beaucoup fait, quoi que l’on dise. Sans parler des forces à l’intérieur du système qui travaillent, le plus souvent, à contre-sens de ce que cherche le FLN. Parce que ce sont des forces qui sont présentes en permanence. Malgré cela, le FLN a beaucoup réalisé pour l’Algérie ; il a beaucoup fait. Nous pouvons prendre beaucoup de statistiques qui vont étonner beaucoup de gens, pour dire par exemple, il n’y a aucun pays au monde qui construit autant de logements et qui les met à la disposition de ces citoyens ; ça c’est une vérité connue de tout le monde. Donc, le FLN est, actuellement, dans une position défensive avant qu’il ne soit offensive. Pourquoi ? Parce qu’il a découvert que toutes les forces qui faisaient semblant d’aller dans le sens de la mission dont il a la charge, avaient trahi cette mission. La preuve, voilà où on en est. Actuellement, nous allons prendre des dispositions pour vérifier la véracité des idées qui viennent se coller au FLN pour dire : « Nous sommes avec vous, et nous allons dans le même sens ». Parce que ce sont eux qui ont retardé la construction du pays, et nous devons reconnaître, qu’en 60 ans, avec les moyens que l’on a, on aurait pu faire mieux. Mais comme tout le monde le sait, il y a des forces contraires. Des forces qui sont là, et qui tirent leurs intérêts dans cet enjeu politique, économique et social pour pouvoir freiner un petit peu notre démarche et nos convictions.
Donc, tout comme le SG du FLN, vous pensez que certaines parties au sein du pouvoir travaillent contre les intérêts du FLN, lors de ces législatives ?
C’est une réalité devant laquelle nous devons prendre les précautions nécessaires. Dans ce magma politique, il y a des forces qui ont été installées, boostées et poussées pour bloquer la route au FLN et si c’est possible, l’anéantir complètement. Or, le FLN est un parti national et un parti du peuple. Quoi que l’on fasse, je ne pense pas qu’il y a une force aujourd’hui qui puisse l’anéantir complètement. Les gens qui sont contre la démarche pour laquelle nous sommes investis historiquement, font tout aujourd’hui, et sont même poussés par des forces extérieures qui considèrent que c’est le FLN qui est le facteur de blocage de leurs intérêts internes. Donc, cette possibilité et probabilité de fraude existe chez certains. Je ne dis pas que c’est l’Etat ou bien ses institutions, ce sont des personnes incrustées dans les institutions de l’Etat.
Revenons au niveau local, avez-vous des projets concrets et bien déterminés à défendre pour Annaba ?
Et comment ? On considère qu’il n’y a pas de territoires pauvres, il n’y a que des territoires sans projets. Annaba doit se ressaisir pour essayer de construire des modèles de développement locaux qui soient assis sur des visions horizontales locales, c’est ce qu’on appelle les systèmes « top down ». Au lieu que cela soit initié par le haut, il faudrait qu’elle soit initiée par le bas. C’est une condition fondamentale pour créer les synergies ; parce qu’il y a énormément d’énergies locales mais qui n’arrivent pas à être fédérées, faute d’un modèle qui puisse les mettre en synergie pour les faire avancer vers des projets partagés. Un territoire, c’est un projet partagé par l’ensemble des acteurs qui y sont présents, y compris la population. Mais il n’y a pas que la population, il y a aussi les acteurs économiques, les acteurs institutionnels et l’Etat. Mais l’Etat ne doit pas être un facteur influent. L’Etat doit jouer le rôle de l’accompagnateur. L’activité économique doit se faire dans la dynamique qui lui est dévolue. Or, la réalité aujourd’hui a fait que l’administration, au lieu d’accompagner, se met au-devant et devient un facteur de blocage. Si l’on est élu, nous allons proposer des textes qui feront que l’administration allège sa présence au niveau de l’acte économique. Les formules existent de par le monde. On demandera à l’administration de se démarquer quelque peu de l’acte économique. Il faudrait libérer l’acte économique pour qu’il puisse reprendre sa confiance. Tout le monde sait qu’il n’y a pas plus peureux que le capital ; il faut le mettre en confiance ce capital. Pour cela, il faut qu’il s’auto-prenne en charge et qu’il s’autogère. Ce qui demande une dynamique et des mécanismes dont il tient les tenants et les aboutissants. Il faut qu’on arrive donc à fédérer les acteurs autour d’intérêts partagés –et ce n’est pas ce qui manque à Annaba qui est un territoire vierge doté de potentialités énormes-. Nous avons devant nous beaucoup de chantiers à ouvrir et nous avons des jeunes et des chercheurs à l’université qui produisent. Nous sommes loin de l’idée du « des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche ». Nous avons des chercheurs qui trouvent, mais malheureusement, il n’y a pas assez d’écoute. J’ai initié beaucoup de projets pour la ville d’Annaba, mais ils sont restés lettre morte parce qu’ils n’ont pas été compris. Je citerais par exemple la création d’une agence d’urbanisme et de développement à Annaba, dont l’objectif était de connaître le territoire d’Annaba centimètre par centimètre et pouvoir travailler avec un système d’information uniformisé pour l’ensemble des administrations et des acteurs économiques. La chose a été mal prise ou mal comprise, comme quoi l’agence allait s’occuper des POS ; une vision trop restrictive. Je ne suis pas arrivé à convaincre les autorités et décideurs. J’en ai fait un projet de recherche scientifique.
Combien de sièges comptez-vous décrocher ?
A Annaba, on est habitué à prendre 3 sièges. Maintenant, vu la conjoncture, on se contentera de 2 seulement.