Par : Bouchra Naamane
Depuis quelques jours, les passagers algériens d’Air Algérie, détenteurs d’un visa de circulation (valide 12 mois et plus) pour la Turquie, font face à un sérieux problème, puisqu’ils sont refoulés dès leur passage au niveau des comptoirs d’enregistrement.
Plusieurs dizaines d’Algériens ont été refoulés ces derniers jours au niveau des comptoirs d’enregistrement d’Air Algérie, dans les aéroports de Annaba et Constantine. À Alger, cette même « opération » a débuté hier. À l’origine de ces refoulements, une note de service, affichée au niveau des aéroports et signée par le chef de département de la réglementation et procédures d’Air Algérie où l’on peut clairement lire : « La « date d’arrivée en Turquie » indiquée par le demandeur lors du remplissage du formulaire de demande de visa est la date à laquelle la période de visa commence. À partir de cette date spécifiée (y compris cette date), le demandeur doit rentrer en Turquie dans un délai maximal de 180 jours (6 mois). Autrement, le visa du demandeur ne sera plus valide. Les dates de début et de fin de la période de visa sont spécifiées dans l’E-visa ».
Plusieurs passagers refoulés se sont constitués en collectif pour tenter de défendre leurs droits. Un groupe Messenger, composé de 46 personnes, a été créé afin de permettre à ses membres d’échanger entre eux et de partager les informations que chacun arrive à recueillir de son côté. Réponses de l’ambassade de Turquie, d’Air Algérie et de Gateway (prestataire de service des visas pour la Turquie), photos des billets refusés, des passeports, visas… tout se partage. Les membres du collectif ne lâchent pas l’affaire et mènent un véritable travail d’investigation pour trouver une solution à leur problème. Ils veulent élucider ce mystère qui persiste et auquel nul ne semble en mesure d’apporter des réponses claires.
Une décision souveraine de la Turquie
Nous nous sommes déplacés ce lundi 19 septembre à la direction régionale d’Air Algérie, où nous avons rencontré M. Nadir Abed, directeur régional de la compagnie aérienne nationale. Ce dernier nous a révélé que cette décision était prise par les autorités turques. « Nous nous sommes basés sur une orientation émise par les autorités turques. L’information nous a d’ailleurs été confirmée par le chef d’escale d’Air Algérie en Turquie », précise le responsable et d’ajouter : « Nous avons empêché ces passagers de prendre l’avion pour éviter qu’ils soient refoulés une fois arrivés à leur destination ». Il est important de préciser, dans le même contexte, que plusieurs passagers algériens ont été effectivement refoulés de l’aéroport d’Istanbul au cours de ce mois. Selon le même responsable, cette procédure entraîne une amende, qui peut atteindre jusqu’à 2.000 euros, pour l’entreprise aérienne, et ce, pour chaque passager refoulé.
La note portant sur l’annulation du visa aurait, selon le même responsable, été adressée directement aux escales sur tout le territoire national. Les commerciaux relevant d’Air Algérie, chargés de la vente des billets, ne sont pas notifiés de cette information, ce qui fait que le titulaire du visa achète son billet d’avion le plus normalement du monde sans pour autant être informé de la non-validité de son visa. C’est au niveau du service de contrôle des documents à l’aéroport, que ce dernier reçoit la triste nouvelle quelques instants avant son vol. La sous-directrice commerciale, relevant de la direction régionale d’Air Algérie à Annaba, explique à son tour que le commercial est chargé uniquement de la vérification de la date de l’obtention du visa et sa durée. Il n’est, de ce fait, pas contraint de s’informer de toutes sortes de restrictions émises par l’ambassade. Suite à notre entretien, le directeur régional d’Air Algérie a instruit ses services d’envoyer une notification aux agences commerciales de l’entreprise afin de renseigner tous les titulaires du visa turc souhaitant acheter le billet d’avion auprès de ses guichets sur la décision en question.
Plusieurs membres dudit groupe ont contacté Gateway, le prestataire de service des visas pour la Turquie pour tenter de trouver une solution. Mais ce dernier n’en avait aucune. Contacté par nos soins, l’opérateur de Gateway au bout du fil déclarait ne pas savoir qui était à l’origine de ce problème. A la question de savoir si la Turkish Airlines était aussi concernée par cette mesure, l’opérateur a continué dans la même lancée : « Nous ne pouvons le dire. La Turkish Airlines n’était pas concernée par cette mesure ces derniers jours, mais nous ne pouvons rien affirmer pour ce qui est d’aujourd’hui, demain ou les jours qui suivent. Nous vous invitons à prendre contact avec la compagnie ».
Nous avons, bien-sûr, tenté de prendre langue avec la compagnie aérienne turque, mais nous n’avons pu obtenir aucune réponse sur l’ensemble des numéros mis à la disposition des clients algériens. Nous avons adressé un E-mail aux services de l’ambassade de Turquie en Algérie, mais nous n’avons jusqu’au moment de l’écriture de ces lignes, reçu aucune réponse.
De leur côté, les passagers refoulés ont réussi à obtenir un semblant de réponses de la part de la diplomatie turque. En effet, plusieurs membres du collectif, ayant contacté l’ambassade ont reçu une réponse par e-mail en langue turque, dont voici la traduction Google : « A qui de droit ; Vous êtes priés de vous adresser aux bureaux de la société de visas Gateway avec votre passeport afin que vignette visa nouvellement datée puisse vous être délivrée ». Un aveu à demi-mot de la part des services consulaires turcs en Algérie.
Cafouillage et manque de communication ?
Les services de l’ambassade de Turquie en Algérie auraient pu, à travers leur prestataire de service Gateway, contacter les titulaires de visa afin de les informer de ce « petit » changement. Mais rien n’a été fait. Sur le site de l’ambassade, comme sur celui du prestataire de service, rien n’a été communiqué sur le sujet, laissant les voyageurs perdus et ne sachant vers qui se tourner. Un manque de communication qui a valu à chacun des passagers refoulés, la perte d’un billet d’avion dont le coût n’est pas donné.
Contacté par Le Provincial, Amine Andaloussi, le porte-parole de la compagnie aérienne nationale a confirmé que cette décision leur a été communiquée par les autorités turques. « Ça ne concerne pas que les citoyens algériens. Plusieurs voyageurs étrangers ont été également refoulés. A Alger, la restriction est appliquée à partir d’aujourd’hui ». En outre, le porte-parole de la compagnie aérienne a tenu à préciser que ce n’était pas à Air Algérie d’aviser ses clients du changement opéré sur leurs visas, mais c’est plutôt aux services consulaires et au prestataire de services ayant délivré les titres de séjour de le faire.
Un manque de communication de la part de l’ambassade de Turquie, dont les seules victimes furent les passagers refoulés aux aéroports algériens ainsi qu’à celui d’Istanbul.
Par ailleurs, la compagnie aérienne nationale a annoncé, hier lundi, l’ouverture des ventes des vols supplémentaires vers Istanbul via les aéroports de Annaba, Constantine, Alger et Oran, sans pour autant prendre la peine de révéler et d’expliquer aux passagers le contenu de cette note sibylline de l’ambassade turque.