Par : Fatima Zohra Bouledroua
Dans le cadre des activités d’Octobre rose, de l’association ALISC, Association de lutte intemporelle et soutien aux cancéreux d’Annaba, un « café rose » a été organisé jeudi 13 octobre au niveau de la bibliothèque principale Barkat Slimane pour débattre du cancer du sein sous le slogan « Le cancer du sein, parlons-en !».
C’est un espace d’échange et de collecte de témoignages et de propositions entre intellectuels, citoyens et adhérents de la bibliothèque, que les organisateurs ont créé pour cette édition. Dans le but de débattre du sujet et de ses multiples dimensions, l’association ALISC a invité des médecins légistes et chirurgiennes, juristes, chercheurs en communication et médias, journalistes, coachs de vie, malades…etc.
Docteur Ismahane Kouroghli, présidente de l’association s’est exprimée sur l’importance de ce café rose, elle déclare : « Cet espace a été créé pour collecter les propositions que nous allons soumettre aux autorités et à toutes les instances et institutions prêtes à nous aider ». « Nous comptons procéder à une large évaluation de notre campagne pour en faire sortir une feuille de route adaptée. » rajoute-t-elle.
Ainsi, une députée APN a assisté au café rose et s’est engagée à soumettre les propositions émises à la commission santé de l’Assemblée populaire nationale. Les propositions englobent des axes relatifs à la prise en charge des malades, la disponibilité des médicaments, l’aspect juridique pour protéger les femmes cancéreuses maltraitées, l’éducation et la sensibilisation, l’implication des médias…etc.
Parlons-en… et agissons ensemble !
14.000 nouveaux cas de cancer du sein par an en Algérie est un constat alarmant. La prévention est le meilleur moyen d’y faire face. L’association ALISC a donc tracé un programme riche s’étalant sur tout le mois. Sport, danse, conférences, cinéma et théâtre, tous les moyens sont bons pour attirer l’attention du public et sensibiliser au dépistage précoce du cancer du sein. Et aussi, pour expliquer qu’une bonne hygiène de vie en termes d’alimentation, d’activité physique, culturelle et intellectuelle favorise l’évitement de la maladie.
Pour rappel, La première campagne à Annaba a été initiée en 2017 par docteur Ismahane Kouroghli. Cinq années plus tard, plusieurs associations y consacrent leurs activités du mois d’octobre pendant que d’autres accompagnent les malades tout le long de l’année. L’association, les amis des cancéreux, ALISC, YOUSR et d’autres sont sur le front. La direction de la jeunesse et des sports de la wilaya d’Annaba, à travers sa cellule d’écoute, ne rate pas l’occasion de faire connaitre la maladie et de sensibiliser à une communication de proximité. « Le secteur de la Santé publique de la daïra d’El Hadjar, notamment s’oriente vers les zones d’ombre pour sensibiliser et agir », note la présidente de l’association ALISC.
Tous en parlent et agissent séparément ou presque. Un processus de coopération entre ces entités qui ont un but en commun devrait être enclenché. Quelques actions communes ont été citées durant le débat, mais tous s’accordent sur la nécessité de combler ce manque existant.
Une évaluation globale entre acteurs engagés pour cette cause devrait exister à la fin du mois d’octobre, pour en faire ressortir le plan d’action de l’année prochaine. « Coopérer et coordonner pour un meilleur impact est un point à développer », déclare une enseignante en communication de l’université Badji Mokhtar Annaba.
Octobre rose dans le monde
Octobre rose est une campagne de communication initiée pour la première fois en 1985 aux Etats-Unis. Soutenue par l’American Cancer Society et l’entreprise Imperial Chemical Industries. Le « Mois de la Sensibilisation au Cancer du Sein » (Breast Cancer Awareness Month) est une campagne internationale annuelle sur la santé. Elle commence le 1er octobre et se termine le 31 octobre de chaque année. Elle est organisée par différents organismes de bienfaisance sur le cancer du sein. Elle a pour but de sensibiliser la population vis-à-vis de la maladie. La campagne informe, par exemple sur l’importance du dépistage précoce et du suivi médical régulier, notamment à partir d’un certain âge. Octobre rose dans le monde permet de recueillir des fonds pour la recherche sur les causes du cancer du sein, sa prévention, son diagnostic, son traitement et sa guérison. Il vise à soutenir les personnes touchées par le cancer du sein et continue de les informer. Des marches ou des courses dans certaines villes y sont dédiées, où les participants (hommes et femmes) marchent et courent pour montrer leur lutte contre le cancer du sein.
Et l’homme ?
Ce qui attire l’attention de l’expert en communication est l’absence de campagne d’information ciblant les hommes, occultant ainsi la place qu’il occupe et l’influence qu’il pourrait avoir en faveur d’un dépistage précoce sur sa femme, fille, sœur ou même mère. L’on devrait élargir le public cible et concevoir des messages adaptés à cette catégorie. La réussite d’une campagne de communication est basée sur la cohérence entre le message élaboré et le public cible visé, tout en gardant l’axe préalablement choisi.
Une manière de tirer profit de la culture algérienne et du rapport homme-femme, de la place qu’occupe l’avis d’un homme sur le comportement de sa femme, sœur, fille…
Toutefois, des témoignages démontrant que l’homme algérien ne soutient pas la femme malade existent :
Violence verbale, non verbale ou menaces de divorces, toutes les formes de maltraitance sont mises en exergue par les participantes. Des témoignages bouleversants apportés par la médecin légiste durant le café citoyen confirment les hypothèses émises.
Cependant de belles histoires d’amour et de solidarité ont été apportées par d’autres participantes. Tout cela n’est-il pas une sonnette d’alarme pour prendre en charge psychologiquement et socialement cet homme victime lui aussi des aléas de cette maladie ?! N’est-il pas touché lui aussi dans son équilibre familial, matériel, sexuel et social ?
De plus, les études montrent que le cancer du sein atteint aussi les hommes. Discuter du dépistage précoce en famille ou bien au milieu professionnel devient une l’affaire de tous.
Bien évidemment, rien n’excuse la violence et les participantes ont bien fait d’aborder l’aspect juridique, et ont émis des propositions intéressantes.
Evaluer c’est réussir
Une campagne de communication n’est efficace que si l’on procède à l’évaluation. Un plan de communication s’évalue avant et après la mise en œuvre. La campagne Octobre rose est en marche à Annaba depuis cinq ans et déjà docteur Ismahane Kouroghli note un indicateur de réussite important. Elle témoigne que la taille moyenne des tumeurs en première consultation a diminué. D’autres témoignages sur ce le pourcentage de connaissance de la maladie qui est en hausse ont été avancés. Mais malgré tout cela, le dépistage précoce n’atteint pas les objectifs assignés. Une mesure de l’impact de la campagne devient un enjeu de taille qu’on laisse aux experts et chercheurs en communication ! Répondront-t-ils à l’appel ?