Occupant de plus en plus d’espaces qu’elle grignote au maraîchage traditionnel, la culture de la fraise est en passe de devenir la filière phare des plaines agricoles de la wilaya de Jijel. Depuis l’année 2000, date de son lancement, cette expérience a fini par devenir le refuge des agriculteurs, subissant d’importantes pertes dans la culture de la tomate industrielle. Depuis le dernier pic de la production en 1999, la culture de ce produit a été abandonnée au profit de la fraise. Peu à peu, les agriculteurs se sont orientés vers ce fruit juteux et tant apprécié. Au bout d’une décennie, ils ont fini par adopter cette filière pour le seul motif de sa rentabilité. Aujourd’hui, il n’est plus question que de la culture de la fraise.
Sa promotion ne fait plus aucun doute quand les autorités se sont mises à l’encourager par la fête qu’elles lui consacrent annuellement. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents : les espaces cultivés sont passés de quelques modestes surfaces ne dépassant pas les 4 hectares en 2002, à 474 ha en 2021, avant de s’établir à 535 ha en 2022. Suivant cette tendance, la production s’est mise à progresser pour atteindre les 182.000 quintaux en 2020 et plus de 190.000 quintaux en 2021, pour 842 producteurs recensés durant cette dernière année. Toutefois, l’extension des surfaces cultivées ne laisse plus indifférent face à l’abandon de la production maraîchère pour s’orienter vers une filière plus rentable.
Les pertes subies et la concurrence du produit local par le même produit venant des wilayas du Sud-Est du pays ont fini par donner le coup de grâce à la culture de la tomate et les autres produits maraîchers. La fraise n’est pourtant pas une culture stratégique. Elle s’est imposée à des agriculteurs face auxquels les autorités sont restées impuissantes devant une telle tendance. Sauf qu’à quelque chose malheur est bon, puisque devant une telle fatalité, c’est l’exportation de ce produit qui s’inscrit dans l’ordre des priorités. Suivant les orientations du gouvernement, encourageant les exportations hors hydrocarbures, Yacine Zeddam, directeur de la chambre d’agriculture de la wilaya de Jijel, évoque cette option. Plutôt que de regretter l’abandon de la culture maraîchère par les agriculteurs locaux, qui s’improvisent spécialistes de la production de la fraise, il privilégie la promotion de l’exportation de ce produit.
Autant dire qu’à la place de la tomate, du concombre, du poivre qui s’exportaient à partir de Jijel à l’étranger, c’est la fraise qui est appelée à remplacer ces produits dans l’exportation, selon les projections retenues. Yacine Zeddam évoque à ce titre la mise en valeur du produit pour pouvoir l’exporter dans les meilleures conditions. Améliorer sa qualité et son emballage est l’une des conditions à remplir pour trouver une place dans le marché international. Pour relever ce défi, il convient de développer cette filière dominée par des agriculteurs trouvant leur compte dans sa promotion. Son développement semble être compromis cette année, puisque les déclarations de certains producteurs, évoquant une baisse de la production, sont confortées par des chiffres qui appuient cette tendance baissière. Si en 2022, quelque 22 millions de plants ont été mis en terre, en 2023, ils n’étaient que 17 à 18 millions d’unités à être plantées.
Pour des raisons de perturbations du marché mondial, 80% de ces plants ont été multipliés dans des pépinières locales. La baisse annoncée de la production a encore été accentuée par le faible rendement du plant multiplié localement qui produit entre 500 à 600 grammes de fraise par rapport à celui d’importation qui donne un rendement de 800 à 1,1 grammes de ce fruit.
Dans cette baisse de la production, l’agriculteur en sort indemne, puisque le coût du plant importé est de 45 à 55 DA, alors que celui de multiplication locale ne coûte que 15 DA. Il reste à souligner que la filière de la fraise est encore dominée par des intervenants qui imposent leurs diktats aux producteurs. Pris en otage par des méthodes obscures, ces derniers ne savent souvent pas à quel prix ils cèdent leur produit. Le comble est qu’ils n’ont aucune chance de se défaire de ces méthodes, dont la cause est liée à l’absence d’un marché de gros qui auraient pu les délivrer de cette emprise.
Par : Amor Z