Nommé le 9 septembre, Lecornu était sous le feu des critiques des opposants et de la droite après avoir dévoilé dimanche soir une partie de son gouvernement, le troisième en un an.
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a remis, hier, sa démission au président Emmanuel Macron, qui l’a acceptée, a annoncé lundi l’Elysée dans un communiqué, quelques heures après avoir annoncé une partie de son gouvernement. Nommé le 9 septembre, M. Lecornu était sous le feu des critiques des opposants et de la droite après avoir dévoilé dimanche soir une partie de son gouvernement, le troisième en un an.
Il devait prononcer aujourd’hui sa déclaration de politique générale à l’Assemblée. Suite à la démission de Sébastien Lecornu, la France insoumise a proposé aux autres partis de gauche « une rencontre », hier dans l’après-midi, « afin d’envisager toutes les hypothèses ouvertes par cette situation ». « Victorieux sur la base du programme de rupture du NFP il y a un an, nous avons voté ensemble la semaine dernière pour nos candidats aux fonctions de l’Assemblée nationale », a notamment écrit Mathilde Panot dans un tweet. Elle a également lancé, en fin de matinée, une pétition en ligne pour réclamer la destitution de Macron.
Sur BFMTV, Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis et ancien insoumis, a estimé que « la gauche ne doit pas trembler dans ces moments-là sur ces questions d’unité » notamment face à un risque d’une alliance électorale entre la droite et l’extrême droite. « Ce n’est pas seulement un petit jeu d’appareils, c’est un possible tournant de la vie politique », a-t-il affirmé. Sur X, Marine Tondelier a annoncé que les « Écologistes rencontreront l’ensemble de leurs partenaires dans la journée », sans plus de précisions. « Notre camp politique doit être à la hauteur de l’histoire et des difficultés que rencontre notre pays.
Pour la France, pour les Françaises et pour les Français, nous y prendrons toute notre part », a écrit la cheffe de file du parti. Du côté des socialistes, le député Arthur Delaporte a réaffirmé la volonté de son camp d’une nomination d’un Premier ministre de gauche par Emmanuel Macron. « On a bien vu qu’en prenant à chaque fois les mêmes et en recommençant toujours la même chose (…) on avait des censures ou des démissions successives puisque l’Assemblée nationale est désormais tripolaire », a-t-il affirmé sur BFMTV, appelant à une « cohabitation ».
En proie à l’instabilité depuis la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le chef de l’Etat en juin 2024, la France plonge dans un nouveau psychodrame politique. Le troisième gouvernement nommé en un an aura été le plus court. Déjà menacé d’une censure dans les jours suivants, le Premier ministre français a vu sa fragile coalition gouvernementale, baptisé « socle commun », se fissurer à peine plus d’une heure après sa présentation.
Le patron du parti de droite Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, qui venait d’être reconduit au ministère de l’Intérieur, a dénoncé dans un message sur X une composition qui « ne reflète pas la rupture promise » et convoqué une réunion des instances de son parti. En cause: le retour surprise aux Armées de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie (2017-2024) – et transfuge du parti LR ou encore la large part réservée au parti macroniste Renaissance dans la répartition du gouvernement (10 ministres, contre 4 à LR).
Blocage
Plusieurs cadres du camp présidentiel envisageaient également, dès dimanche soir, l’hypothèse de voir la droite sortir du gouvernement. Les oppositions d’extrême droite (Rassemblement national, RN) et de gauche (notamment LFI, gauche radicale) fustigeaient quant à eux un gouvernement dont 12 des 18 membres étaient déjà dans l’équipe précédente, renversée début septembre.
Après l’annonce de la démission de Lecornu, le président du RN Jordan Bardella a appelé, hier, Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale, affirmant qu’ « il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes ».
La balle est désormais dans le camp du président Emmanuel Macron, omniprésent sur la scène internationale mais qui voit sa ligne politique sombrer dans le chaos sur la scène intérieure. Pour beaucoup, il est le responsable de l’instabilité qui ronge la France depuis juin 2024. Depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée dans la foulée des élections européennes, l’hémicycle est fracturé en trois blocs (alliance de gauche / macronistes et centristes / extrême droite).
Aucun ne dispose de la majorité absolue. Trois ministres, Michel Barnier (septembre – décembre 2024), François Bayrou (décembre 2024 – septembre 2025) et désormais Sébastien Lecornu (nommé le 9 septembre), se sont heurtés à cette équation insoluble, qui se double d’une situation financière désastreuse avec une dette de 3 300 milliards d’euros, représentant 115% du PIB. Homme de confiance d’Emmanuel Macron venu de la droite, Sébastien Lecornu, présenté comme un fin négociateur politique, avait multiplié les consultations ces trois dernières semaines.
Pour éviter de subir le même sort que son prédécesseur, tombé après avoir présenté un effort budgétaire de 44 milliards d’euros, il avait demandé à ses ministres de « trouver des compromis » avec les oppositions.
Par : Akram Ouadah