Alors que la France traverse une période politique intense, entre contestation sociale et négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement, l’extrême-droite trouve encore le moyen de raviver son obsession pour l’Algérie. Cette fois, c’est le nombre de visas accordés aux étudiants algériens qui sert de prétexte à une nouvelle polémique, montée en épingle sur les plateaux télé et les réseaux sociaux.
Tout est parti d’un communiqué de l’ambassade de France à Alger annonçant une hausse légère — environ un millier de visas supplémentaires — pour les étudiants algériens par rapport à 2024. Un chiffre dérisoire, mais qui a suffi à déclencher une tempête médiatique au sein de la droite dure et de l’extrême-droite, vent debout contre toute idée de rapprochement avec l’Algérie.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur sortant et figure de ce courant, a été le premier à dénoncer publiquement cette décision, promettant une politique de « rapport de force » avec Alger. Ses proches ont même laissé filtrer dans la presse son désaccord avec le Quai d’Orsay, qu’il accuse de laxisme.
Une polémique déconnectée de la réalité
Sur les plateaux de CNews, d’Europe 1 ou du Journal du Dimanche, les débats s’enflamment, comme si l’avenir du pays dépendait de ces 8.400 visas accordés à des étudiants algériens, sur un total de 444.000 étudiants étrangers inscrits en France. Les tenants du discours anti-Algérie feignent d’ignorer que le nombre global de visas pour les Algériens a chuté de 30 % ces deux dernières années, un recul bien plus significatif que la hausse ponctuelle des visas étudiants.
Face à la polémique, le Quai d’Orsay a rappelé que la coopération universitaire relevait des relations entre sociétés civiles, et non des tensions diplomatiques. Mais ces précisions n’ont guère apaisé les esprits : trois médias proches de l’extrême-droite ont aussitôt commandé un sondage pour appuyer leur narration. Selon cette enquête, 76 % des Français seraient favorables à la suspension des visas tant que l’Algérie refuserait de reprendre ses ressortissants expulsés — un chiffre dont la mise en avant traduit davantage une instrumentalisation politique qu’un réel consensus national.
Une fixation électoraliste sur l’Algérie
Cette nouvelle offensive s’inscrit dans une stratégie bien rodée. Depuis plusieurs mois, chaque fait mineur lié à l’Algérie — de l’affaire Boualem Sansal aux visas diplomatiques — sert de levier politique pour nourrir le discours identitaire et anti-immigration. L’objectif est clair : entretenir un climat de défiance à l’égard d’Alger pour mobiliser un électorat sensible à ces thématiques à l’approche de la présidentielle de 2027.
Ce déchaînement pour un millier de visas supplémentaires illustre l’ampleur du décalage entre les enjeux réels du pays et les obsessions électoralistes d’une partie de la classe politique. L’Algérie reste, pour l’extrême-droite française, un épouvantail commode, brandi chaque fois que l’agenda national s’enlise. Une stratégie qui en dit long sur la pauvreté du débat politique et sur la persistance des réflexes postcoloniaux dans la sphère publique française.
Par : S.A.B.