L’Andalousie, l’an 1000. La conquête de l’Islam sur le monde est à son apogée. Cordoue en est la capitale. Elle est le berceau de la culture, des langues et des ethnies. Les religions monothéistes s’y croisent, avec la proéminence de l’Islam, celle du dernier des Prophètes Mohammed. « Suis-je donc la seule à assister aux deux chutes de Cordoue ? » La trame de l’histoire est annoncée, d’emblée, par la pensée de Wallada, la dernière andalouse, bent el Moustakfi, dernière dynastie qui a gouverné pendant plus de deux siècles sur la péninsule ibérique.
La conquête de Cordoue par les Berbères contre les Omeyyades met fin aux cénacles littéraires, aux hymnes à l’amour, aux musiques enchanteresses, au goût à la vie ainsi qu’à l’érudition de Ibn Zeydoun ou d’Ibn Hazm, s’enfuyant par la porte de Tolède.
Tout y est durant les différentes époques évoquées : trahisons, amours, félonie, coups bas, pactes, séduction… Une belle épopée construite sur trois villes de l’Andalousie : Cordoue, Séville et Grenade. Une lecture à tenir en haleine le lecteur jusqu’à la fin sur les mots d’amour de Wallada : « L’âge avait eu raison de nous, mais aucunement de notre histoire. Un éternel amour qui, lui, n’a pas pris de rides. Des années après, il portait toujours ce regard du premier soir… » en attendant la suite, qui semble arriver bientôt.
QUESTIONS
1/ Les personnages de « Wallada, la dernière Andalouse » n’ont pratiquement pas de description physique. De ce fait, cette particularité rend leur identification difficile pour le lecteur. Pourquoi ce choix ?
Un choix risqué. Je m’étais rendu compte à la fin de la rédaction du roman que ce dernier était chargé d’informations, de noms, de personnages et d’évènements, ce qui rendait sa lecture difficile. J’ai donc essayé de l’alléger au maximum pour le rendre plus fluide. Les descriptions font partie des séquences élaguées et maintenues à leur minimum, d’autres scènes ou personnages ont complètement sauté. Je me rends compte, après coup, que ce n’était pas évident ; car dans ma réflexion, je me disais que le lecteur aura la liberté de faire le portrait des personnages à sa guise et à son imagination, mais en réalité, l’absence des descriptions a rendu la tâche un peu plus difficile au lecteur. Comme quoi, certains standards dans la narration ne doivent pas être touchés. Leçon retenue.
2/ Cordoue 1013, Cordoue 1090… Et l’Histoire qui se répète avec des ministres corrompus et une Armée fantôme, battue par les Berbères. Et vous nous restituez, à travers le roman, les vestiges du passé que nous connaissons aujourd’hui, l’Alhambra, la poésie d’amour… jusqu’où vouliez-vous donner la part historique dans ce roman ?
La part fictive dans ce roman est minime. J’ai respecté scrupuleusement la chronologie, les faits, les grands évènements et l’histoire des personnages. Le côté romanesque est bien sûr présent pour les besoins de la narration, mais la part de réalité est prépondérante. Je voulais justement raconter l’histoire avec un roman, la vraie histoire. C’est ce qui m’intéressait au départ, loin du côté romanesque. L’objectif pour moi était de raconter un pan de l’histoire à travers un autre point de vue, loin des clichés orientalistes et de l’exagération ; et le déni oriental en ce qui concerne l’Andalousie et le Nord de l’Afrique.
3/ La femme est présente dans votre roman, pas seulement à travers le personnage Wallada qui s’affirme dans son féminisme rebelle, mais même par Laila, la Zyriab au féminin. D’ailleurs, on y retrouve une scène sur la sensualité et le désir féminins. Un exercice assez périlleux, dans le rendu psychologique, sous la plume d’un homme ?
Ce n’est que justice rendue quelque part à la femme. Pour Wallada qui demeure célèbre dans le monde arabe et pour les amateurs de poésie et d’histoire, son histoire a toujours souffert du regard des hommes justement. C’est pour beaucoup la conquête d’Ibn Zeydoun, une femme décriée aux mœurs légères, mais en réalité c’était une femme lettrée et au tempérament de feu. Loin d’être dans cette position de proie ou de conquête. C’était une femme respectable, une poétesse très douée et l’initiatrice d’une école d’art et de poésie à son époque. Et on peut voir qu’à travers les récits, ce côté-là est dénié et c’est de son côté conquête qu’on parle le plus.
Je n’ai pas hésité à utiliser la première personne quand je parlais de Wallada, c’était un exercice un peu délicat pour un homme, mais c’était aussi la moindre des choses face à un personnage avec autant de charisme et de présence, et j’ai pris du plaisir à le faire. La femme a toujours été présente, et la littérature ne lui rend pas l’hommage qui se doit, c’est clair. D’ailleurs, elle le dénonce elle-même sous ma plume dans le roman, car précurseuse qu’elle était, elle était consciente de cette inégalité et de ce rapport de force en défaveur des femmes.
Par : Rihanna Amiour Wallada, la dernière Andalouse (252 pages) 1000 DA De Sidali Kouidri Filali (compte d’auteur)