Par : Hezam Med Hakim
Contrairement au caméléon chez qui les images perçues par chaque œil se complètent, les images provenant des yeux humains sont identiques et superposables par le cerveau, suivant un axe de vision. Sinon, il s’agit de strabisme.
C’est une déviation de l’axe de la vision d’un œil par rapport à son homologue donnant ainsi deux images différentes au cerveau qui va tenter de les superposer dans un premier temps puis les fusionner avant de négliger une des images pour conserver une vision correcte avec le moindre effort fourni. Si on n’intervient pas à ce stade, la perte complète, progressive et définitive de la vision de l’œil dévié est de règle, cela est connu scientifiquement sous le nom de : Ambliopie. Il est possible qu’un nouveau point de vision parallèle à l’œil sein se forme sur la rétine mais qui ne peut remplacer le point initial en matière d’efficacité. Ces phénomènes se produisent uniquement chez le jeune ayant une plasticité cérébrale encore active, une déviation qui n’était pas présente à l’enfance et qui survient à un âge adulte quel que soit sa cause donnera la diplopie (vision double).
“Il serait donc scientifiquement ridicule de demander à un enfant strabique s’il voit double”
Dans quels cas l’axe de l’œil pourrait-il dévier ?
La vision est comme la démarche, si l’un des pieds est considérablement atteint la marche sera altérée. De même pour la vision lorsqu’un œil présente une forte amétropie (anomalie de la réfraction ou plus simplement l’atteinte de l’une des deux images par rapport à l’autre par forte myopie, hypermétropie ou astigmatisme important) la superposition des deux images sera difficile et on commencera à “s’appuyer” sur l’œil sain en négligeant l’œil atteint tant qu’il n’est pas ajusté. Lorsque cet œil fainéant est non sollicité longtemps, il perdra son tonus et déviera. Ce type de strabisme est connu sous le nom de strabisme accommodatif qui est convergeant la plupart du temps, la déviation est généralement importante et survient chez des enfants entre 3-4 ans et peut se déclencher de façon aiguë ou évoluer de manière insidieuse.
Le strabisme congénital comme son nom l’indique survient dès la naissance ou juste après est une forme moins fréquente mais plus compliquée à traiter surtout si elle n’est pas dépistée à temps.
Les compressions par un processus expansif peuvent causer un strabisme chez l’enfant comme chez l’adulte ainsi que les lésions des nerfs oculomoteurs (responsables de la mobilité de l’œil dans l’orbite) les névrites et atteintes inflammatoires du nerf optique qui peuvent également en être la cause.
Quand et comment suspecter un strabisme ?
Le traitement du strabisme est d’autant plus efficace et déterminant que son diagnostic est précoce. Avant 6 ans les manœuvres de réduction du strabisme réussissent dans la majorité des cas.
Il est donc important de consulter quand vous remarquez que votre enfant présente une altération importante de sa vision révélée par un regard vague, un frottement fréquent des yeux, des céphalées persistantes, des chutes fréquentes, un rapprochement des objets vers son visage ou qu’un de ses yeux parait déjà dévié par rapport à son homologue notamment en cas de fatigue. Néanmoins certaines situations peuvent être trompeuses et donnent un faux strabisme qui sera décelé par l’ophtalmologiste tel que le strabisme banal du nourrisson, l’hétérophorie et les variations anatomiques du nez et des yeux
Quelle prise en charge pour quel strabisme ?
Les indications aux manœuvres de réduction médicales ou chirurgicales ou même au laser dépendent de l’état initial de la déviation en question, de sa nature et de l’âge du patient.
De manière générale, Les strabismes accommodatifs avant 6 ans répondent généralement à un traitement fonctionnel dans lequel une sollicitation active de l’œil fainéant, une mise au repos de l’œil sain par pansement ou délimitation du champ visuel du coté nasale ou latéral permettra de pousser l’œil à reprendre une position correcte par rapport à l’axe. Cette technique se pratique à long cours et donne de bons résultats tout en évitant les contraintes des interventions lourdes. À un âge tardif il sera inutile de pratiquer cette technique car généralement le nouveau point rétinien se serait déjà formé ou que l’amblyopie se serait d’ores et déjà installée, une intervention à visée esthétique seulement sera envisageable si le patient le souhaitera.
La prise en charge d’un strabisme congénital résultant d’une compression tumorale est d’emblée chirurgicale et permettra de restaurer l’angle initial, les autres formes de strabisme congénital sont insensibles au traitement médical et nécessitent une intervention à un âge un peu plus tardif par relâchement ou raccourcissement des muscles qui tirent sur le globe oculaire en fonction de la nature du strabisme si il est convergent ou divergent.
À l’âge adulte, la diplopie est généralement secondaire à une atteinte sous-jacente, sa prise en charge est donc conditionnée par le traitement de la pathologie en cause quand elle est guérissable, à citer : l’atteinte des nerfs oculomoteurs, la compression extrinsèque, les névrites, la maladie de Basedow de la thyroïde et l’hypertension intra crânienne..
En conclusion, le strabisme est une atteinte lourde du fait qu’elle concerne un organe précieux qui joue un rôle prédominant ; d’une part, dans la définition de la beauté du visage et sa fonction sensorielle inestimable d’autre part. Ainsi le retentissement psychologique, esthétique et économique du strabisme, peuvent impacter la qualité de vie de la personne.
Visuellement tous les strabismes qu’ils soient chez l’adulte ou l’enfant paraissent similaires. Cependant, il existe plusieurs formes dont chacune a un mécanisme propre et une prise en charge complètement différente. Dans la majorité des cas le strabisme est traitable s’il est pris en charge à temps, il représente un vrai défi pour les ophtalmologues chez qui l’identification de la forme du strabisme et la mise en œuvre de la prise en charge adéquate, demeure une grande responsabilité.
Membre du Club Averroes Faculté de médecine Annaba*