Tout autant que l’est le complexe sidérurgique, toujours sur la voie de la dégénérescence malgré les plans de mise à niveau et de soi-disant programmes de réhabilitation, la ville de Sidi Amar, qui a vu le jour pendant les années de splendeur du boumediénisme, suit sur le même modèle entrepris pour la construction de la grande usine, son avancée, envers et contre tous, son expansion et son développement. Malheureusement, cela ne dure pas éternellement. Après les années de bonheur, survinrent les jours de consternation et de désolation.
Durant les années du développement industriel, le prestige qui a accompagné le montage des ateliers du complexe a été le même dans la construction de la cité, qui est devenue, par la suite, la ville de Sidi Amar. Au départ, Sidi Amar a été destiné aux ouvriers immigrés en Europe, qu’on a encouragé à retourner au bercail, en abandonnant leurs postes de travail dans les aciéries, hauts fourneaux, laminoirs des pays d’accueil… Il faut dire que çà a été une aubaine pour l’embauche d’ouvriers sidérurgistes qui ont été une denrée si rare en ces années du début de l’industrialisation. On y a hébergé, également, les cadres et les agents de maîtrise, formés dans les universités algériennes et centres de formation spécialisés.
Sont venues, malheureusement, les années de dèche ou de ce qui a fait la fierté de tous, s’enfonçant chaque jour davantage dans la misère, le laisser-aller, le sous-développement et la déchéance. Un délaissement indescriptible où la saleté, le désordre et la désolation constituent la seule référence d’une cité qui aurait dû être une source de fierté pour l’économie algérienne. En attendant, l’impression est toujours la même, que ce soit au centre-ville, près de la mairie ou de n’importe quel quartier de la ville, à savoir l’abandon total.
En 2024, des troupeaux de vaches continuent à envahir la cité sans qu’il ne soit mis fin à une invasion qui ne trouve pas d’explications. Toujours pour la même période, les ruissellements, pour ne pas dire les inondations, couvrent tous les coins et recoins de la cité ; ainsi en est-il d’un réseau d’eau qui n’arrive pas à satisfaire les besoins des habitants, mais qui, à chaque distribution d’eau, des centaines, voire des milliers d’hectolitres se déversent dans la nature. Au fait connaît-on réellement les quantités qui partent dans la nature?
Quelle description faut-il donner de cette ville qui, dit-on, est parmi les plus riches d’Algérie? Des quartiers mal entretenus et délaissés dans une ville qui ne demande qu’à être décrassée. Des bâtiments, pour la plupart neufs, sont implantés dans des zones jonchées de détritus et recouvertes de mauvaises herbes. A-t-on jamais pensé à boiser la ville? Là où sont entreposés des rocs, pierrailles, ferrailles datant des premiers chantiers de construction de la ville, n’y a-t-il pas une manière plus intelligente de redorer le blason d’une ville qui ne demande qu’à être transformée en un espace urbanistique acceptable.
Sidi Amar n’est pas, pourtant, une simple commune. Rattachée à la daïra d’El Hadjar, elle est le lieu d’implantation d’institutions à caractère national ; nous citerons à ce titre le complexe sidérurgique appelé communément «complexe d’El Hadjar» et l’université d’Annaba. Paysage urbain délabré, capitale de la saleté et du désordre, est-on obligé de la décrire sans pourtant aller jusqu’à oublier qu’elle a été un certain moment, durant les plus belles années du développement du complexe sidérurgique, une cité bien propre et bien accueillante.
De cité gérée par la direction du complexe d’alors, tout autant que n’importe quelle autre installation qui compose cette usine gigantesque, elle a accueilli des cadres et des agents de maîtrise, ainsi que des corps de métiers très rares pour cette époque. Il n’est pas facile de prétendre être au courant de ce qui s’est caché derrière ces appellations mystérieuses, tels que fondeurs, aciéristes ou cokiers…
Les zones urbaines ou rurales ne se distinguent nullement par des spécificités particulières. Leur dénominateur commun reste le manque d’hygiène et le désordre, aggravé par ces troupeaux de bovins et d’ovins qui peuplent toute la commune du matin au soir. Les cités, malgré le changement de noms, continuent à porter les anciennes appellations comme l’UV1, l’UV2, l’UV3, l’UV4 ou l’UV4/5. Il y a également les cités de Hajjar Eddiss, El Guantara, Derradji Redjem…
Le passage à la gestion civile de la cité, pour ne pas dire le basculement d’une gestion qui a considéré le bien-être des habitants, comme une donnée essentielle dans la marche des ateliers, a entraîné la ville dans l’inconnu. Qu’est-il resté de ces jardins d’enfants, de ces dispensaires médicaux, de cette future clinique, de ce marché…Un souk el fellah a été transformé en CEM, la clinique accueille les services de l’APC… On a cherché à caser l’administration en urgence.
C’est de ces année-là que Sidi Amar a commencé sa descente en enfer. L’improvisation a été une méthode de travail attitrée. A qui la faute, est-on tenté de fulminer? On peut se rejeter la faute en fustigeant le simple citoyen. A cet effet, il est connu de tous le comportement de nos dirigeants qui se déchargent de leurs responsabilités sur le dos des autres, en cherchant, cependant, à profiter des bienfaits rattachés aux postes de responsabilité.
On peut dire que l’environnement est l’affaire de tous, mais la responsabilité incombe d’abord aux seuls dirigeants aussi bien les administrateurs que les politiques qui n’ont aucun droit à continuer à se cacher derrière le manque d’éducation de leurs administrés. On est tenté de dire que l’une des principales préoccupations de ceux qui dirigent est de montrer un visage qui ne reflète nullement la réalité de la ville lors des visites ministérielles.
Le peu de végétations qui existent est abandonné par le goudronnage de certains espaces ou par l’aménagement de semblants de périmètres qui doivent, semble-t-il, héberger des «œuvres d’art». Où est donc l’intérêt public?
Quel effet peut avoir un article de presse sur un sujet aussi important dans la vie d’une cité? La colère des responsables? La satisfaction des habitants de voir qu’on parle de leur problème? Sans aucun doute qu’un article sur la saleté et le désordre régnant dans une grande ville peut heurter les responsables, seulement Sidi Amar est-elle la seule ville qui se prélasse dans ces situations qui laissent à désirer!
Que peut représenter le désordre et la saleté dans un système de gestion qui se respecte? A une question posée à un grand capitaine d’industrie américain sur sa capacité à contrôler ses dizaines d’entreprises, il y a eu cette réponse : «Moi, quand je visite mes usines, je regarde en premier lieu si elles sont sales. La saleté et le désordre sont la caractéristique fondamentale de la mauvaise gestion».
Alors, qu’est ce qui pourrait être dit sur notre système de gestion au vu de ce qui existe dans nos villes, administrations…? Constatons, néanmoins, que le fond de cet article n’est pas différent de ce qui a été écrit auparavant sur Sidi Amar, à savoir que la saleté reste le dénominateur commun de cette commune industrielle.
Par : OULHASSI Mohamed