De notre envoyé spécial en Tunisie : Mustapha Bendjama
Depuis l’annonce de la réouverture des frontières terrestres algéro-tunisiennes, faite par le président de la République Abdelmadjid Tebboune et son homologue tunisien, en visite à Alger pour les festivités de la cérémonie de célébration du 60e anniversaire de l’indépendance, un grand nombre d’Algériens et de Tunisiens ont commencé à se préparer pour voyager chez le voisin.
Pour constater la qualité des conditions de transit au niveau des frontières mais aussi celles de l’accueil chez le voisin de l’Est, nous avons fait le déplacement à Oum Teboul avant de traverser la frontière pour entrer en Tunisie.
Un rush éphémère
Il était 23h30 ce jeudi 14 juillet, et des centaines, voire des milliers de véhicules étaient déjà stationnés devant le poste frontalier d’Oum Teboul, attendant l’ouverture à minuit. Des milliers d’Algériens voulaient être parmi les tous premiers à franchir cette frontière fermée depuis près de 28 mois. Tous avaient la même idée en tête : arriver parmi les premiers afin d’éviter toute sorte de problèmes liés à l’encombrement au niveau des guichets de la police aux frontières (PAF) et des douanes. La nuit était « longue et rude », selon les témoignages de plusieurs policiers interrogés.
Mais grâce aux moyens humains, matériels et techniques mis en place, les différents services de contrôles des voyageurs des deux côtés des frontières ont su relever le défi, en évitant que l’attente des voyageurs soit trop longue. Parmi les mesures prises côté algérien, la mise en place de barrages filtrants à près de 5 kilomètres du poste frontalier d’Oum T’boul.
« N’oubliez pas votre pass sanitaire ! »
L’objectif étant de vérifier en amont les documents de voyage et surtout le pass vaccinal et/ou le test PCR négatif de moins de 48 heures. Beaucoup de nos concitoyens ignoraient que le pass vaccinal ou à défaut un test PCR négatif de moins de 48 heures étaient indispensables pour traverser de l’autre côté des frontières. Certains avaient ramené leur carton de vaccination anti-covid, mais ledit document n’est pas reconnu, et le pass vaccinal sur lequel on trouve un QR code ne peut être remplacé que par un test PCR négatif de moins de 48 heures. En outre, la date de la dernière dose reçue doit être inférieure à neuf mois, sinon le pass vaccinal serait obsolète. Des informations que beaucoup d’aspirants voyageurs ignoraient.
Les véhicules avec à leur bord des voyageurs sans ces précieux sésames étaient invités à rebrousser chemin sur le champ évitant ainsi la création d’embouteillages au niveau du poste frontalier. Une méthode qui s’est avéré très efficace, compte tenu du nombre important de voitures qui avaient été appelées à faire marche arrière. Mais les résultats étaient là. Une fluidité déconcertante au niveau du poste frontalier. Mais il faut dire aussi qu’hormis le rush de minuit, la journée de vendredi a été marquée par un calme plat à Oum Teboul. La majorité des guichets de la PAF étaient complètement vide vers 11h30. Même chose pour les douaniers. « J’ai rarement assisté à une telle fluidité au niveau de ce poste frontalier. D’habitude ça prend beaucoup plus de temps que ça. J’espère que ce n’est juste pour les premiers jours seulement », nous a confié Azzedine, un fraudeur de la ligne Annaba-Tunis.
Les « clandestins » reprennent… difficilement
Principal moyen de transport en commun entre la Tunisie et l’Algérie, les clandestins éteint au rendez-vous ce vendredi à partir de 3h00 du matin. Stationnés près de la gare ferroviaire d’Annaba, plusieurs « fraudeurs » s’attendaient à remplir très rapidement et démarrer aussitôt. Mais la reprise n’était pas comme ils s’y attendaient. Ce n’est qu’à 8h30 que le premier des fraudeurs à avoir trouvé quatre clients a pu démarrer. « On ne s’attendait vraiment pas à ça. J’étais plus que certain que j’allais trouver 4 quatre clients en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Finalement c’était vraiment la galère », témoigne un autre fraudeur de la même ligne.
Accueil « chaleureux »
Il suffit de dépasser e côté algérien des frontières pour trouver de nombreuses banderoles sur lesquels on peut lire « bienvenue à nos frères Algériens ». Ces même en dépassant les frontières, ces banderoles sont largement répandus et affichés au niveau de Tabarka, où l’on peut constater plusieurs véhicules immatriculés en Algérie garés devant des cafétérias, des hôtels et des restaurants. L’accueil se veut « chaleureux ». A Tunis, un véhicule d’Algériens grille un feu rouge. Le policier en faction ne rate pas l’action et arrête les 5 algériens à bord de la voiture immatriculée 23. Mais l’agent de l’ordre se montre compréhensif : « le feu n’était pas très visible, et vous n’êtes pas du coin. Mais la prochaine fois soyez plus attentifs », lance le policier tunisien avant de poursuivre « vous voyez, nous on a toujours été correct avec vous. Mais vous, vous n’arrêtez pas de nous attaquer, de nous insulter sur les réseaux sociaux. Consultez Facebook. Vous allez voir que ce que je dis est vrai ». « A cause de ces attaques sur Facebook, beaucoup de choses vont changer et plus rien ne sera comme avant », prévient le jeune policier. Les Algériens tentent tout de même d’expliquer que ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux ne représentent aucunement l’Algérie ou les Algériens. « C’est des faux profils crées par une armée de trolls marocains et sionistes pour tenter d’allumer la fitna entre nos deux pays frère », explique le chauffeur au policier, et d’ajouter « nous sommes frères et ils n’arriveront jamais à nous diviser »
Installés sur l’une des cafétérias en terrasse de l’avenue Habib Bourguiba, deux femmes tentent de commander, mais le serveur visiblement dépassé par le nombre de clients attablés, n’a pas remarqué la main levée des deux clientes et est allé servir deux clients algériens. Les deux Tunisiennes s’énervent un peu. « On est invisibles ? On ne mérite pas d’être servies ou bien vous préféré privilégier les Algériens ». Voyant qu’il y a de l’électricité dans l’air, le serveur tente de calmer habilement le jeu. « Les Algériens sont meilleurs que les Tunisiens ! » lance-t-il pour narguer les deux clientes tout en flattant des deux jeunes hommes. « Les Algériens ne prennent pas la fuite après avoir consommé, contrairement à un grand nombre de Tunisiens qui attendent que j’ai le dos tourné pour quitter les lieux sans payer. Les Algériens sont plus généreux sur les pourboires aussi ! » lance-t-il à l’adresse des deux Algériens en souriant. Pour la première journée, l’ouverture des frontière semble faire beaucoup d’heureux des deux côtés, mais pas que…