Le transport intercommunal dans la wilaya d’Annaba fait face à de nombreux dysfonctionnements, qu’il s’agisse de la qualité des services, des horaires ou encore de la disponibilité des moyens de transport. Ces lacunes ont ouvert la voie à l’émergence des chauffeurs clandestins, un phénomène que la Sûreté de wilaya combat activement. Cependant, cette répression soulève une question cruciale : en l’absence d’une alternative adéquate dans le transport public, l’application de la loi se fait-elle au détriment des citoyens ?
Avant-hier, vers 20h, une scène significative s’est déroulée près du rond-point Nouri Hacène, communément appelé El Hattab, précisément sur la rue Riad El Solh, face à la station des taxis de la cité Safsaf. Cet emplacement, ainsi qu’un autre au niveau de Max Marchand, est connu comme un point de rassemblement des taxis clandestins. C’est là qu’une Unité de la compagnie d’intervention rapide, stationnée quotidiennement dans la zone, a procédé à des contrôles de papiers et à des sanctions à l’encontre de ces chauffeurs illégaux.
Les riverains et passants présents ont été nombreux à exprimer leur mécontentement face à cette opération. «Si ces taxis clandestins sont arrêtés, comment allons-nous rentrer chez nous?», se sont interrogés plusieurs d’entre eux. Cette question reflète un problème bien plus large et complexe: dans la ville d’Annaba, les bus intercommunaux cessent leur service à 18h, et les taxis officiels, bien que disponibles, deviennent rares dès 19h. Vers 20h, la quasi-totalité des taxis disparaît, les chauffeurs ayant préféré rentrer chez eux après avoir terminé leur journée, sans qu’un système de permanence ne soit mis en place.
Les habitants se retrouvent ainsi dans une situation critique, notamment ceux qui travaillent de nuit ou rentrent tard du travail. Pour beaucoup, les taxis clandestins constituent la seule option disponible pour rejoindre leurs domiciles après les horaires habituels de transport. «La police nous demande de respecter la loi. Mais, comment fait-on quand aucune solution légale n’existe pour nous déplacer?», s’indigne un usager bloqué.
Cette situation met en lumière un manque de coordination flagrant entre les différents services concernés. Alors que la police applique la réglementation, aucune réponse concrète n’est apportée par la direction des Transports pour pallier les insuffisances du service public.
Le phénomène des taxis clandestins, bien que critiqué pour son illégalité, répond à un besoin réel et non satisfait. Ces chauffeurs comblent les lacunes laissées par un réseau de transport public insuffisant, particulièrement en soirée. Si les autorités souhaitent véritablement enrayer ce phénomène, elles doivent d’abord s’atteler à renforcer les infrastructures de transport public, prolonger les horaires de service, et instaurer un système de rotation pour les taxis.
Sans une telle réforme, les opérations de répression continueront à alimenter la frustration des citoyens. Car, au-delà des arrestations et des amendes, c’est une question de mobilité, d’accès et de droit fondamental à un service public efficace qui se pose.
Le défi est clair : il ne s’agit pas seulement d’appliquer la loi, mais de s’assurer qu’elle ne creuse pas davantage le fossé entre les attentes des citoyens et les réalités du terrain.
Par : Mahdi AMA