Par : Azzouz Rayene*
L’endométriose, une maladie gynécologique chronique mal connue pourtant très fréquente et qui peut être à l’origine d’une infertilité ; on estime qu’une femme sur dix en souffre, soit 190 millions de femmes, et que plus de 40% des jeunes femmes qui consultent pour une difficulté de tomber enceinte sont atteintes d’une endométriose.
Pr Mourad Derguini. Chef de service de gynécologie à l’hôpital de Kouba et président de la Société algérienne d’étude et de recherche sur la ménopause déclare : « 50% des femmes infertiles souffrent de l’endométriose ».
Qu’est-ce que c’est ?
L’endométriose se définit par la présence anormale de tissu utérin (endomètre) en dehors de la cavité utérine. Ce tissu se trouve implanté au niveau de différents organes comme le péritoine (membrane qui tapisse la cavité abdominale et ses organes), les ligaments utérins, l’espace séparant le vagin du rectum, la vessie et voir même le foie ou les reins… En plus des ovaires et des trompes de Fallope « sorte de canaux qui relient les ovaires à l’utérus » qui restent la localisation la plus redoutée de cette maladie à cause de son retentissement majeur sur la fertilité.
Au moment des règles, ce tissu pathologique, sous l’influence des hormones et notamment les œstrogènes, se comporte exactement comme l’endomètre va s’épaissir et saigner en dehors de l’utérus, ce sang ne pouvant pas être évacué naturellement comme les règles provoque une inflammation. Cette dernière est principalement à l’origine d’une douleur intense en plus d’autres lésions telles que des nodules, des kystes ainsi que la formation de cicatrices fibreuses et d’adhérences accolant les organes avoisinants entre eux, entravant par exemple une grossesse normale.
D’où ça vient ?
C’est une maladie complexe d’origines méconnues. Toutefois, plusieurs hypothèses ont été formulées, l’une des principales est l’hypothèse du reflux menstruel, on suggère que lorsque l’utérus se contracte pour évacuer le sang des règles, une partie de celui-ci peut refluer vers les trompes et parvenir dans la cavité abdominale transportant ainsi des cellules dotées d’un pouvoir prolifératif, ces dernières vont se greffer et former un tissu endométriosique. D’autres hypothèses expliquant l’existence de ces cellules en dehors de l’utérus comme la métastase ou la métaplasie sont moins soutenues.
Des facteurs de susceptibilité existent surement notamment des facteurs génétiques. Les chercheurs de l’INSERM ont identifié un gène dont la présence impliquerait un risque sept fois plus important de développer la maladie. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’une fille sera forcément endométriosique parce que sa mère l’est. Des facteurs hormonaux et des contaminants environnementaux sont également incriminés.
Symptômes et traitement :
Quelques fois asymptomatique, l’endométriose est très souvent responsable de douleurs pelviennes chroniques parfois très sévères surtout au moment des règles (qui peuvent être très abondantes d’ailleurs), associées à une fatigue, des nausées, une angoisse, des douleurs à la défécation ou la miction lorsque l’endomètre est implanté sur le rectum ou la vessie et fréquemment malheureusement, à des troubles de la fertilité.
En absence d’une solution radicale, le traitement reste symptomatique, c’est à dire soulager la patiente et non la guérir. Ce traitement consiste en des médicaments ou une intervention chirurgicale, les premiers peuvent être des anti-inflammatoires et des antalgiques ainsi que des pilules contraceptives prises en continu sans interruption afin de bloquer le cycle menstruel. Une chirurgie est plus rarement préconisée, elle est pratiquée dans le but d’éliminer les amas de tissu pathologique ainsi que toutes les lésions qu’il a engendré. En revanche, des lésions peuvent réapparaître après avoir été éliminées et les symptômes récidivent dans ce cas. Il faut noter qu’une grossesse soulagera les symptômes de l’endométriose.
Des troubles d’infertilité et pas une stérilité :
Tenant compte de la nature de notre société et la stigmatisation des femmes jugées incapables d’enfanter, il est plus que primordiale de faire la part des choses entre stérilité et infertilité. Ceci dit, l’endométriose entraîne dans quelques cas (et pas tous) une difficulté à concevoir un enfant mais cela reste toutefois possible. À l’inverse d’une stérilité qui est définie par une impossibilité totale de reproduction.
Il existe plusieurs traitements possibles résolvant ce problème, parmi lesquels : l’élimination de l’endométriose par chirurgie coelioscopique (à l’aide d’une caméra) ou laparoscopie (à ciel ouvert), la stimulation ovarienne au moyen de l’insémination intra-utérine (IIU), ou la fécondation in vitro (FIV) ; heureusement leur taux de réussite est relativement élevé.
Le médecin spécialiste, et selon le type et le stade de la maladie, est le seul capable de choisir parmi ces techniques laquelle est la plus appropriée pour sa patiente.
L’importance d’un diagnostic précoce :
Bien qu’elle soit de plus en plus fréquente en Algérie, l’endométriose reste méconnue et sous-diagnostiquée, faisant rentrer beaucoup de femmes surtout celles désirant une grossesse dans une longue errance médicale. Malgré cela, de grands progrès restent à souligner. On observe une prise de conscience, aussi bien par le monde médical que par le grand public.
En conclusion, il faut insister sur l’importance d’un diagnostic précoce, pour alléger les symptômes, ralentir ou stopper la progression naturelle de la maladie et limiter d’une part les dégâts physiques (qui peuvent être à l’origine d’une infertilité) et de l’autre, les dégâts psychologiques, particulièrement l’angoisse et le désespoir chez une femme voulant devenir maman.