Après avoir édité plusieurs ouvrages sur le septième art, Abdelkrim Kadri, critique de cinéma annabi, de renommée internationale, vient de sortir son premier roman intitulé « Une seule valise ne suffit pas » édité en Algérie chez Dammah Publishing, en collaboration avec les éditions RACHM en Arabie saoudite. Dans cet entretien accordé à Le provincial, Abdelkrim Kadri revient sur cette première expérience et explique son envie de faire un long parcours dans ce genre littéraire.
Le Provincial : Vous avez précédemment sorti plusieurs livres sur le cinéma et de nombreux articles dans la presse spécialisée arabe, en votre qualité de critique de cinéma, vous êtes aussi juré dans plusieurs festivals de films en Algérie et dans le monde arabe. Vous nous avez surpris avec ce premier roman. Comment avez-vous basculé vers ce genre littéraire ? Est-ce vous comptez faire carrière dans l’écriture du roman ?
Le roman est mon premier « projet-reporté », j’étais un peu réticent toutes ces années car je voulais faire un travail de qualité. Je suis un féru de livres depuis ma jeunesse. J’ai lu les classiques, littérature mondiale, algérienne, arabe…etc. Dostoïevski, Mark Twain, Najib Mahfouz, Boudjedra, Ouettar, je n’ai rien laissé passer. Je voulais que mon roman donne un plus à ce qui existe déjà. Pas simple du tout car, pour moi, le roman incarne la créativité de son auteur. Je ne pouvais entamer cette aventure sans avoir construit un cadre référentiel solide. Le doute m’a toujours hanté, jusqu’à ce que les comités de lectures des deux maisons d’éditions prestigieuses chargées d’éditer « Une seule valise ne suffit pas » aient validé mon travail. C’est une expérience qui vient relativement en retard, mais c’est certainement le début d’un long parcours.
Le Provincial : Les évènements de « Une seule valise ne suffit pas » se déroulant la veille de l’indépendance, pourquoi avez-vous choisi cette période, sachant que plusieurs auteurs algériens ont aussi évoqué l’Algérie colonisée.
Il y a des dizaines ou des centaines de romans sur l’Algérie entre (1830 -1962), mais rares sont ceux qui racontent le colon « ordinaire », celui qui n’avait rien à voir avec les décisions politiques. Cette catégorie est très souvent diabolisée par les auteurs alors que ce sont des gens normaux, ils étaient attachés à leur terres tant ils sont nés et ont vécu en Algérie. La voix du colon instituteur, marchant, mécanicien, a été étouffée des romans d’auteurs algériens. Ils étaient plus de 1 million 200 milles. Les travaux existants sont rares, je peux citer le roman de Yasmina Khadra « Ce que le jour doit à la nuit ». Tous les colons ont été mis dans le même sac. J’ai voulu écouter le battement de leur cœur, leur façon de réfléchir, je voulais rapporter leurs cauchemars et soucis. Je raconte l’histoire d’un instituteur en philo au lycée Saint Augustin à Bône, menacé par l’OAS dans le but de rejoindre ses rangs pour saboter le référendum pour l’indépendance de l’Algérie. Il était tellement attaché à ses terres qu’il avait décidé, par rapport au résultat du référendum, de devenir Algérien si l’Algérie obtenait l’indépendance et Français le cas contraire. Il a fini par prendre la fuite par bateau comme des milliers de pieds noirs. J’ai donc rapporté le déracinement subi.
Le Provincial : Les évènements se passent à Annaba, quel message avez-vous envie de transmettre à travers cette histoire ?
J’ai voulu à travers ce roman faire l’éloge de ma ville. Décrire ses rues, placettes, bâtisses. J’ai évoqué le respect qu’avait Jack pour sa ville, tout en rappelant le patrimoine colonial laissé et combien ces endroits contribuaient à la beauté d’Annaba. Il y a nécessité de préserver ces lieux d’une extrême beauté architecturale. Je voudrais que chaque citoyen annabi aime et respecte Annaba autant que le personnage de mon roman. Le colon a contribué à sa beauté architecturale. Les hôpitaux de la ville, placettes, bâtiments, les espaces verts …etc. je rapporte aussi des évènements historiques dans ce livre, mais ce n’est pas un roman historique.
Le Provincial : Quels sont vos prochains projets ?
J’ai plusieurs projets, dont des études sur la critique cinématographique. C’est un domaine qui me passionne. D’ailleurs, dans mon roman, Jack était cinéphile et critique de cinéma. J’ai mis les outils de la critique cinéma au service de mon roman. J’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Par ailleurs, je poursuis mes articles dans la presse spécialisée dans la culture, l’art et j’écris aussi sur le théâtre.
Par : Fatima Zohra Bouledroua