Par : M. Rahmani
C’est une campagne électorale qui n’arrive pas vraiment à intéresser les citoyens et encore moins mobiliser et ce, plus d’une semaine après son lancement officiel malgré les interventions des candidats, les soi-disant contacts de proximité et les meetings qui ne drainent plus les foules comme avant.
En effet, on est loin de ces foules qui se bousculaient pour assister à telle ou telle intervention d’un homme politique en vue ou une personnalité nationale mobilisée pour l’occasion. Ces fêtes qu’on avait l’habitude de voir et ces rassemblements hauts en couleur ont disparu du paysage laissant la place à une morosité et une indifférence sans précédent, surtout qu’il s’agit d’élections cruciales pour l’avenir du pays du fait d’une législature dont l’importance est vitale en ces temps de double crise sanitaire et économique.
Désaffection et désintérêt des citoyens
Ce désintérêt et cette désaffection pour la chose politique n’est pas fortuit et est l’expression d’un désaveu de tous ceux qui prétendent à la fonction de député siégeant au sein de l’auguste assemblée. Le citoyen échaudé et blasé parce qu’ayant été dupé à plusieurs reprises par des discours encenseurs et mirobolants faisant miroiter un avenir brillant pour les populations démunies et pour ceux qui croient vraiment en ce pays, n’y croit plus et met tout le monde sans exception aucune dans le même « panier ».
Le vieux parti se rebiffe et passe à l’attaque
L’on se remémore, il n’y a pas si longtemps, Abou El Fadl Baadji, nouveau patron du FLN, toute honte bue, discourant dans une des localités du Sud du pays promettant de transformer la région à l’image de Dubaï. Ce qui avait alors amené la réaction d’un citoyen qui avait rétorqué que le FLN est aux commandes depuis l’indépendance, il avait plus de 50 ans pour le faire et il ne l’a pas fait, comment cela se fait-il qu’il peut être en mesure de le faire en 5 ans ? Une remarque qui avait cloué le bec à tous ceux qui soutiennent le vieux parti.
Le patron du FLN qui est en perte de vitesse récidive et veut mettre en avant sa formation en s’attaquant aux autres partis, c’est le cas notamment d’El Bina et son chef Bengrina qui a essuyé le courroux de Baadji. En effet, ce dernier a rapporté que les candidats de ce parti ont été des cadres du FLN et que cette formation n’a pas de programme, c’est un parti satellite qui gravite autour de l’internationale islamiste, représentée par les Frères Musulmans.
Un électorat blasé et difficile à convaincre
Mais ces querelles de clocher n’intéressent pas le citoyen algérien qui n’est plus aussi malléable et manipulable à souhait comme il l’avait été avant, bien au contraire, il est devenu plus difficile à convaincre car ne croyant plus en personne et n’est pas près de se faire avoir comme cela avait été le cas durant les précédentes législatives. La chute du régime Bouteflika a mis à nu toutes les pratiques mafieuses de certains hommes politiques et de personnalités qui soutenaient cette gestion catastrophique du pays qui a abouti à une déliquescence de l’Etat algérien malmené pendant des décennies, a fini par achever le semblant de confiance du citoyen qui subsistait encore.
Un sabordage et une sorte de hara-kiri à l’Algérienne qui se sont manifestés par un rejet total de la classe politique qui s’est donnée à fond au plus fort du moment et prête encore à servir celui ou ceux qui prendront la relève quelle que soit leur appartenance ou obédience, l’essentiel est qu’ils restent toujours dans le giron du pouvoir non pas pour servir mais plutôt pour se servir comme d’habitude.
Et donc, cette désaffection des citoyens pour ces élections n’est pas le fait d’une colère passagère ou d’une quelconque décision politique qui n’a pas été digérée et qui a été rejetée par la majorité de la population, c’est plutôt l’accumulation de toutes ces manipulations, ces mensonges et ces discours spécieux, ces détournements et ces vols, ces corruptions qui ont gangréné l’Etat et qui ont manqué de le terrasser, n’était ce sursaut salvateur qui a évacué toute cette racaille.
Les risques et les dangers du boycott
Mais cette désaffection, ce désintérêt et ce boycott qui pourraient s’exprimer le jour des élections n’est pas sans risques et peut avoir un effet boomerang qui plongerait encore le pays dans une instabilité politique et une zone de turbulences dont l’issue est incertaine.
En effet, les partis islamistes à l’instar d’El Bina de Bengrina, d’El Adala de Djaballah et du MSP de Makri se sont sentis pousser des ailes et se sont investis pleinement dans cette bataille sans réel adversaire, car les quelques petits partis font juste semblant et les indépendants sans expérience et sans moyens ne suscitent aucune crainte.
Ces partis se voient déjà au pouvoir, présidant aux destinées de ce pays en partant à l’assaut de l’hémicycle qu’ils comptent conquérir coûte que coûte.
Makri se sent pousser des ailes
Ainsi, Makri, dopé par l’absence de partis pouvant lui barrer la route, se dit prêt à diriger le gouvernement ! Rien que cela !
La nature ayant horreur du vide, il fallait bien que quelqu’un prenne cette place et lui se voit déjà l’occupant officiant au gouvernement et soutenu par une assemblée d’obédience islamiste.
Il faut dire que Makri n’a pas tout à fait tort car cette désaffection et cette indifférence jouent le jeu des islamistes qui, eux, mobilisent leurs militants et sympathisants pour gagner ces élections qu’on dit propres et honnêtes pour une fois.
Ce scénario peut se réaliser au vu de la situation actuelle et les islamistes pourront dans ce cas accéder au pouvoir en ayant la majorité dans l’auguste assemblée. Ce qui aura certainement de lourdes conséquences sur les libertés individuelles et collectives avec un projet de société des plus restrictifs.
Un sursaut citoyen est-il possible ?
Et donc, à moins d’un sursaut salvateur qui verrait les citoyens se déplacer en masse, voter pour les indépendants et les autres formations en lice et ainsi barrer la route aux islamistes, le pays ne verra pas le bout du tunnel et s’enfoncera encore plus.