Commissaire de la 7e édition du Festival Culturel National de la Production Théâtrale Féminine de Annaba, qui se déroulera du 13 au 18 février 2025, Rania Serouti n’a eu de cesse de réfléchir à l’importance de la culture, soucieuse de mettre en lumière, le rôle et… la place des femmes dans le théâtre algérien.
De passage à Annaba dans le cadre de la préparation du festival la comédienne qui est aussi la directrice de la Maison de la culture Rachid Mimouni de Boumerdès nous a fait l’amitié de nous accorder un entretien. Ce festival, la comédienne le porte avec une force magnétique, et le défend en interview avec passion. Comment pourrait-il en être autrement, puisque pour elle, le théâtre a toujours été une passion ? Rencontre.
En deux mots…
Artiste aux multiples talents, Rania Serouti s’impose comme une figure incontournable du paysage audiovisuel algérien. Après des études en sciences politiques et en relations internationales, elle s’est lancée avec succès,dans le monde de l’art, alliant rigueur académique et créativité. Sa carrière s’étend de la scène au cinéma en passant par la télévision, où elle a su se faire un nom.
Pour ses premiers pas devant la caméra, l’actrice en herbe devra se contenter de rôles secondaires. Rania Serouti a vite été repérée pour des rôles principaux. Rôles où elle incarne pourtant, une superbe promesse, face aux caméras. « Le prix d’un rêve », série réalisée par Hajj Rahim, et « Le Retour » du réalisateur Dahmane Ouzid, pour ne citer que ces deux rôles, lui ont valu d’être connue et reconnue autant par le public que par la profession. Son interprétation magistrale dans le film « Houria » de Mohamed Yargui lui a valu le prix de la meilleure interprétation féminine au « Golden Taghit » à Béchar en 2007.
Le 15 janvier 2025 était fixé dernier délai pour la réception des films proposés au festival. Où en est l’opération ?
Nous avons, reçu beaucoup de candidatures, mais après concertation avec l’équipe, nous avons décidé de prolonger le délai de remise des projets affin de donner une chance supplémentaire aux groupes retardataires. En dehors, de l’appel à projet, les théâtres nationaux et régionaux ont été invités.
Par contre, la toute première proposition venait de Tunisie. Malheureusement cette année on e peut pas ouvrir à tout le monde, parce que le festival est nationale mais nous devrions aller vers ça. En attendant, je suis contente cela indique qu’il y a un public derrière les frontières qui nous suit, qu’il y a une attente.
Où en est la préparation du festival ?
A J-30, nous travaillons sur la communication avec les médias, notamment. Le festival se déroule sous le haut patronage de Mr le ministre de la culture et sous l’égide de Mr la wali d’Annaba. Les préparatifs se poursuivent avec des rencontres avec les différents partenaires que ce soit au niveau national ou local. Actuellement, nous travaillons sur les fiches techniques. Il faut que tout soit minutieusement organisé.
Qu’est-ce qui marque cette édition 2025 du Festival
Pour 2025, le slogan va directement dans la vision du festival, « Evaluation consciente pour une création prometteuse est constante ». Cela signifie que l’on va évaluer tout le travail fait durant les précédentes éditions dont les trois premières ont été chapeautées par Sonia. Ensuite il y a eu 7 ans d’arrêt mais nous espérons que cela n’arrive plus. Nous essayons faire participer la femme pour qu’elle avoir un véritable rôle vecteur dans le théâtre. Je pense que c’est très bel objectif. On sait que la femme a toujours été présente dans le théâtre algérien. Mais il se trouve que cette participation reste tout de même assez timide. Cette « timidité » se ressent dans les postes de création. Les femmes encore sous-représentées sur les planches et en coulisses. L’accès aux directions artistiques demeure ardu pour elles. Elles ont moins de place sur les fauteuils de metteurs en scène, des chorégraphes sont encore trop absentes. Le festival se propose, à travers ses ateliers, destinées aux professionnelles, de trouver des pistes de solutions à travers un chantier de réflexion qui cherchera, jusqu’au 18 février, comment déployer les leaderships des femmes en théâtre.
Le festival est dédié à Nouria Kazdarli. Pourquoi elle ?
Le choix de Nouria Kazdarli (Paix à son âme), n’a pas vraiment besoin d’être argumenté. C’est une icône du théâtre. Soixante ans de carrière aux côtés de son époux. Elle a vécu les deux époques, avant et après l’indépendance. Elle a été une des premières femmes à monter sur les planches. Ce n’était pas facile. Ella a aussi contribué à l’introduction de l’arabe dialectal au théâtre par l’adaptation de textes, ce qu’on appelle dans le jargon du théâtre « la troisième langue.»
Qui seront les invités, parmi les grands noms du théâtre, du festival ?
Rire … Nous avons lancé quelques invitations, je n’en dirais rien pour le moment mais il y aura du monde sur le tapis rouge.
Dans le programme du festival, des formations sont programmées. A qui sont-elles destinées et par seront-elles animées ?
Effectivement, nous avons programmé deux ateliers, écriture dramatique et réalisation. Et c’est ce qui nous différencie des autres manifestations au niveau national. Les ateliers seront destinés aux professionnels, mais aussi aux amateurs, porteurs de projet. Notre objectif est de former car nous pensons à l’avenir car nous espérions que ces personnes seront présentes à l’édition suivante. C’est une manière d’assurer la relève.
Est-ce le théâtre des femmes pour les femmes ?
Non sûrement pas. Les participants au festival concourent pour neuf prix, dont le meilleur rôle masculin. Les pièces de théâtre sont le reflet de la société dans une image esthétique. Les femmes ont leur vision de la société. On ne peut pas imaginer une société sans enfants, sans personnes âgées, sans hommes, sans femmes… On ne peut donc pas faire un festival de femmes pour les femmes. Penser ainsi c’est être complètement en décalage avec la société. Mais la femme doit être présente. Dans la société algérienne elle un rôle prépondérant, que ce soit dans l’éducation, dans l’économie, ou dans la politique. Mais, comme le dit le proverbe, que je n’aime pas d’ailleurs, « derrière chaque grand homme se cache une femme”, la femme algérienne est toujours derrière. Nous espérons qu’elle sorte enfin et qu’elle s’impose.
Un mot à Sonia Mekkiou….
Sonia était une grande dame et elle restera. C’est un exemple pour nous. Elle s’est battue pour qu’il y ait un théâtre féminin, pour qu’il y ait un théâtre tout court. Elle a donné sa vie au théâtre qu’elle aimait. Sonia, nous continuons ton combat avec Lynda Sellam. Lynda Sellam est la directrice artistique du festival, c’est une grande fidèle à Sonia, elle a toujours été à ses côtés dans cette aventure. C’est plus pour moi en tant que commissaire de ce festival mais c’est un honneur aussi de travailler avec des comédiens de la génération de Sonia et aussi celle d’après. J’en profite pour rendre hommage à toutes les comédiennes qui ont contribuées au théâtre avec une mention spéciale à Fouzia Aït El Hadj qui a fait beaucoup pour le théâtre et qui continue à le faire. Nous devons lui montrer notre reconnaissance de son vivant.
Propos recueillis par Aly D