Au fil des dernières semaines et avec la résurgence de cas de « variole du singe » enregistrés de par le monde, le web s’est emballé autour de la question et une floraison d’articles, de publications et de contenus en tout genre a été observée.
Malheureusement, dans les replis de ce tas phénoménal d’information paru sur un délai relativement court, beaucoup d’intox s’est immiscée risquant ainsi d’induire une opinion publique encore très déconcertée par la récente pandémie de Covid-19 en perdition.
Variole du singe : c’est quoi ?
L’orthopoxvirose simienne, aussi connue sous les noms de variole du singe ou Monkeypox est une maladie infectieuse causée par un virus de la même famille que celui responsable de la variole humaine expliquant ainsi certaines similitudes entre les deux. Contrairement à l’idée reçue qui court actuellement, Il ne s’agit pas d’une maladie nouvellement découverte, bien au contraire l’agent responsable a été isolé pour la première fois en 1958 au Danemark à partir des lésions d’une éruption généralisée survenue chez des macaques crabiers en captivité et depuis lors, il a été admis que le virus sévit comme endémie animale notamment dans les forêts ombrophiles d’Afrique centrale et occidentale. Bien qu’étant une maladie animale touchant principalement les rongeurs, le virus peut se transmettre à l’humain et causer un syndrome dont les manifestations cliniques sont analogues à celles de la variole humaine mais moins graves. En effet, le premier cas humain a été répertorié en 1970 en République démocratique du Congo « ex Zaïre ».
Épidémiologie et état des lieux en Mai 2022 !
Depuis sa découverte chez l’humain en 1970, plusieurs épidémies ont été enregistrées principalement en Afrique mais aussi dans d’autres régions du monde avec entre autres 300 à 400 cas répertoriés entre 1981 et 1988 en Afrique centrale et de l’ouest principalement sous formes de cas isolés, la république démocratique du Congo a été le pays le plus touché enregistrant le plus grand nombre d’épidémies connues et se de manière ponctuelle au fil des années. Bien que jusqu’au année 2010 la variole du singe a été considérée comme une maladie rare en Afrique, le nombre de cas suspects, probables ou confirmés a été multiplié par dix avec notamment l’enregistrement en 2017 de pas moins de 3000 cas au Nigéria, en RDC et en république Centrafrique ce qui pourrait refléter une réelle flambée de la maladie et non pas juste une amélioration des systèmes de surveillance.
En ce qui concerne le reste du monde, la première épidémie hors d’Afrique a été enregistrée en 2003 aux États-Unis d’Amérique avec plus de 70 cas recensés, il a été observé que tous les cas ont été en contact avec un chien de prairie malade vraisemblablement logé préalablement avec des cricétomes des savanes et des loirs qui avaient été importés dans le pays en provenance du Ghana. D’autres cas ont aussi été répertorié chez des voyageurs en provenance du Nigéria en Israël en septembre 2018, au Royaume-Uni en septembre 2018, décembre 2019, mai 2021, à Singapour en mai 2019 et aux États-Unis d’Amérique en juillet et novembre 2021.
Concernant la récente flambée observée en Mai 2022, plusieurs cas ont été recensés dans des pays non endémiques avec 257 cas confirmés en laboratoire et près de 120 cas suspects principalement au Royaume-Uni, le Portugal, le Canada et l’Espagne mais aussi en Australie, au Moyen-Orient et aux États-Unis. Des études sont en cours pour mieux comprendre l’épidémiologie, les sources d’infection et les modes de transmission de cette flambée et c’est ce qui fait pour l’instant la spécificité de cette dernière comparée aux précédentes car en effet
Presque toutes les épidémies précédentes avaient pu être expliquées par l’import du virus via des vols venant d’Afrique, ou par une exposition directe à des animaux exotiques infectés (cas le plus fréquent).
Transmission et symptômes
La variole du singe se transmet à l’Homme principalement par contact avec les liquides biologiques, le sang, les muqueuses ou les lésions cutanées d’animaux infectés notamment les rongeurs. La transmission interhumaine, bien qu’elle nécessite un contact étroit, est également possible, par des gouttelettes respiratoires ou des lésions cutanées ainsi par les muqueuses ce qui fait suspecter la voie sexuelle.
Une fois transmis, le virus sera incubé dans l’organisme pendant 5 à 21 jours. A la fin de cette période asymptomatique, l’infection se manifeste par une fièvre (Température > 38°C), des adénopathies (des ganglions lymphatiques gonflés et palpables), une fatigue importante, des douleurs dorsales et musculaires ainsi que des maux de tête. Cinq jours après, s’installeront des éruptions cutanées, c’est à dire un changement de la couleur ou de la texture normale de la peau. Cette installation débute par le visage puis s’étend à d’autres parties du corps y compris les paumes des mains, les plantes des pieds et les muqueuses buccale et génitale , et évolue de manière cyclique commençant par des taches cutanées rougeâtres non palpables (macules), qui deviennent palpables par la suite (papules), puis remplies de liquide (vésicules) et de pus (pustules), jusqu’à la formation de croutes. Ces dernières une fois tombées ne présentent plus de risque de contagion.
Quelle prise en charge ?
Comme c’est une maladie très contagieuse, il faut d’abord isoler le malade pendant 3 semaines à compter de la date de début des symptômes, ne pas partager de vêtements, de literie ou de vaisselle entre personnes saines et malades, porter un masque chirurgical, éviter tout contact physique et proscrire tout rapport sexuel. Si le patient est un immunodéprimé, une femme enceinte ou un enfant, il est plus probable qu’il développe une forme grave et qu’il nécessite une hospitalisation.
Quant au traitement, il consiste à traiter les symptômes notamment la fièvre et les douleurs par du paracétamol sauf contre-indications. Les antihistaminiques peuvent être prescris pour prévenir le grattage des lésions en réduisant les démangeons et donc la surinfection par la même occasion. De plus, on conseille aux patients de couvrir ces lésions afin d’éviter la transmission virale. Le traitement curatif comprend des antiviraux qui peuvent être administrés par voie orale ou sous forme d’injections prescrites avec prudence et selon des indications bien précises. Ces derniers sont contre indiqués chez la femme enceinte, les jeunes enfants et les immunodéprimés, on opte alors pour l’injection d’immunoglobulines humaines anti-vaccine, ça veut dire l’injection d’anticorps anti-viraux produits et issus d’un organisme immunocompétent.
La vaccination contre la variole humaine offre une protection croisée contre la variole du singe estimée à 85% selon certaines études. De ce fait, Les sujets exposés au virus de Monkeypox, particulièrement le personnel soignant et les personnes habitant sous le même toit qu’un malade, peuvent bénéficier de ce vaccin qui reste actuellement recommandé malgré le fait qu’il n’est plus obligatoire depuis 1984 (ceci pourrait expliquer pourquoi on observe une transmission plus importante en Afrique après 1980, année de l’arrêt de la vaccination).
En conclusion, la recrudescence de cas de variole du singe observée en Mai 2022 est une réalité irréfutable. Néanmoins, les informations qui circulent actuellement sur le net sont à prendre avec des pincettes et à relativiser. En effet, à l’heure actuelle la communauté scientifique n’a pas le recul nécessaire ni assez d’informations pour tirer des conclusions quant aux causes de cette nouvelle flambé. Malheureusement, la récente pandémie du Covid-19 qui est encore ancrée dans l’esprit de la majorité et influence notre perception de ces « épidémies » et induit beaucoup en erreur. Mais, il faut retenir que la variole du singe est loin d’être une maladie inconnue ni une maladie gravissime et l’humanité n’est guère désarmée face à cette dernière.
Par : Ziari Zine Eddine Yassine , Zergui Meriem
Membre du Club scientifique Averroès Faculté de medicine Annaba*