Par : Tounsi Alla Eddine*
Avec l’avènement des réseaux sociaux et la place de plus en plus prépondérante que ces derniers occupent dans notre vie quotidienne, la matière médicale est devenue bien plus accessible qu’auparavant mais ceci au prix de la fiabilité du contenu et de ce fait cette démocratisation se révèle être préjudiciable à la santé publique.
Parsons -sociologue américain- souligne en 1951 le caractère asymétrique de la relation médecin-patient et présente le malade comme un acteur le plus souvent passif et toujours enclin à collaborer avec le médecin dans le but d’atteindre la guérison qui met fin à l’état social déviant dans lequel le plonge la maladie. Le médecin qui joue un rôle actif, est celui qui peut résoudre les problèmes du patient grâce à l’expertise qu’il a développé au travers de sa formation et en raison de son dévouement à l’intérêt général. Dans ce modèle paternaliste mais consensuel, le contrôle social exercé par la médecine est jugé bénéfique.
Cependant, à l’heure du numérique, la relation soignant-soigné a changé, plus de paternalisme et le patient est devenu partenaire du soin jouant un rôle plus actif. Et comme internet n’est plus la même aujourd’hui après l’avènement des réseaux sociaux, la donne a une nouvelle fois changée et on se pose désormais la question suivante : La médecine à la Facebook, info ou intox ?
UN VÉRITABLE DANGER ?
Le contenu médical sur les réseaux sociaux est devenu récemment un véritable danger pour la santé des patients et un élément perturbateur de la relation médecin-malade. Pour éclairer ceci, on va exposer certaines pratiques dangereuses qu’on retrouve tous sur notre fil d’actualité. On a d’abord les patients qui dès qu’ils quittent leur médecin, partagent leur ordonnance accompagnée d’un petit paragraphe exprimant leurs soucis de santé sur Facebook afin d’obtenir l’avis d’un public tellement aléatoire. Généralement, sous ces publications se glisseront plusieurs commentaires hasardeux jugeant la décision du médecin et suggérant la modification du traitement, son abandon ou pire encore et malheureusement assez fréquemment la recherche de la guérison auprès des charlatans. Et c’est sans surprise que beaucoup de ces patients verront leur maladie se compliquer et se retrouveront au pavillon des urgences dans un état critique engageant potentiellement leur pronostic vital ou dans le moins pire des cas, le passage de leur maladie à la chronicité.
Fait tout aussi important à citer, les influenceurs qui partagent leur quotidien avec leur « fidèle audience », un quotidien plein de publicités implicites et qui rentrent dans le cadre du marketing immoral pour des compléments alimentaires aux vertus surréalistes et mensongers, des produits pharmaceutiques à l’usage détourné et ces mêmes influenceurs deviennent eux-mêmes « médecin » et proposent des traitements personnalisés supposément fondés sur des bases scientifiques et cliniques à leur fanbase. Résultat de ces dérives : des diagnostics improvisés erronés qui mènent à l’automédication dont découlera des interactions médicamenteuses sources de complications, intoxications voire même la mort.
Aux débuts de la pandémie de la Covid-19, partager du contenu médical pour faire le buzz et faire le plein d’abonnés est devenu monnaie courante. Les réseaux se sont vus inondés de contenus vraisemblablement fondés sur la science et la médecine mais cependant trop souvent les gens omettaient de questionner la qualité des créateurs de contenu et oubliaient de vérifier la source de celui-ci ; Médecins spécialistes, généralistes, étudiants en médecine, infirmiers, ou carrément des personnages totalement étrangers au domaine médical ? Assez souvent, c’était des créateurs de contenu « sans les qualifications nécessaires » qui créaient le plus et avec la nature de l’algorithme de propagande et de polémique qui gouverne les réseaux sociaux, c’est ces derniers qui ont eu le plus de visibilité et c’est leurs informations qui ont eu le plus d’écho retenant ainsi l’attention du grand public malheureusement !
Les professionnels de la santé sont très critiques envers la qualité de l’information disponible en ligne et estiment que les patients qui se renseignent sur les réseaux sociaux sont généralement mal informés, exagérément inquiets et trop exigeants. Ils rapportent même que les démarches de recherche en ligne des patients allongent le temps de consultation et font peser de nouvelles responsabilités sur le corps médical qui doit clarifier ou corriger les informations inadéquates ou mal comprises, opération qui peut être assez exigeante.
UN BÉNÉFICE NON NÉGLIGEABLE ?
On entend souvent l’expression « Il vaut mieux prévenir que guérir » et on admet tous que c’est sur les différentes plateformes de réseaux sociaux qu’il faut agir pour toucher un maximum d’audience. Plusieurs organismes de santé ont choisi ce moyen pour lancer leurs campagnes de sensibilisation pour atteindre le plus d’individus possible afin de leurs apprendre à reconnaitre certains symptômes précoces annonciateurs de pathologies potentiellement graves, identifier des facteurs de risque qu’il conviendrait d’éliminer ou même leurs enseigner les gestes de premiers secours notamment.
La consultation de contenus émanant d’une personne crédible et qui fait partie du domaine médical sur les réseaux sociaux peut se révéler bénéfique pour le patient notamment en l’aidant à prévenir certains maux et à mieux vivre avec les soucis de santé auxquels il est confronté. Et c’est à cette condition que le médecin soignant accueille favorablement cette démarche et est ouvert à discuter l’information rapportée par le soigné lors de la consultation. Un patient mieux informé va jouer un rôle plus actif, ce qui va aboutir à une meilleure compréhension des options de traitement et aura comme finalité une prise de décision partagée.
Sans oublier une tendance récente et vraiment fructueuse, les groupes de discussion et de témoignage crées par des patients souffrants de maladies chroniques voire graves sur lesquels ils racontent leur expérience personnelle avec la maladie. Ces cercles ont une très grande importance et leurs bénéfices sont nombreux car ils permettent aux patients de se sentir entourés et compris, de parler au sein d’un espace bienveillant et attentionné, connaitre ses droits en tant que patients et trouver diverses ressources, etc.
Pour conclure, vous pouvez décrire les réseaux sociaux comme « un monde virtuel » mais soyez sûrs que ce dernier fait partie intégrante de notre vie réelle et qu’ils l’impactent sur tous les plans et la santé ne fait pas exception à cela. Cette dernière, étant un pan important de la société et revêtant une importance toute particulière, risque d’avoir des conséquences très néfastes si elle vient à être affectée, d’où l’intérêt de la règlementation et le control par l’état et les dirigeants de ses plateformes. L’information diffusée doit être prise au conditionnel et le médecin consultant reste la référence idéale.
Membre du Club scientifique Averroès Faculté de médecine d’Annaba*