Par : M. Rahmani
A chaque jour suffit sa peine comme on dit et, pendant ce mois de Ramadhan, ce sont plutôt des misères au quotidien qu’endurent les ménages pris dans un tourbillon de dépenses et de valses de prix qui ont pris des ailes. Dure a été donc cette première moitié de ce mois sacré où l’on s’adapte, bon gré mal gré, à ce rythme qui devient insupportable au fil des jours.
Hier, la journée a été dure, très dure même avec cette chaleur étouffante surtout pour ceux qui travaillent à l’extérieur sur les chantiers, un vent chaud et des poussières qui s’infiltrent s’ajoutant à cette soif qui taraude et qui est bien difficile à réprimer tant elle se manifeste avec insistance. L’eau, ce liquide anodin qu’on consomme tous les jours, devient aux yeux du jeûneur la meilleure boisson au monde, on en a tellement envie que même pendant les quelques minutes de sieste on en rêve et on se voit en train d’étancher sa soif pour se réveiller en sursaut croyant l’avoir fait dans la réalité.
Côté activité, c’est un ralentissement général qui est observé à Annaba avec un taux d’absentéisme qui a explosé ; que ce soit au niveau de l’administration ou des entreprises publiques ou privées, la situation est la même. On s’absente ou on arrive en retard pour repartir avant l’heure avec un rendement qui avoisine les 30 %. On se dit qu’on a fait sa journée pour rentrer épuiser chez soi et tomber de sommeil jusqu’à l’heure du F’tour.
Pour la consommation, c’est une frénésie qui s’est emparée des citoyens qui se sont rués dès le premier jour sur toutes sortes de produits. Le marché couvert, situé en plein centre-ville, est pris d’assaut par les ménagères et les pères de familles qui en sortent avec des sachets pleins les bras, tout heureux d’avoir pu acheter tout cela. Dans ces couffins ou sacs, on trouve de tout, de la viande aux fruits en passant par toutes sortes de légumes avec herbes fines et diouls, en plus des dattes qui trônent au-dessus comme une cerise sur le gâteau. Puis, on passe chez le pâtissier où là aussi on fait le plein, castel, babas, éclair, mille-feuille, tartelettes aux fruits, tout y passe avant de faire un saut chez le vendeur de Zlabia où on se prend son kilo avant de rentrer les bras chargés.
Au f’tour, on se retrouve avec une table bien garnie et une fois la Chorba consommée, on ne sait par où commencer, les aliments sont en abondance et c’est à peine si on y goûte, car on ne peut pas. Avant le f’tour, on se dit capable de tout avaler tant on a faim et on se dit qu’il vaut mieux acheter en quantité. Finalement, le tout ou partie trouve le chemin de la poubelle. Un gaspillage dû à des envies passagères mais qui est bien réel.
Après le F’tour, c’est la résurrection, la ville s’anime, la circulation augmente, les cafés sont bondés, le Cours de La Révolution, cœur battant de la Coquette est noir de monde ; on s’y attable pour consommer des glaces ou déguster des kalb Ellouz en compagnie de ses amis pour ensuite faire un tour du côté de la mer. Et là, ça grouille de monde, des soirées qui se prolongent jusqu’au S’hor où le silence prend le dessus jusque vers 9h30 du matin où la ville commence à se réveiller, nonchalante et fainéante. Il faut dire aussi que malgré tout, pénuries de certains produits, augmentation de prix, bousculades au niveau des marchés, disputes et autres altercations, somme toute sans gravité, Ramadhan, qu’on le veuille ou pas, a un charme particulier, il a ses cérémonials, ses us et coutumes, ses traditions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Certes, on est quelque peu contrarié par les problèmes qu’on vit pendant ce mois, mais à la fin on est récompensé par l’Aïd El Fitr où l’on se congratule et se félicite, où l’on se pardonne et s’embrasse et c’est ce qui fait que ce mois sacré marque toute une année.