Il y a quarante ans, le 15 janvier 1985, disparaissait l’infatigable militant Larbi Roula, plus connu à Jijel sous le nom de «Maître Roula». Cet instituteur, à la fois éducateur et fervent contestataire politique et syndical, a marqué sa ville natale et bien au-delà. Né à Jijel le 3 décembre 1902, il y a suivi ses premières études avant d’intégrer l’Ecole normale de Bouzaréa. En juin 1923, il est nommé dans l’enseignement indigène à Sidi Merouane (Mila), En 1930, alors qu’il est chargé d’école à Zouitna, dans l’actuelle commune de Chahna, il est nommé adjoint à Djidjelli (Jijel). Il a été, également, un pionnier dans le domaine de l’éducation.
Avec Mohamed Tahar Sahli, futur imam de la mosquée de Jijel, il a participé à la fondation de l’Association Les amis de l’instruction, en septembre 1934 et qui est demeurée active jusqu’en janvier 1940. Dr Abderahim Sekfali rapporte que, lors de l’assemblée générale constitutive, il a lancé un vibrant appel : «Venez à nous, adhérez aux Amis de l’instruction. En aidant cette association, vous aidez vos enfants, vous vous aidez vous-mêmes, car un enfant éclairé, n’oubliera jamais ce qu’un fils reconnaissant doit à ses parents.»
Dès ses débuts comme jeune instituteur, Larbi Roula s’est engagé dans des activités politiques et syndicales. Il a joué un rôle prépondérant aux côtés du syndicaliste communiste cégétiste, Clément Oculi, dans les mouvements de grève qui ont secoué la région entre 1936 et 1938. Clément Oculi, rappelons-le, a fait partie, par la suite, du commando des CDL (Combattants de la liberté) qui a participé à l’opération Maillot, au cours de laquelle un camion d’armes a été détourné vers le maquis, le 4 avril 1956. Les deux activistes sont poursuivis en justice.
En janvier 1937, Si Larbi a été condamné à trois mois de prison ferme et à une amende de 500 francs, une peine confirmée par la Cour d’appel d’Alger le 12 avril 1937, et le rejet de son pourvoi devant la Cour de cassation le 20 janvier 1938. Dans son ouvrage «Qui a tué Ben Boulaid, Les complications et les répercussions qui ont suivi sa mort» (Editions Dar El Houda), Messaoud Othmani évoque cette période en soulignant que, dans les années 1940, le colonisateur ne mesurait pas les «potentialités dont dispose l’homme dans la région des Aurès, notamment lorsqu’il a exilé des éléments nationalistes à Arris précisément. Parmi eux, je me souviens du militant Mahieddine Bekouche, du militant Larbi Roula, ainsi que de certains Tunisiens, en 1940.» Il a ajouté que «la pensée nationaliste ardente de ces militants dévoués à la cause nationale, s’est rapidement mêlée aux dispositions naturelles des habitants, renouvelant ainsi rapidement la vision de la vie politique. Cela a constitué le premier clou dans le cercueil de l’occupation. Ces deux figures nationalistes ont, alors, créé la première cellule».
Candidat malheureux aux élections pour remplacer Abderahmane Khellaf en 1947, puis à plusieurs reprises aux scrutins de l’Assemblée algérienne, il a poursuivi néanmoins son combat. Il s’est présenté aussi sans succès aux trois élections à l’Assemblée algérienne créée en septembre 1947, lors des scrutins d’avril 1948, février 1951 et février 1954. Il a connu deux internements au camp de Bossuet (Bel Abbes), une première fois dans les années 40, puis durant la Révolution. Il a été libéré en 1962. Larbi Roula est resté un opposant farouche au régime post-indépendance.
En 2007, l’universitaire Kamel-Eddine Benhamouda a décrit son parcours comme «riche et dramatique». Le regretté journaliste Abdelaziz Boubakir a souligné, quant à lui, dans un article sur Echourouk en 2014, qu’il répétait souvent : «Vous, les enfants des pauvres, n’avez que l’éducation pour réussir dans la vie.» Poursuivant son témoignage, le rédacteur des mémoires de Chadli Bendjedid dira que sur le plan politique, il a été un adversaire acharné de Boumediene, arpentant les rues de Jijel coiffé d’un fez portant l’inscription : «Dieu ne change pas la condition d’un peuple tant qu’ils ne changent pas ce qui est en eux-mêmes.»
Dans une lettre adressée à Ben Bella, il a déclaré : «Nous avons combattu la France, pas pour ton socialisme.» En octobre 2021, Dr Saâd Taâ de l’université de Tiaret, l’a qualifié de militant infatigable dans une étude publiée dans la revue Kadaya Tarikhia. Il a salué son combat acharné contre le colonialisme français et ses efforts éducatifs, qui ont marqué tant la période coloniale que l’Algérie indépendante.
Fodil S.