La viande d’agneau locale a tout bonnement disparu des étals des boucheries. Une raréfaction soudaine qui n’est pas due à une quelconque crise sanitaire ou logistique, mais à une logique mercantile assumée : les éleveurs tournent le dos aux abattoirs pour maximiser leurs profits à l’approche de l’Aïd el-Adha.
Plutôt que de céder leurs bêtes aux circuits formels de transformation, les éleveurs préfèrent vendre leurs moutons vivants directement aux particuliers. Ce choix, mû par une quête effrénée de rendement, s’explique par la flambée spectaculaire des prix du mouton local, atteignant des sommets rarement égalés. Un agneau d’un an peut désormais se négocier à plus de 100.000 DA sur les marchés. Dans ce contexte, les boucheries se trouvent privées de leur principale matière première, tandis que les abattoirs, pris à la gorge, ne peuvent rivaliser avec les marges colossales qu’offre la vente au détail.
Ce détournement des circuits traditionnels de la viande entraîne une double conséquence : une inflation rampante du prix de l’agneau transformé, lorsqu’il est encore disponible, et une désorganisation du marché local. La filière est ainsi court-circuitée par une logique de prédation économique où le souci du gain immédiat supplante toute considération d’équilibre ou de service public.
Les consommateurs, quant à eux, sont les premiers pénalisés par cette stratégie de rétention. L’offre locale, jadis synonyme de fraîcheur et de traçabilité, est sacrifiée sur l’autel de la spéculation saisonnière. En somme, la viande disparaît parce que les profits promis par la bête vivante dépassent de loin ceux, jugés dérisoires, de sa carcasse. La logique de marché s’impose avec une brutalité implacable, rendant les agneaux plus précieux vivants que morts.
Par : Mahdi AMA