Qui d’autre qu’un policier est le mieux placé pour parler des crimes et des enquêtes policières ? Depuis quelques années, de plus en plus de policiers prennent la plume pour écrire des romans noirs et des polars, inspirés parfois d’histoires réelles sur lesquelles ils ont enquêté. Hugues Pagan fait partie de cette catégorie de flics-écrivains.
Ancien policier, ancien prof de philo, auteur de romans noirs et scénariste, Hugues Pagan, le natif de Chlef revient en ce début d’année avec un nouveau roman. “Le carré des indigents” vient tout juste de paraître chez Rivages (05 janvier 2022), et met en scène son personnage fétiche, l’inspecteur principal Claude Schneider. Un roman qui se déroule en 1973, au début de la carrière de l’inspecteur. L’auteur a procédé à une sorte de rétropédalage, lui qui a commis une belle connerie littéraire en tuant son héros dès le premier roman (La mort dans une voiture solitaire, Fleuve noir, 1982). Une belle façon de rattraper le coup.
Coup de cœur de la semaine
Son premier roman, “La mort dans une voiture solitaire”, paraît en 1982, alors que “Dernière station avant l’autoroute”, primé par le Prix Mystère de la Critique, a été publié en 1997. Hugues Pagan s’éclipse de la scène littéraire pendant près de vingt ans durant pour se consacrer à l’écriture de scénarios pour séries TV. Police District est considérée comme une révolution de la série policière française.
Après cette sorte d’hibernation littéraire, Hugues Pagan reprend son personnage fétiche Schneider dans Profil Perdu (Rivages/Noir 2018), dont les évènements se situent en 1979.
Hugues Pagan poursuit sa remontée dans le temps avec le Carré des Indigents. Cette fois-ci, l’intrigue se déroule en 1973.
Le pitch
Novembre 1973. L’inspecteur principal Claude Schneider revient dans la ville de sa jeunesse après un passage par l’armée et la guerre d’Algérie dont il ne s’est pas remis. Il aurait pu rester à Paris et y faire carrière, mais il a préféré revenir « chez lui ». Nommé patron du Groupe criminel, il ne tarde pas à être confronté à une douloureuse affaire : Betty, la fille d’un modeste cheminot, n’est pas rentrée alors que la nuit est tombée depuis longtemps. Son père est convaincu qu’elle est morte. Schneider aussi. Schneider est flic, et pourtant, il n’arrive toujours pas à accepter la mort. Surtout celle d’une adolescente de quinze ans au visage de chaton ébouriffé. Faire la lumière sur cette affaire ne l’empêchera pas de demeurer au pays des ombres.
Un chef d’œuvre du genre
Je ne peux pas vous en dire plus sur cette affaire triste et banale, mais je peux vous dire que j’ai englouti les 450 pages de ce roman noir en un si peu de temps. Je dois reconnaître qu’une fois le nez dedans, il est difficile d’en sortir.
Une enquête bien ficelée, haletante et palpitante !
Un panel de personnages bien construit avec lesquels on finit par s’attacher, surtout Schneider, un flic pas ordinaire, un fantôme qui aurait la vie dure, hanté par l’ombre fugitive d’une femme aimée et perdue à jamais, un homme qui porte en lui le deuil d’un royaume oublié et d’un irrémédiable exil loin de son pays natal, l’Algérie…
La lecture est rythmée et l’auteur donne de la profondeur à ses intrigues. L’histoire s’assemble progressivement jusqu’à la divulgation finale. Classique.
La plume d’Hugues Pagan est littéraire, fine, incisive et fluide. Un très bon roman noir, d’une noirceur – plutôt une sombritude – authentique et enivrante.
Jusqu’à une date récente, Hugues Pagan faisait partie des auteurs dont les livres, depuis des années, me font comme un clin d’œil appuyé depuis les étals des librairies algéroises et pour lesquels, à chaque fois, je me dis à nouveau « ce sera pour une autre fois ». Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette première lecture donne envie de connaître un peu plus les romans d’Hugues Pagan et son personnage Claude Schneider. C’est tellement vrai que je me demande désormais si Hugues Pagan ne devrait pas figurer parmi les auteurs dont j’achète tous les livres et qui font déborder les étagères de ma bibliothèque.
Extraits
« Personne n’a envie de se retrouver chez les flics. Les types du Bunker avaient la réputation de cogner fort et sans beaucoup de retenue, surtout les effectifs en tenue du Corps urbain. Quelques-uns avaient sévi sous l’Occupation et étaient passés sans beaucoup de difficultés entre les gouttes de l’épuration. Nombre d’entre eux avaient ensuite pratiqué les délices de la guerre d’Algérie, à la bonne époque des ratonnades et des passages à tabac dans la salle de repos, au fond. Tout le monde le savait, de même qu’on n’ignorait pas que certains policiers en civil regrettaient amèrement qu’on ne pût plus pratiquer la baignoire, les bons vieux deuxièmes degrés musclés ou l’électricité comme au bon temps de la Carlingue. L’arrivée de l’inspecteur principal Schneider, ancien officier parachutiste, un dur notoire en provenance directe de la préfecture de police de Paris, avait été ainsi vue comme un bon présage. »
« Schneider semblait avoir baissé la garde. Pour lui, les choses étaient plus simples. Un père officier pilote en Angleterre et compagnon de la Libération, disparu présumé mort aux commandes de son appareil, dans le ciel d’Indochine un matin de fin 1953. Schneider s’était engagé volontaire en Algérie en 59, puis au retour il avait fait la faculté de droit et présenté le concours d’officier de police dans la foulée. Il avait appris son métier de flic dans une brigade territoriale parisienne des quartiers Est, la meilleure école de police judiciaire de France. »
Présentation de l’éditeur
Dans « Le Carré des indigents », nous retrouvons l’inspecteur principal Claude Schneider, protagoniste récurrent des romans d’Hugues Pagan. Nous sommes dans les années 1970, peu avant la mort de Pompidou et l’accession de Giscard au pouvoir. Schneider est un jeune officier de police judiciaire, il a travaillé à Paris et vient d’être muté dans une ville moyenne de l’Est de la France, une ville qu’il connaît bien. Dès sa prise de fonctions, un père éploré vient signaler la disparition de sa fille Betty, une adolescente sérieuse et sans histoires. Elle revenait de la bibliothèque sur son Solex, elle n’est jamais rentrée. Schneider a déjà l’intuition qu’elle est morte. De fait, le cadavre de la jeune fille est retrouvé peu après, atrocement mutilé au niveau de la gorge.
Bio express
Hugues Pagan est né à Chlef (ex-Orléansville) en Algérie. Après des études de philosophie et une brève carrière d’enseignant, il entre dans la police où il restera 25 ans. Il est l’auteur de nombreux romans noirs dont Dernière station avant l’autoroute, récompensé par le prix Mystère de la critique. Scénariste pour la télévision, il est le créateur de la série Police District qui a marqué le renouveau de la série policière française. Après Profil perdu, Pagan signe avec Le Carré des indigents l’un de ses livres les plus bouleversants.
Par : Par Rouchdi Berrahma