Alors que les relations entre la France et l’Algérie traversent une nouvelle période de crispation, le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a tenu à adopter un ton d’apaisement, s’éloignant de la ligne dure prônée par son prédécesseur, Bruno Retailleau. Dans un entretien accordé au Parisien, il a mis en garde contre « la méthode du bras de fer », estimant que « ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine ».
Le ministre a insisté sur la nécessité de renouer le dialogue avec Alger, tout en reconnaissant que « le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger ». Ses propos marquent un tournant rhétorique, dans un contexte où la France tente de réévaluer sa stratégie vis-à-vis de ses partenaires du Maghreb.
Une coopération migratoire totalement gelée
Depuis le printemps, la coopération migratoire entre Paris et Alger est quasiment à l’arrêt, provoquant des répercussions administratives et politiques importantes. « L’Algérie n’accepte plus ses ressortissants en situation irrégulière », a précisé Laurent Nuñez, regrettant le blocage complet des laissez-passer consulaires nécessaires à leur rapatriement. Ce gel de coopération a conduit à une chute notable des éloignements forcés : seuls 500 retours ont été enregistrés à fin octobre, contre 1400 sur la même période en 2024. Ce ralentissement a provoqué la saturation des centres de rétention administrative, où « 40 % des places sont occupées par des ressortissants algériens », selon le ministre. Il a également déploré la rupture des échanges entre les forces de sécurité des deux pays, notamment la police, la gendarmerie et les services de renseignement, alors même que ces coopérations étaient essentielles dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme.
Un contexte diplomatique tendu
La détérioration du dialogue bilatéral s’est accentuée à la suite de plusieurs crises successives, venues fragiliser un équilibre déjà précaire. L’un des points de rupture majeurs demeure la reconnaissance par Paris, à l’été 2024, d’un plan d’autonomie “sous souveraineté marocaine” pour le Sahara occidental, une position qui a profondément irrité Alger. S’y sont ajoutés l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, ainsi que celle en France de plusieurs influenceurs algériens accusés « d’incitation à la violence », incidents qui ont contribué à un climat de méfiance réciproque. La tension a atteint un sommet avec l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution du Rassemblement national visant à « dénoncer » l’accord migratoire franco-algérien du 27 décembre 1968, qui accorde un régime privilégié aux ressortissants algériens pour l’obtention de titres de séjour. Adopté à une voix près, ce texte, soutenu par la droite, a été perçu à Alger comme un nouveau signe de défiance politique.
Un appel à la reprise du dialogue
Souhaitant rompre avec cette logique d’affrontement, Laurent Nuñez se veut porteur d’un message d’ouverture et de dialogue. Il dit percevoir « des signaux positifs » venus d’Alger et affirme avoir été invité par son homologue algérien,( aucune source officielle algérienne n’a confirmé cette invitation) ce qui pourrait ouvrir la voie à une reprise graduelle des discussions bilatérales.
Pour le ministre, la France ne peut se permettre une rupture durable avec un partenaire aussi stratégique qu’Alger, notamment en matière de coopération sécuritaire, de lutte antiterroriste au Sahel et de gestion migratoire. Nuñez plaide donc pour un retour au pragmatisme et à la concertation, estimant que seule une approche basée sur la confiance mutuelle permettra de surmonter les blocages actuels.
Dans un contexte où les débats identitaires et politiques exacerbent les tensions, le ministre de l’Intérieur français tente de replacer la relation franco-algérienne dans une dynamique constructive, privilégiant la diplomatie du dialogue à celle de la confrontation. Une orientation prudente, mais jugée nécessaire, pour préserver une relation historique et stratégique entre les deux rives de la Méditerranée.
Par : S.A.B.












