Dans un paysage médiatique en pleine mutation, Visions d’Algérie affirme une ligne éditoriale exigeante, indépendante et profondément ancrée dans son temps. Porté par une équipe soudée autour de Hassan Moali, le mensuel s’impose comme une référence pour celles et ceux qui cherchent à comprendre l’Algérie et le monde autrement, avec rigueur, clarté et conviction.
Visions d’Algérie porte la marque d’une époque où tout semble à nouveau possible, dans une Algérie qui se renouvelle sans jamais se renier. Dans cette dynamique porteuse d’espoir et d’audace, le mensuel s’impose comme un repère pour ceux qui veulent comprendre le monde tel qu’il est, mais aussi le penser autrement. Chaque numéro articule avec exigence analyses, enquêtes et reportages, dans un esprit frondeur et volontaire hérité d’un journalisme de terrain rigoureux et assumé.
Au cœur de cette aventure éditoriale, Hassan Moali incarne une certaine idée du journalisme. Observateur attentif de la société algérienne, il conjugue rigueur intellectuelle, sens de l’engagement et liberté de ton. Son parcours, ancré dans le terrain, témoigne d’une fidélité constante à une éthique de vérité : enquêter, vérifier, croiser les sources, confronter les points de vue. À l’opposé des facilités du commentaire ou du sensationnel, il défend une pratique exigeante du métier, faite de patience, de précision et de responsabilité. Inspirant pour ses collègues, il insuffle à l’équipe une ligne claire : produire une information fiable, structurée et utile, au service du public.
Lui et son équipe cultivent une approche collégiale, marquée par un effacement apparent des marqueurs hiérarchiques, qui permet une véritable intelligence collective, où le fond prime toujours sur l’ego. Ensemble, ils revendiquent une posture claire : se placer du côté des faits établis, contre les opinions à l’emporte-pièce, les préjugés et les discours convenus. Loin de rechercher l’exhaustivité ou le rythme effréné du flux d’actualité, ils privilégient la clarté, la hiérarchisation et le sens. Face à la « fatigue informationnelle » qui gagne les lecteurs, leur ambition est d’aider à faire le tri, à contextualiser, à prendre du recul. En somme, à restituer du sens et produire de l’intelligibilité. Les articles qu’ils donnent à lire se doivent d’être non seulement de qualité, mais aussi accessibles que ce soit sur les supports numériques et imprimés du magazine.
Cette exigence de fond s’accompagne d’un soin tout particulier apporté à la forme. Visions d’Algérie se distingue par une identité graphique sobre mais percutante. Une logique événementielle structure chaque édition : la couverture devient un espace flexible où tous les sujets peuvent émerger, avec des titres forts qui occupent toute la largeur, et des « pages d’ouverture » qui amplifient un thème central. La maquette, modernisée, se veut plus attractive, tant pour le lectorat que pour les annonceurs : typographies repensées, multiplication des rubriques, diversité des narrations, formats plus courts, infographies et photographies soignées.
Le contenu, 100 % fait maison, traduit une volonté affirmée : coller aux préoccupations concrètes des lecteurs. L’information politique, internationale, économique ou culturelle y est traitée sous des angles originaux, toujours pensés avec rigueur. Visions d’Algérie s’impose ainsi comme un acteur incontournable dans le paysage médiatique national. Un magazine à la fois lucide et ambitieux.
Le Provincial : Pouvez-vous nous parler de votre carrière en quelques mots ?
H.M : Je fais partie de la génération de journalistes que je qualifierai d’intermédiaire entre ceux des années, 70 et 80 et celle d’aujourd’hui. Je viens de “fêter” mes 30 ans dans ce métier très passionnant, avec des hauts et des bas comme tout le monde. J’ai commencé ma carrière, en tant que permanent au journal L’Opinion en 1994, suivi d’un bref passage à L’authentique avant de rejoindre l’équipe de Liberté le 1er janvier 1996. C’est là bas, que j’ai vraiment pratiqué le métier sur le terrain dans le feu de l’action terroriste si j’ose dire. À Liberté, j’y avais côtoyé de grands noms de la presse nationale à l’instar de Hacen Ouandjelli, Mustapha Mohammedi, Zoubir Ferroukhi (Allah irahmou) les frères Ouali, (Amer et Omar) Said Kaced, Mustapha Benfodil, Mustapha Hammouche et d’autres plumes flamboyantes qui ont affiné la mienne.
En 2005, j’ai décidé de rejoindre El Watan, qui était alors le meilleur de ce qui se faisait dans notre paysage médiatique. Là bas aussi, j’étais très bien entouré et managé par M. Omar Belhouchet qui m’avait donné sa confiance et encouragé à aller de l’avant en m’initiant notamment au reportage international. A El Watan, c’était pour moi, en quelque sorte, l’âge de la maturité professionnelle. J’y avais signé des dizaines de fois l’éditorial du journal bien que je n’exerçais aucune responsabilité jusqu’à 2009 quand, Omar Belhouchet m’avait confié le service international en plein “Printemps arabe”.
C’est sans doute la séquence la plus aboutie de mon parcours aussi bien ethniquement que professionnellement. Après dix ans à El Watan, j’ai tenté une expérience en tant que manager de la rédaction au Temps d’Algérie pendant presque trois ans, durant lesquelles j’ai appris beaucoup de choses en termes de gestion d’une rédaction aussi “surveillée”. Comme le journal appartenait à Ali Haddad qui était proche des décideurs d’alors, j’ai dû faire du funambilisme entre les exigences du métier et la tentation de la propagande. J’ai fini par être licencié en mai 2018 à cause d’un éditorial jugé attentatoire à la ligne politique de mon ex patron et ses acolytes. Depuis, ma carrière est un peu hachée. Je végétais sans me poser dans un paysage médiatique atomisé puis assommé. En 2023, j’ai créé le magazine Visions d’Algérie pour justement essayer de réenchanter notre métier en explorant le format magazine qui est le parent pauvre de notre presse, notamment francophone. Malheureusement, je me rends compte que sans l’aide des pouvoirs publics via l’ANEP, il est quasiment impossible de faire un produit de cette nature fût-il de bonne qualité. C’est vous dire à quel point je suis frustré de ne pouvoir faire ce que j’aime dans mon pays : pratiquer le journalisme, le vrai. Et c’est vraiment dommage.
LP : Le journalisme était-il pour vous une vocation ?
H.M : Je crois que oui. Enfin, je pense que j’avais ce petit quelque chose qui épouse parfaitement les canons de ce métier. Je suis un homme qui aime lire, qui adore le contact, et qui ne supporte pas la médiocrité et tous les vices de notre société. Vu sous angle, j’ai la faiblesse de croire en toute modestie que ce métier est fait pour moi.
LP : Quel regard portez-vous sur l’évolution de la presse ?
H.M : C’est un regard contrasté. Notre presse n’est plus ce qu’elle était en termes de qualité. Je ne suis pas de ceux qui tentent maladroitement de brandir le nombre de publications pour faire passer la pilule de la qualité. J’ai porté un regard très critique à l’égard de nos journaux et dans toutes les langues. Mais je m’interdis de porter un jugement fort sur les propriétaires de ces journaux qui n’ont vraiment pas le choix que de faire, bien malgré eux, dans le journalisme “alimentaire”. La question qui se pose est claire : s’adapter ou disparaître !
LP : Qu’aviez-vous en tête quand vous avez créé Visions ?
H.M : Comme je l’ai dit au début, ma décision de laver “Visions d’Algérie”, faisait suite à un constat alarmant que le journalisme à déserté la majorité des rédactions. Donc plutôt que d’être happé par la presse quotidienne, et ses implications pas souvent professionnelles, j’ai préféré tenter une expérience originale qui s’articule non pas sur la retransmission quasi mécanique des dépêches de l’APS mais sur sa mise en perspective et sa mise en scène. Mon magazine s’est donné l’ambition d’ouvrir le débat sur les grandes questions qui interpellent notre pays à l’instar des choix économiques, des implications politiques, et des articulations géopolitiques. Le constat est que notre pays reste l’un des rares dans notre région qui ne dispose pas de support médiatique de ce format.
Pourtant nous avons de magnifiques expériences avec Algérie Actualités, Révolution Africaine, Rupture, L’hebdo Libéré pour ne citer que ceux-là. Je ne comprends pas qu’un pays aussi important que le nôtre se soit privé de succulentes plumes pour porter sa voix à l’international en investissant sur une forêt de quotidiens soi-disant “nationaux” qui ne lui apporte aucune plus value éditoriale encore moins politique. A mon avis, il va falloir urgemment revoir tout ça à fortiori dans un contexte géopolitique extrêmement délicat pour notre pas. La guerre médiatique qui nous est menée est inversement proportionnelle à nos moyens de riposte. La peur doit changer de camp pour reprendre la formule proverbiale de feu Reda Malek. À Visions d’Algérie, c’est précisément notre…vision des choses. Mais à l’impossible nul n’est tenu. On fait du service public voire de la veille patriotique mais sans l’aide des pouvoirs publics, notre expérience va, hélas, forcément tourner court.
LP : À quelle nécessité la revue répondait-elle ?
H.M : Je crois avoir répondu à cette question précédemment. “Visions d’Algérie” à germé sur un constat de carence. Le format magazine qui exige, rigueur, compétence, expérience, recul et sens de l’analyse, n’existe quasiment pas en Algérie. Non nous avons donc tenté d’apporter une petite pierre à la relance de ce type de journalisme libéré de contingences de l’urgence et de la quotidienneté. Nous avons tout intérêt à redonner le blason de ce genre de presse qui interroge, explique et met en scène les informations en s’appuyant sur les experts et les grandes plumes pour y apporter les éclairages nécessaires.
LP : Quelques mots sur votre équipe ?
H.M : Ma petite équipe est juste magnifique. C’est dans un esprit de famille que nous confectionnons chaque numéro. On y met de l’amour, de la rigueur et par-dessus tout, de la passion. Il arrive que nous ne touchions pas un sou pendant trois mois ! Mais la flamme qui nous habite pour faire grandir ce beau “bébé”, nous fait oublier tout. Humainement et professionnellement, c’est un kiffe comme disent les parisiens !
LP : Vous vous lancez dans cette aventure médiatique alors que la plupart des médias ont emboîté le pas à l’Internet en livrant une information souvent simplifiée, superficielle… Pourquoi ?
H.M : C’est une question qui revient souvent et elle est, en partie, fondée. Le secteur des médias est tellement numérisé et digitalisé qu’il est impossible de s’y soustraire. Pour autant, je suis de ceux qui pensent qu’il y a et il y aura toujours de la place pour un journal ou un magazine pour peu qu’il soit de qualité. En l’occurrence, à Visions d’Algérie nous sommes certains qu’il existe un gisement de lecteurs (francophone notamment) qui se comptent en dizaines de milliers en plus des acteurs institutionnels, économiques, sociaux, culturels, bref des décideurs qui ne verraient pas d’un mauvais œil que de grands journalistes et de brillants experts leurs apporter des éclairages sur leurs secteurs respectifs.
Notre magazine se veut être une sorte de vade-mecum à même de les aider à mieux saisir les faits et à prendre les bonnes décisions. Je terminerai par reprendre la géniale formule d’Albert Londres que je fais mienne : ” Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie”. Je crois qu’il a parfaitement résumé le rôle qui doit être celui de la presse. J’en conviens que nous sommes loin du compte. Notre belle Algérie a tant besoin de se donner les moyens (médiatiques surtout) de sa politique. Dans l’environnement qui nous entoure, cela relève, semble-t-il de la sécurité nationale.
Propos recueillis par Aly D
