Le ministère des Transports a ordonné la tenue, en urgence, d’une réunion entre les directions de wilaya d’Annaba et d’El-Tarf, pour trouver une sortie de crise à la relocalisation des liaisons inter-wilayas vers la station Mohamed Mounib Sendid. Une convocation qui engage les administrations locales, mais n’implique pas nécessairement la présence physique d’une délégation ministérielle lors des débats.
La mesure administrative de transfert des arrêts a provoqué, dans les faits, une rupture brutale des schémas de mobilité établis : files à l’aube, autobus systémiquement surchargés, prolongation des trajets en raison d’arrêts multiplicateurs visant le remplissage maximal, et charge financière additionnelle pour des usagers contraints d’avoir recours au taxi pour achever leur parcours. Ce transfert hors de la commune pèse en particulier sur les communes frontalières (Ben M’hidi, Chatt, Besbes), dont les habitants effectuent quotidiennement des navettes professionnelles et scolaires vers Annaba.
Parallèlement, la fermeture effective de la station de Sidi Ibrahim a catalysé la suspension partielle du service pour de nombreux transporteurs et l’organisation de mobilisations quotidiennes devant la direction des Transports d’El-Tarf. Les chauffeurs dénoncent l’absence d’accompagnement et réclament le rétablissement du dispositif antérieur, arguant d’une perte de revenus et d’une décision prise sans évaluation socio-économique préalable. Cette dynamique a conduit les autorités locales d’El-Tarf à solliciter, de façon formelle, le retour au régime de stationnement antérieur pour les communes frontalières concernées ; une demande qui, jusqu’à présent, n’a pas rencontré d’effet opérationnel décisif.
La convocation ministérielle, en ordonnant un dialogue bilatéral entre directions de wilaya, révèle la reconnaissance institutionnelle d’un problème dont la résolution exige une gouvernance inter-institutionnelle et non une série de décisions techniques isolées. L’enjeu dépasse la simple localisation d’une station. Il renvoie à la capacité des administrations à concilier sécurité urbaine, continuité du service public et viabilité économique des opérateurs privés dans un cadre concerté.
Pour que la rencontre produise des effets tangibles à court terme, il paraît indispensable d’adopter une stratégie en deux temps. D’abord, des mesures transitoires immédiates (réouverture partielle et encadrée de points d’arrêt, création de créneaux horaires réservés pour liaisons inter-wilayas, renforcement du contrôle des capacités d’embarquement). Ensuite, la mise en place d’un Comité bilatéral de suivi, composé des directions de wilaya, de représentants des transporteurs, d’élus locaux et de délégués d’usagers, chargé d’instruire et d’évaluer des indicateurs opérationnels (temps d’attente moyen, fréquence des passages, taux de remplissage).
À moyen terme, l’élaboration d’une convention-cadre inter-wilayas s’impose pour normaliser les procédures de redéploiement des arrêts, instituer un calendrier préalable d’application et prévoir des mécanismes d’accompagnement économique destinés aux transporteurs affectés. Sans cette contractualisation institutionnelle, toute solution ponctuelle risque de se dissiper au premier soubresaut administratif.
La convocation, même si le ministère n’assistera pas nécessairement aux débats, constitue une opportunité politique pour déléguer la recherche de solutions aux acteurs territoriaux tout en imposant une feuille de route normative. La réussite de cette approche dépendra de la capacité des directions de wilaya à dépasser les logiques de défense d’intérêts locaux et à formaliser un compromis opérationnel, mesurable et réversible si les indicateurs montrent une dégradation persistante du service.
Par : Mahdi AMA