Le projet de loi de finances 2026 (PLF 2026), adopté le 5 octobre dernier en Conseil des ministres, s’annonce sans nouveaux impôts, mais avec une batterie de mesures fermes destinées à combattre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Objectif : s’attaquer à une économie informelle qui pèserait entre 50 et 60 milliards de dollars, tout en préservant la stabilité budgétaire dans un contexte de ralentissement des recettes pétrolières.
Le document présente un cadrage macroéconomique sur trois ans (2026-2028), fondé sur un prix de référence du baril à 60 dollars et un prix de marché à 70 dollars. Les exportations d’hydrocarbures devraient reculer légèrement : -2 % en 2026, -0,5 % en 2027 et -2,7 % en 2028. En parallèle, la croissance devrait progresser à un rythme soutenu, passant de 4,1 % en 2026 à 4,5 % en 2028. Les recettes budgétaires sont, quant à elles, attendues à la hausse, atteignant 8 009 milliards DA en 2026, contre 8 412 milliards DA à l’horizon 2028.
Durcissement des sanctions
Le PLF 2026 met un accent particulier sur le renforcement du contrôle fiscal. Les amendes infligées aux fraudeurs, notamment en matière de TVA, seront augmentées pour dissuader les pratiques illégales. Les pénalités de retard passent de 1 à 2 %, tandis que 30 % des montants recouvrés grâce à ces sanctions seront réaffectés au financement des services de contrôle.
Cette orientation traduit la volonté du gouvernement de moderniser l’administration fiscale, de numériser les procédures et d’assécher les circuits parallèles de distribution et de facturation.
Tour de vis aux frontières
Le volet relatif aux devises introduit une unification du plafond de déclaration à l’entrée ou à la sortie du territoire : désormais fixé à 1 000 euros (ou équivalent), ce seuil concerne aussi bien les résidents que les non-résidents. Les voyageurs devront déclarer non seulement les billets et pièces, mais aussi les moyens de paiement au porteur, effets de commerce, valeurs négociables, métaux et pierres précieuses.
La taxe dite « carburant » appliquée aux passages frontaliers est, elle aussi, revue à la hausse : de 3 500 à 5 000 dinars pour les véhicules légers, et maintenue à 12 000 dinars pour les autobus et camions de plus de dix tonnes. Une taxe additionnelle de 1 000 dinars sera imposée à chaque passage supplémentaire dans la même journée.
Autre mesure notable : l’interdiction d’acheminer des moyens de paiement, y compris des métaux précieux, par voie postale ou courrier express. Les douanes pourront saisir ces valeurs par précaution en cas de soupçon de blanchiment. Elles auront également le droit d’exiger tous les justificatifs sur l’origine et la destination des fonds transportés. Les négociants de métaux précieux devront désormais obtenir un agrément fiscal, sous peine de révocation.
Fiscalité ciblée et contrôle accru des biens de luxe
Le texte prévoit également une révision à la hausse de la taxe spécifique sur les yachts, étendue désormais aux jet-skis, avec un tarif fixé à 400 000 DA. Cette mesure symbolique s’inscrit dans la volonté d’instaurer une fiscalité plus équitable, où les biens de luxe contribuent davantage.
Par ailleurs, le PLF 2026 réduit les délais d’exercice du droit de préemption de l’État sur les biens immobiliers et précise les cas d’exemption. Il exonère aussi de droits de douane et d’amendes les marchandises confisquées au profit de l’État, dès lors qu’elles ont été importées dans le respect de la réglementation.
Avec ce texte, l’exécutif affiche une stratégie de fermeté financière et de moralisation économique. En s’attaquant à l’évasion fiscale, à la fuite de devises et à la circulation informelle des richesses, le gouvernement cherche à consolider les ressources budgétaires et à asseoir un contrôle plus rigoureux sur les flux financiers internes et externes.
Par : S.A.B.