L’économiste franco-algérien El Mouhoub Mouhoud s’est exprimé sur la réalité de la diaspora algérienne en France, un sujet particulièrement sensible dans le contexte actuel de crispation diplomatique entre Alger et Paris. Pour lui, la relation entre les deux rives ne peut se penser sans une meilleure reconnaissance du rôle et du potentiel de cette communauté, souvent sous-estimée dans le débat public français.
Ancien président de l’université Paris-Dauphine et actuel président de l’Université PSL (Paris Sciences et Lettres), El Mouhoub Mouhoud incarne lui-même un parcours d’excellence et de persévérance. Son expérience personnelle et académique lui confère une légitimité particulière pour aborder les difficultés et les réussites de cette diaspora, profondément ancrée dans les deux sociétés.
Une diaspora victime de stéréotypes persistants
Invité sur RFI, l’économiste a dressé un constat lucide : le débat sur l’immigration en France reste dominé par les clichés. Selon lui, les Algériens et leurs descendants sont enfermés entre deux extrêmes : « les délinquants des cités d’un côté et les héros du sport, du football en particulier, de l’autre ». Entre ces deux représentations médiatiques, « la masse des Algériens issus de l’immigration qui réussissent par l’école est occultée », regrette-t-il.
El Mouhoub Mouhoud rappelle que statistiquement, une grande partie des jeunes femmes et hommes d’origine algérienne s’en sortent grâce au système éducatif français. « On est donc dans un contexte schizophrénique : une école française qui intègre de grandes masses d’Algériens issus de l’immigration et un débat public qui se focalise sur les minorités », souligne-t-il, tout en admettant que certains problèmes sociaux existent, sans pour autant être liés à un échec global du modèle éducatif.
Un appel à une politique ambitieuse envers la diaspora
Au-delà du constat, El Mouhoub Mouhoud plaide pour une meilleure valorisation de la diaspora algérienne et pour une stratégie nationale plus structurée. Selon lui, « l’Algérie doit s’appuyer davantage sur ses diasporas », notamment sur les cadres et chercheurs établis à l’étranger. Il appelle à la mise en place de mécanismes institutionnels inspirés des expériences réussies d’autres pays comme l’Inde, le Pakistan ou la Thaïlande, qui ont su mobiliser leurs expatriés dans des projets économiques et technologiques.
Pour cela, il estime essentiel de mieux connaître les profils, les compétences et les secteurs d’activité de cette diaspora, afin de les associer à des projets nationaux selon leurs aspirations et leur expertise. « Il faut connaître sa diaspora et savoir le milieu économique et de recherche dans lequel elle se situe, pour ensuite les associer en fonction de leurs désirs », insiste-t-il.
Selon l’économiste, la diaspora algérienne constitue une véritable richesse pour le pays : « On voit ici en France de grands talents dans beaucoup de domaines, venus dans les années 90, mais qui ne sont pas visibilisés », regrette-t-il, en soulignant l’absence d’une stratégie claire et durable de l’État algérien en la matière. Pour El Mouhoub Mouhoud, le moment est venu de transformer ce potentiel latent en force motrice du développement national.
Par : S.A.B.