
Il ne s’agit pas, ici, de lui rendre hommage. Il n’aime pas les ‘’pleureuses’’ ni les ‘’tekrimet’’ et l’a fait souvent savoir à ses invitants en des mots qui frôlaient… la politesse voire la correction. Et on ne peut pas dire que Boubeker fut pauvre en langage.
Diplômé de sa propre école, à travers ses lectures, son vécu pas des plus faciles, ses compagnonnages assumés ; il en est sorti ce Boubeker intransigeant, une plume acérée, une parfaite connaissance du peuple et partant, de ses gouvernants auxquels il n’a jamais fait de cadeau.
En plus de son immense culture, c’est un capital énorme qu’il mit à profit de ceux qui savaient le lire et ma foi, le comprendre. Ce qui était peu évident pour tous ceux qui rêvaient de le faire taire à défaut de l’embastiller. Mohamed Bedjaoui, ancien ministre des affaires étrangères et ancien président du Conseil Constitutionnel, en sait quelque chose.
Courtisé par des ‘’porte-plumes’’ de certains cercles réels ou supposés du pouvoir, il ne s’est jamais laissé tenter par ces ‘’infamantes couches’’, au grand dam des missionnés et de leurs ordonnateurs.
Et pour cause ! ‘’ Je suis inencartable, la seule carte que je reconnaisse, c’est ma carte d’identité nationale’’, lancera-t-il un jour, à un ‘’envoyé spécial’’ venu lui proposer avec une indignité revendiquée, les avantages qu’il tirerait à faire tremper sa plume dans l’encre de la soumission et de la servilité. La réponse de Boubeker est hélas interdite aux lecteurs de moins de 18 ans, mais rappelons aujourd’hui, à ce ‘’facteur’’ qui a fini ministre avant d’être éjecté, que Boubeker était, jusqu’à hier, locataire de l’OPGI de Constantine d’un logement social attribué en 1986 pour quitter… le garage qu’il occupait avec sa famille.
LE TESTAMENT
J’ai fait deux promesses à Boubeker Hamidechi. L’une en 2002, la seconde en 2025.
Je ne tiendrais pas la première et je m’en vais la violer !
En 2002, Boubeker, grand fumeur à l’époque, souffrait d’une très forte angine de poitrine et venait de perdre sa sœur qui était ‘’ma mère’’ disait-il. Triste et abattu, il se voyait également partant et en le titillant autour d’un verre, je lui avais lancé qu’en fait, il était narcissique et comme Bouteflika, le seul regret qu’il pouvait avoir dans sa vie, c’est de ne pas pouvoir ‘’vivre’’ son enterrement et les hommages qui s’ensuivraient. C’est là, en présence de témoins, qu’il m’a fait jurer de ne rien écrire sur sa mort, et d’attendre ‘’que le bal des faux c… ‘’ se termine, pour publier deux lignes, qui sonnent encore à mon oreille comme un testament, que je vous livre de suite, avec mes plates excuses à tous ceux qui auront déjà ‘’commis’’ des papiers sur la mort de Bob.
Tu écriras m’avait-il dit, ‘’ Boubekeur Hamidechi est mort. Tous les morts ne furent pas de braves gens.’’ Dont acte.
La deuxième promesse, date de moins de quatre mois.
Ayant appris par son fils qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer, je lui ai rendu visite à son domicile. J’ai été agréablement surpris qu’il me reconnaisse et qu’au cours de notre discussion, il ait oublié des amis communs dont les noms ne lui disaient absolument rien.
Mais j’avoue avoir été énormément choqué d’autre part, par sa surprenante lucidité concernant la vie politique du pays, lui qui a, sa vie professionnelle durant, été un farouche critique et un incorrigible ‘’correcteur’’ des turpitudes de nos officiels.
C’est la première fois en 32 ans de compagnonnage, que Boubeker m’a fait part de ses espérances et fait preuve de positive attitude, s’agissant de ce sujet. Avec des yeux qui brillaient, le menton haut, le regard lointain et ce doigt inquisiteur levé -que ses amis lui connaissent-, Boubeker m’asséna un cinglant ‘’le monde a changé, notre tour est arrivé et c’est très jouable’’. J’ai mis du temps à y croire et m’en remettre, tant il est était cohérent et tenait un argumentaire structuré, que l’on n’attribue pas nécessairement à des personnes atteintes de sa maladie.

Il prit un verre d’eau, se leva et s’en est allé fouiller dans sa bibliothèque pour en sortir, un livre jauni par le temps et scotché par Bob ; et me faire promettre –encore une fois- d’en publier des extraits choisis déjà soulignés, sinon, excusez du peu, le transmettre au sommet de la République. Et c’est sur un ‘’ il leur servira’’, que j’ai dû abandonner Bob, qui a tenu à descendre les cinq étages de son domicile pour me raccompagner au bas de l’immeuble.
Le livre, visiblement sauvé du trottoir… d’un bouquiniste par Bob, ne pouvant être publié par Le Provincial, dont ce n’est pas la vocation, s’intitule ‘’Lettre à Tout Le Monde’’ de Jacques Duboin, est et demeurera à la disposition du destinataire final s’il en manifeste l’intérêt.
Comme dirait Bob, ‘’ depuis le temps qu’on se fréquente’’, mon adresse est trouvable.
Avec la fleur séchée laissée par Bob dedans.
Par : Chaouki Mechakra