Mais que signifie ce retrait de BNP Paribas El Djazair pour un simple client de cet établissement foncier ? La Cosob a-t-elle radié BNP El Djazair en guise de sanction ou pour une autre raison ? La banque compte-t-elle restreindre ses activités en Algérie ?
La Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob) a annoncé, dimanche dans un communiqué, la radiation de la banque « BNP Paribas El Djazair » de la liste des teneurs de comptes conservateurs de titres agréés, et ce à compter du 17 septembre courant. « La Cosob informe l’ensemble des investisseurs en Bourse que la qualité de teneur de comptes conservateur de titres agréé a été retirée à BNP Paribas El Djazair, à la suite de sa demande », est-il indiqué dans le communiqué. La Cosob a fait savoir, dans ce cadre, que les avoirs des investisseurs détenteurs de comptes-titres ouverts auprès de la banque concernée, qui n’ont pas procédé à leur transfert vers d’autres teneurs de comptes conservateurs de titres, ont été transférés à Algérie Clearing, dépositaire central des titres. Algérie Clearing est chargée ainsi d’assurer la gestion « temporaire » des avoirs restants, jusqu’à leur transfert définitif par leurs titulaires vers des teneurs de comptes conservateurs de titres en activité, selon la Cosob. Mais que signifie ce retrait de BNP Paribas El Djazair pour un simple client de cet établissement foncier ? La Cosob a-t-elle radié BNP El Djazair en guise de sanction ou pour une autre raison ? La banque compte-t-elle restreindre ses activités en Algérie ? Y’a-t-il un risque pour les dépôts des clients ? Beaucoup d’interprétations circulent depuis dimanche sur cette annonce. Dans les faits et d’après le communiqué de la Commission, la décision de radiation ne découle pas d’une sanction : elle répond à une demande formulée par la banque elle-même dès octobre 2022, visant à mettre fin à ses activités d’intermédiation en opérations de bourse. Autrement dit, la Cosob n’a fait qu’entériner la volonté de BNP Paribas El Djazaïr de se retirer de ce segment d’activité.
Entre « radiation imposée » et « cessation volontaire »
Cela aura-t-il des incidences pour les clients ordinaires de la Banque ? Par vraiment. Car la décision concerne les comptes-titres et non pas les comptes courants, selon des observateurs de la place bancaire. Des médias ont d’ailleurs relevé, hier, que la nuance entre « radiation imposée » et « cessation volontaire » est importante. « Présenter l’affaire comme une éviction forcée peut nuire à l’image de l’Algérie auprès des observateurs et investisseurs étrangers, en donnant l’impression d’un environnement instable. En réalité, il s’agit d’une décision stratégique de la banque, inscrite dans sa gestion globale de ses activités », souligne le site Algérie 360. La même source tient à rappeler qu’il ne faut pas oublier que BNP Paribas reste un géant bancaire international.
Le groupe est présent dans 63 à 64 pays à travers le monde et emploie environ 178 000 collaborateurs. Son retrait partiel du marché algérien n’est donc pas un isolement mais une réorganisation, comme il en opère régulièrement dans d’autres régions. Cependant, le repositionnement de BNP Paribas en Algérie ne peut être décrypté en dehors des tensions entre Alger et Paris. En avril dernier, le site Maghreb Emergent (ME) avait recueilli les témoignages de clients qui étaient en en passe de retirer leurs épargnes déposées dans plusieurs filiales de banques françaises en raison justement des tensions politiques entre les deux pays.
L’inquiétude concernait tout aussi bien des clients de la Société Générale Algérie (SGA) que ceux de BNP Paribas El Djazair, l’autre grande enseigne bancaire française présente en Algérie. « La troisième, Natixis, au réseau plus confidentiel, n’a pas été citée par des déposants anxieux dans les témoignages recueillis », soulignait ME. « Les conditions d’une liquidation, suite à leur fermeture, des filiales des banques françaises en Algérie sont totalement absentes », a toutefois commenté pour ME un ancien banquier du secteur public. Et d’ajouter : « Leurs résultats opérationnels sont positifs, et même si la progression de leur bilan a stagné ces dernières années, le régulateur n’a pas de notification négative les concernant sur la durée. A ce stade je ne vois vraiment pas comment un conflit diplomatique peut venir mettre en danger la liquidité des banques étrangères.»
Un portefeuille de 51 16 milliards de dzd
BNP Paribas traitait, fin 2024, un portefeuille de 51 16 milliards de dzd en titres publics soit 17,15 % de son total bilan, selon une récente analyse de l’économiste Rachid Sekak. Pour rappel, explique ME, les scénarios de crise politique qui débouchent sur un « Bank Run » (panique des déposants) sont assez rares dans l’histoire récente. Les banques russes en ont souffert après les sanctions infligées à leur pays après l’invasion de l’Ukraine en février 2022. L’une des plus importantes parmi elles, Sberbank Europe AG, a dû fermer en mars de la même année faute de liquidités face aux retraits massifs. Précisons que le total de bilan de la place bancaire algérienne, à la fin de 2024, était de 24 342 milliards de dzd en hausse de 4,12 % par rapport à l’année précédente (23 379 milliards). Les évolutions de cet indicateur au cours des dernières années ont été les suivantes : 23 379 milliards en 2023 (+ 6.24 % par rapport à 2022) 22 004 milliards pour 2022 (hausse de 3,23 %), 19 301 milliards à la fin de 2021 et 15 943 milliards de dzd en 2020. La mobilité des bilans s’est ralentie en 2024 mais a été importante sur les cinq dernières années.
Par : Akram Ouadah
