Par : Bouchra Naamane
Des patients, insuffisants rénaux, traités par dialyse au niveau du Centre hospitalier Ibn Sina, communément appelé « Caroubier », ont présenté, au cours des dernières semaines, des symptômes révélateurs d’un éventuel trouble neurologique d’une extrême gravité.
Contacté par Le Provincial, les familles des patients ont fait savoir qu’ils ont commencé, il y a quelques semaines, à remarquer que leurs proches perdent, petit à petit, leurs capacités de parler, de penser clairement et de bouger. Il s’agit essentiellement, selon leurs dires, de troubles du langage, un déficit de la mémoire mais aussi des troubles moteurs apparus à divers degrés chez cette catégorie. « J’ai remarqué que ma mère perdait de manière progressive ses capacités physiques et mentales. Tout a commencé lorsqu’elle n’arrivait plus à marcher, puis elle ne pouvait plus se mettre debout. Jusqu’à perdre complètement son aptitude à faire bouger son corps, mais aussi à parler correctement. Nous avons signalé ce constat à l’établissement dans lequel elle est traitée, mais les responsables ont beaucoup trainé pour effectuer des prélèvements, visant à cerner les causes de cette situation délicate dans laquelle se trouvait ma mère », témoigne le fils d’une patiente.
« Ma fille, âgée de 35 ans, n’arrive plus à bouger aucun membre de son corps, depuis une quinzaine de jours, désormais elle ne peut plus parler. Sa maman nous a quittés il y a trois mois pour un monde meilleur, ma fille est tout ce qui me reste dans cette vie. L’idée de la perdre me terrifie (…) à l’exception de sa fonction rénale diminuée, elle ne souffrait de rien. Désormais, je la vois s’éteindre petit à petit sans pour autant pouvoir l’aider », nous raconte, les larmes aux yeux, M. Khilad, père d’une malade traitée dans le même établissement.
Une fois que ces symptômes ont été observés chez une minorité des patients, leurs familles, qui n’ont pas pu attendre l’intervention de l’établissement, ont immédiatement eu recours aux médecins extérieurs à l’hôpital des Caroubiers afin de tenter d’avoir un diagnostic concret ou, au moins, une orientation médicale. Les concernés ont été notifiés que ces symptômes peuvent être révélateurs d’une intoxication à l’aluminium due à une inadaptation des systèmes de traitement de l’eau de dialyse.
Dosage élevé de l’aluminium chez au moins 4 patients
Quatre patients ont effectué des prélèvements sanguins pour déterminer le dosage de cet élément toxique dans leur plasma, au début du mois en cours, les familles des concernés ont été ébranlés de découvrir que le dosage de l’aluminium dans le plasma de leurs proche est gravement élevé, par rapport aux valeurs de référence fixées pour les patients hémodialysés. C’est, à titre d’exemple, le cas d’une patiente, dont nous détenons une copie de ses prélèvements. Le dosage de l’aluminium dans le plasma de la concernée a été estimée à 259,1 mg/L alors que le même document précise en référence que la concentration plasmatique de l’aluminium recommandée pour les patients en hémodialyse doit être inférieure à 20 mg/L.
Qu’est-ce qu’une intoxication à l’aluminium ?
Le site web, relevant de l’association française Axa prévention, explique que les cas d’intoxication à l’aluminium se manifestent chez des personnes accidentellement exposées à des doses élevées d’aluminium. Il s’agit essentiellement des professionnels des usines de production de ce métal et des personnes insuffisantes rénales dialysées. Cette intoxication se traduit par une atteinte du cerveau ou des os, voire à long terme, l’apparition de cancers du poumon ou de la vessie.
D’autre part, selon un article publié sur le site web « ScienceDirect » qui est une plateforme scientifique, lancée en 1995, contenant plus de 26 % des connaissances mondiales scientifiques : « Les cas d’intoxication aluminique les plus sévères s’observent généralement chez des patients dialysés lorsque la concentration en aluminium de l’eau de ville est élevée et que les systèmes de traitement de l’eau de dialyse sont inadaptés ou défectueux. ». La même source précise également que l’intoxication aluminique est devenue exceptionnelle de nos jours, du fait de bonnes pratiques cliniques et d’un traitement d’eau adapté.
Une enquête diligentée
Contacté par Le Provincial pour tenter d’avoir des explications à cette délicate situation, Le Pr Ahssen Atiq, chef de service de néphrologie, s’est montré ferme quant au sujet. « Les autorités locales hospitalières, je ne dirais pas autre chose, ont en train d’enquêter. Je crois qu’il vaudra mieux attendre les résultats. Je crois aussi que dès que l’enquête sera terminée, le directeur général de l’établissement (Centre hospitalo-universitaire Ibn Rochd, ndlr), fera un communiqué ou bien m’autorisera à éclairer l’opinion publique » avait déclaré le professeur et d’ajouter : « Je ne peux rien vous dire tant que la direction de l’établissement ne m’a pas autorisé à dévoiler des informations et des éclaircissements. Je ne le ferai que dans le cas où ma direction me le permet ».
Nous avons bien évidemment tenté de prendre langue avec le directeur général de l’établissement, M. Mohamed Nacer, mais en vain. Cependant, une source digne de confiance dans l’laboratoire « Cebra », dans lequel les quatre patients ont effectué leurs prélèvements, a indiqué que l’hôpital de « Caroubier » avait demandé, récupéré, au cours de cette semaine, des prélèvements relatifs au dosage de l’aluminium de 24 patients en hémodialyse. Il convient de préciser dans le même sillage, que l’analyse des échantillons conçue pour déterminer le dosage de l’aluminium dans le plasma ne se fait pas en Algérie, les prélèvements sont immédiatement envoyés en France
Dans l’attente de la fin de l’enquête la porte reste ouverte aux interprétations, s’agit-il- réellement d’une intoxication dû à une inadaptation des systèmes de traitement de l’eau de dialyse au sein de l’établissement où y a-t-il d’autres données qui expliquent la souffrances des patients ? wait and see.