À l’occasion de la présentation du one-man-show du comédien Riad Djifaflia, hier, au Théâtre Régional Azzedine Medjoubi, et dans le cadre de la commémoration de la Journée nationale de l’Artiste, nous avons rencontré l’artiste, qui a lui-même écrit le texte de son spectacle. Il nous a parlé à cœur ouvert de sa pièce, de sa carrière riche en expériences, de la réalité du théâtre algérien et des difficultés qu’il rencontre au quotidien en raison de son handicap à la jambe. Grâce à son humour et à sa générosité, ce handicap passe inaperçu, révélant le véritable artiste qu’il est.
Du théâtre scout aux grandes scènes
Riad Djifaflia un jeune homme âgé de 37 ans et natif de la wilaya de Souk-Ahras, découvrant son talent dès son jeune âge, s’est intégré aux Scouts où il a commencé à se produire devant les enfants, avant de passer au théâtre scolaire. En 2012, il fait ses premiers pas dans le théâtre professionnel avec la pièce «Adam et le monstre», où il joue le rôle du monstre. Cette pièce, produite par le Théâtre Régional de Souk-Ahras, marque le début d’une grande carrière théâtrale.
Au fil des années, Riad n’a reculé devant aucun défi, incarnant divers rôles complexes comme celui du père défiguré dans «Les Défigurés» et du docteur dans «Kechrouda». Parmi les pièces marquantes de sa carrière, on trouve «Les ascendants vers le bas», réalisée par le talentueux Ahmed Rezzak, où Riad interprète le rôle de Kerkouba, un surnom qui lui est resté jusqu’à aujourd’hui. Une autre pièce importante de sa carrière est «Terchaka», qui a remporté plusieurs prix lors de festivals nationaux.
Des expériences diversifiées malgré les défis
Malgré sa préférence pour le théâtre, Riad a également exploré des expériences à la télévision et au cinéma. Il a joué le rôle principal dans le film «El Zaim», ainsi que dans le sitcom «Le Divorce» et le programme télévisé «Les Enquêtes de Crimes». Cependant, il n’a pas encore eu la grande chance de percer dans la télévision et le cinéma, malgré son grand potentiel et son aspiration à devenir une star.
Récompenses nationales et internationales
Grâce à son talent, «Kerkouba» a été honoré de nombreux prix, parmi lesquels le prix du Meilleur Rôle Masculin au Festival National de Théâtre de l’Enfant en 2015 et celui de Meilleur Comédien Promoteur en 2019 au Festival National de Théâtre Professionnel. Il a également été récompensé collectivement, notamment avec le prix de la Grappe d’Or pour la pièce «Les ascendeurs vers le bas» et le prix de la Meilleure Représentation Intégrée pour «Terchaka». À l’international, il a décroché le prix de la Meilleure Représentation Intégrée au Festival International de Théâtre de l’Enfant en Égypte avec la pièce «La Grotte des Merveilles».Dans toutes ces distinctions, la performance et l’engagement de tous les comédiens ont largement contribué à ces succès.
« Je rêvais d’être un footballeur, mais… »
Riad, qui souffre depuis toujours d’un handicap à la jambe, un handicap qui pourrait être congénital ou dû à une erreur médicale, a été privé de plusieurs choses, y compris de son rêve d’enfance de devenir footballeur. À cause de son handicap, il n’a même pas été accepté dans les activités sportives scolaires. Cette discrimination se poursuit même dans le monde du travail, où il est souvent rejeté à cause de son handicap, bien que celui-ci ne représente pas un véritable obstacle. «Au début, je me sentais inférieur et j’avais de la haine quand les gens avaient pitié de moi, même dans ma famille. Mais après, j’ai trouvé le théâtre comme un espace pour m’exprimer et pour libérer toute mon énergie. Ce métier est devenu une passion et mon espace de liberté dont je ne peux me séparer», confie-t-il.
Dans son enfance et jusqu’à maintenant, Kerkouba a souffert d’intimidations de la part de ses camarades et même des enseignants. Cependant, aujourd’hui, il transforme ces moqueries en source d’humour et elles ne le dérangent plus. Cet handicap est devenu une source de force pour lui et le rend unique.
Cette condition lui cause également des douleurs physiques et l’a empêché de continuer ses études malgré son intelligence et ses bonnes notes. «Ne lâchez jamais votre rêve même si une partie de vous n’est pas complète. Complétez l’incapacité avec la volonté et la patience. Je ne pense pas qu’il existe dans le monde une personne complète. Certains manquent de raison, d’autres de morale, et certains ne peuvent même pas penser à quelque chose de positif. Il suffit de croire en vous et de créer des miracles. Enfreignez les règles et avancez. Vous devez atteindre votre but», écrit Riad avec une grande conviction.
Une recherche approfondie dans la composition des rôles
Lors de la préparation de ses rôles, Kerkouba ne prend rien à la légère, quelle que soit l’importance du personnage. Actuellement en préparation pour un nouveau rôle dans une pièce à venir, il nous a révélé qu’il cherche un tic spécial pour ce rôle afin de le différencier inconsciemment de ses précédents personnages. Selon ses déclarations, il lui faut parfois plusieurs jours de recherche intérieure pour trouver la composition du rôle, ce qui révèle son engagement et sa passion pour le théâtre.
« Le joker » : une exploration du quotidien
Dans le one-man-show présenté hier au Théâtre Régional Azzedine Medjoubi, écrit par Riad lui-même dans sa première expérience d’écriture, un jeune homme de trente-sept ans vit quotidiennement des expériences sociales à la fois tragiques et drôles, ce qui le pousse à essayer de continuer à vivre et à coexister dans une société complexe. Il fait la connaissance de plusieurs personnages dans plusieurs scènes du show. Riad a révélé qu’en tant que membre de la société, il s’est mis à la place des citoyens dans plusieurs situations de la vie quotidienne, dont certaines qu’il a vécues personnellement.
« Il faut combattre le régionalisme »
Riad met l’accent sur la nécessité de combattre le régionalisme au théâtre et la mentalité des clans afin que chaque personne talentueuse ait sa chance dans ce domaine et que le théâtre ne reçoive pas des intrus, que ce soit en matière de comédiens, de travailleurs ou même de responsables. Interrogé sur l’état du théâtre, il a déclaré que malheureusement, le théâtre pour adultes n’attire pas de public. Il a ajouté qu’il est indispensable de réconcilier le public avec le théâtre en traitant des sujets qui importent à tous les citoyens et qui touchent à leur réalité. Il souligne également la nécessité d’investir dans la publicité pour promouvoir le théâtre.
Par : Ikram Saker