Depuis l’évacuation du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, vers un hôpital allemand, il y a 48 jours, les spéculations vont bon train sur le devenir de la révision constitutionnelle adoptée, malgré un record d’abstention de plus 76% du corps électoral, lors du référendum du 1er novembre.
Sur les réseaux sociaux, bon nombre d’avocats et d’hommes de loi ont affirmé que si la nouvelle constitution n’était pas promulguée par le président de la République dans les trente (30) jours qui suivent la confirmation des résultats par le Conseil constitutionnel, le nouveau texte de la loi fondamental tombe, tout simplement à l’eau. Or, le Conseil constitutionnel a tranché la question des résultats le 12 novembre dernier, soit il y a plus de 30 jours. Les défenseurs de cette théorie se basent sur l’article 144 de la constitution actuelle qui stipule « La loi est promulguée par le Président de la République dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de sa remise. Toutefois, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi par l’une des autorités prévues à l’article 187 ci-dessous, avant la promulgation de la loi, ce délai est suspendu jusqu’à ce qu’il soit statué par le Conseil constitutionnel dans les conditions fixées à l’article 189 ci-dessous ».
La révision constitutionnelle est-elle tombée à l’eau ? Non, répond la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Il est clair, pour Mme Benabbou que la nouvelle constitution ne sera pas appliquée en l’absence du président de la République. « Il est évident que si le président ne promulgue pas la révision constitutionnelle, et ne la publie pas en bonne et due forme, au journal officiel, elle ne sera pas exécutoire, c’est l’évidence même ! », écrit la constitutionnaliste sur son compte Facebook.
Pour ce qui est des dispositions de l’article 144 de la constitution, « il ne faut pas confondre entre la promulgation de la loi ordinaire et la promulgation de la loi de révision constitutionnelle, il y a des différences notables », affirme Mme Benabbou, avant de donner plus d’explications « la promulgation de loi ordinaire doit se faire dans les 30 jours conformément à l’article 144 de la Constitution. Le président de la République appose son sceau directement sur le projet de loi, qui devient, par-là, immédiatement une loi. Donc, il y a un seul texte. Quant à la promulgation de la révision constitutionnelle, le processus, décidé et ébranlé par le Président de la République doit être scellé par son sceau. Néanmoins, aucun délai pour la promulgation n’est indiqué dans l’article 208», affirme la constitutionnaliste.
En cas d’application de l’article 102, « le chef d’Etat intérimaire peut promulguer une loi ordinaire ; en revanche, il ne peut promulguer la révision constitutionnelle puisque l’article 104 de la Constitution lui interdit expressément la mise en œuvre de l’article 208 ».
Le professeur Benabbou rappelle, par ailleurs, qu’« en ce concerne la promulgation des lois constitutionnelles, la différence essentielle : là, la promulgation est distincte de la Constitution (existence de deux textes différents) : -une révision votée par un parlement et adoptée par référendum populaire distincte ; -un décret de promulgation transportant la loi de révision constitutionnelle ».
« Par conséquent, la promulgation des Constitutions reste un acte distinct du corps de la Constitution, et là, le Président de la République atteste seulement de l’acte de naissance de la loi constitutionnelle. Il est comme le notaire qui authentifie la volonté populaire. Quoi qu’il en soit, même si la promulgation est une condition formelle, la révision constitutionnelle ne sera pas applicable tant que le président de la République ne l’aura pas dûment promulguée et publiée au journal officiel », conclut la professeure en droit constitutionnel à l’université de Ben Aknoun à Alger.