Par : Mustapha B.
Depuis mardi, la situation au niveau de la localité d’El Kherba, dans la wilaya de Mila, est explosive. Des milliers de citoyens ont manifesté leur colère à travers une marche en criant haut et fort « wali dégage ! ». Une dizaine de manifestants ont été arrêtés, jugés et condamnés à des peines de prison ferme en un temps record.
Selon des sources locales, la manifestation pacifique a fini par déborder après l’intervention des forces de l’ordre. Se dirigeant vers le siège de la wilaya, les protestataires ont été confrontés à un important dispositif sécuritaire. Des affrontements ont éclaté entre les manifestants et les services de sécurité, faisant plusieurs blessés dans les deux camps.
Retour aux sources du problème
A l’origine de ce « soulèvement », la décision prise par le nouveau wali de Mila de démolir des centaines de logements menaçant ruine au niveau d’El Kherba, une localité frappée par deux séismes de magnitude 4,9 et 4,5 sur l’échelle ouverte de Richter, respectivement les 17 juillet et 7 août 2020. La localité a été déclarée zone sinistrée, le 16 août 2020, par décret interministériel.
Les rescapés avaient, dans un premier temps, été relogés sous des tentes, avant qu’une commission de recensement ne commence son travail. Les experts, après analyse et expertise du site d’El Kherba avaient classé les habitations selon leur état de dangerosité (vert, orange et rouge), c’est-à-dire encore habitables ou inhabitables.
Près de 3.000 familles sinistrées avaient été recensées. Quelque 230 logements sociaux ont été attribués à Ferdwa (Sidi Mérouane) et près de 600 lots de terrains à construire devaient être octroyés à Sidi Khélifa et à Zéghaïa. Les autorités ont, par ailleurs, décidé de procéder à la démolition de toute construction pouvant mettre en danger la sécurité des citoyens. Le premier problème est survenu lors du tirage au sort pour l’octroi des lots de terrain à bâtir.
Mais ce n’est qu’après le limogeage du wali Abdelwahab Moulai et son remplacement par Mustapha Koreich que la situation a commencé à s’envenimer. Nommé le 14 septembre 2022 à la tête de la wilaya de Mila, M. Koreich a laissé entendre, le 7 novembre, qu’il allait mettre en application la décision de démolition des habitations en péril.
Le nouveau chef de l’Exécutif de Mila s’était rendu le dimanche 13 novembre au niveau de la localité d’El Kherba, pour écouter les doléances des citoyens sinistrés. Leur principale revendication était l’annulation de la décision de démolition, ou à défaut le dédommagement total pour toutes les constructions concernées par ladite décision. Le wali a informé les sinistrés que l’annulation de la décision de démolition ne relevait pas de ses prérogatives et qu’il allait en référer aux autorités concernées.
Quelques jours plus tard, les autorités locales ont décrété de raser l’école primaire Bentounsi et le CEM Rabah Benslama à El Kherba. Une décision qui a été catégoriquement refusée par les habitants qui ont estimé qu’aucune construction ne devait être détruite avant le début du dédommagement des habitants. L’obstination des autorités locales à appliquer la décision de démolition des deux écoles a poussé les habitants de cette localité à manifester.
Comme c’est souvent le cas dans les petites villes du pays, les protestations, aussi pacifiques puissent-elles être, sont généralement réprimées et étouffées. Un impressionnant dispositif sécuritaire a été mobilisé pour stopper cette manifestation, et plusieurs jeunes classés comme « leaders » du mouvement de protestation ont été arrêtés puis présentés par devant le procureur de la République du tribunal territorialement compétent et jugés le même jour en comparution immédiate. Selon notre confrère « Atlas Times », 11 personnes ont été condamnés à 3 ans de prison ferme et à des amendes allant de 100.000 à 300.000 dinars, pour « atteinte à l’ordre public » et « incitation à attroupement non-armé ». Deux autres individus, dont l’admin’ de la page Facebook « Mila Info », ont été condamnés à un an de prison ferme. Parmi les condamnés figure aussi un membre de l’APC de Mila.
Nous avons, depuis le début des événements de Mila, consulté la page « Mila Info » qui publiait des photos des manifestations ainsi qu’une vidéo où l’on entend clairement les protestataires inviter le wali à « dégager ». La page en question n’a, à aucun moment, commenté les images diffusées. L’admin’ condamné, avait même appelé, les journalistes et correspondants de presse de la wilaya de Mila à couvrir les manifestations avec professionnalisme, sans amplification ou rétrécissement des faits.
Au moment où nous mettons sous presse aucune communication officielle n’a encore abordé le sujet des événements de Mila, alors que les médias lourds semblent décidés à zapper les manifestations des sinistrés d’El Kherba.