Par : M. B.
Il y a un mois, l’entreprise nationale de promotion immobilière (ENPI) annonçait en grande pompe l’ouverture des inscriptions au dernier-né des programmes de logements lancés par l’État : le logement promotionnel libre.
L’ENPI avait précisé, dans un communiqué diffusé sur son site internet, sa page Facebook et repris par l’agence officiel et tous les médias nationaux, que tout citoyen peut souscrire à ce programme sans conditions d’éligibilité, en fournissant un certificat de naissance et une copie de la pièce d’identité nationale et ce, en fonction du stock disponible dans chaque wilaya du pays.
Selon le communiqué, l’opération d’inscription devait se faire via le site électronique de l’entreprise www.enpi.dz ou bien en se rapprochant des services commerciaux, relevant de l’ENPI à travers les directions régionales et les directions des projets dans les wilayas concernées par l’opération d’acquisition des logements LPL.
Site saturé
L’opération d’inscription a été entachée par de nombreux couacs, dès son lancement.
A partir du 5 août 2021, des dizaines de milliers de citoyens ont commencé à s’inscrire, ou du moins tenter de le faire. Dès l’ouverture de la période des inscriptions, le site était bloqué et saturé. Rares sont les « chanceux » qui ont pu y accéder. Beaucoup ont dû tenter pendant plus de trois semaines avant de pouvoir finalement accéder au site en question, alors que d’autres ont tout simplement renoncé à s’inscrire.
Voyant que le site internet de l’ENPI était inaccessible, les aspirants souscripteurs ont opté pour la deuxième option : « en se rapprochant des services commerciaux relevant de l’ENPI ». Une fois sur place, une fin de non-recevoir leur a été adressée pour des raisons liées à la pandémie de Covid-19. Or, le communiqué en question avait été rédigé et publié la veille, en pleine crise sanitaire.
La bourde de Pro-Immo Annaba
A Annaba, un problème de taille se pose déjà, par rapport à cette formule de logement. L’entreprise en charge des projets semble avoir fait une grave erreur. Au moins 47 logements, sur les 148 disponibles, ont déjà été cédés à des particuliers et ce, avant même le début des inscriptions sur le site !
Des dizaines, voire des centaines de souscripteurs ayant été parmi les tout premiers à s’inscrire, seront exclus de la liste des futures bénéficiaires à Annaba à cause de ce qui s’apparente à une grosse bourde et une mauvaise gestion de la part des responsables de l’entreprise publique « Pro-Immo ». Alors que l’ordre chronologique d’inscription au niveau du site semble être le premier, voire l’unique critère, pour départager les souscripteurs, au moins 47 des tout-premiers inscrits ont d’ores et déjà été éliminés. La raison ? Une mauvaise gestion et une faute de la part de Pro-Immo qui aurait, selon nos informations, envoyé un « inventaire non-actualisé du stock de logements disponibles ». Pro-Immo, aurait ainsi déjà cédé 47 logements du projet 48 LPL Colline Rose, sans en avertir les responsables centraux. Une bourde qui permettra aux souscripteurs d’accuser l’ENPI de publicité mensongère par rapport au stock disponible. L’égalité des chances des souscripteurs face aux programmes étatiques de logements a sérieusement été compromise.
Des prix exorbitants
Au total et, selon le listing affiché par l’ENPI, cette formule compte plus de 1.000 logements répartis sur au moins 6 wilayas, dont certains sont implantés au niveau des sites du programme de logement promotionnel public (LPP). C’est dire que l’offre n’est déjà pas très importante. Hormis pour le site des 557 LPL Akid Lotfi à Oran, les inscriptions ont été clôturées, et près de 30.000 souscripteurs ont enregistré une demande. C’est aussi dire que la demande est là. Mais qu’en est-il des tarifs de cette toute nouvelle formule destinée à la classe moyenne ? Nous avons tenté d’en savoir plus et d’obtenir les tarifs au niveau de la wilaya d’Annaba où 148 unités de logements sont réparties sur 3 projets à savoir 48 LPL, 60 LPL et 40 LPL à la Colline Rose. Les appartements de ces trois projets sont de typologie F4 et F5. Les tarifs vont de 19 millions de dinars (1,9 milliard de centimes) à 23 millions de dinars (2,3 milliards de centimes). Des sommes astronomiques, très loin des bourses « modestes » de la classe moyenne algérienne. De plus, aucune forme d’aide au logement ne semble avoir été prévue pour cette formule. Même les prêts bancaires contractés habituellement par les particuliers pour s’offrir le luxe d’un appartement au niveau d’une promotion immobilière semblent être inapplicables. En effet, pour des logements dont la valeur est supérieure à 12 millions de dinars (1,2 milliard de centimes) les banques n’accordent plus de prêt à taux bonifié. Ce qui ramène à zéro les chances d’acquisition d’un logement promotionnel libre pour un simple cadre moyen, dont le salaire mensuel est inférieur 20 millions de centimes. A qui est donc destinée cette formule de logement ? Une question purement rhétorique dont la réponse est connue de tous. « Tout citoyen peut souscrire à ce programme sans conditions d’éligibilité », ces termes utilisés par l’ENPI permettent ainsi aux citoyens qui ont déjà bénéficié des aides aux logements de l’Etat algérien de bénéficier de s’offrir encore des logements LPL, voire même de les revendre par la suite. Un commerce qui profite aux plus riches, sans pour autant permettre de résoudre la crise du logement qui s’est installée dans la durée sans que les gouvernements qui se sont succédé ne puissent faire quoi que ce soit.
Nous avons tenté de prendre langue avec le directeur de l’agence Pro-Immo Annaba, mais celui-ci n’était malheureusement pas disponible à répondre à nos questions.